L’aile armée du Fatah, Al Asifah, lança depuis la Cisjordanie contrôlée par la Jordanie des opérations de sabotage contre les projets d’implantation israéliens, tel le système du Jordan Water Carrier (le système d’adduction d’eau en provenance de la Jordanie).
Chaque mouvement ou parti palestinien majeur célébra son moment de lancement, insistant sur les nouvelles perspectives ou ouvertures différentes qu’il ajoutait à la révolution. Parfois, les périodes de lancement se situaient intentionnellement en relation commune. Par exemple, la « deuxième Intilaqa » du Fatah fut généralement perçue comme une reconfiguration de la première, bien qu’elle fût apparue dans le contexte radicalement nouveau de l’occupation militaire de la Cisjordanie et de Gaza en 1967 et de la tentative d’organisation d’une insurrection de masse contre l’occupation israélienne.
Les moments de grande intensité révolutionnaire constituaient également une réponse à divers contextes. Par exemple, la première occupation israélienne de la bande de Gaza, en 1956, aboutit au développement d’un intense moment de résistance populaire s’appuyant sur la coopération des membres de divers mouvements politiques. De même, les manifestations de masse qui eurent lieu à travers toute la Cisjordanie constituèrent une réponse directe à la destruction par Israël du village de Samu et des localités voisines le 13 novembre 1966 (voir Résolution 228 des Nations unies).
Alors qu’ils avaient toujours un contexte spécifique, les moments d’action populaire de masse ont acquis toute leur signification dans le contexte élargi de la libération. La Journée de la Terre du 30 mars 1976, par exemple, fut un moment de protestation sans précédent, organisé contre les plans d’Israël prévoyant d’exproprier d’importantes surfaces de terres palestiniennes situées entre les villages galiléens de Sakhnin et d’Arabeh. Les citoyens palestiniens de l’État israélien s’organisèrent au niveau national pour opposer une résistance acharnée au plan, dans le sillage de plusieurs années d’organisation politique et civique contre les expropriations de terres. Six Palestiniens sans armes furent abattus et tués par les forces israéliennes, durant ces protestations, et des douzaines d’autres furent blessés. Depuis lors, l’événement a été commémoré chaque année par les Palestiniens du monde entier. L’anniversaire de la Journée de la Terre en est venu à symboliser l’enracinement des Palestiniens dans leur terre et leur relation profonde avec cette dernière, un thème que l’on peut retrouver dans d’autres mouvements autochtones de résistance aux expropriations territoriales résultant des pratiques coloniales d’implantation.
Alors que certains de ces moments de grande intensité révolutionnaire étaient le produit d’actions populaires de masse, d’autres résultaient du travail secret effectué par des formations révolutionnaires clandestines, dont l’une des plus remarquables fut l’expérience largement citée sous le nom de « Guevara Gaza ».
S’étendant entre 1970 et 1973, elle fut nommée d’après le commandant du FPLP, Mohammad al-Aswad. S’inspirant du révolutionnaire argentino-cubain, al-Aswad adopta Guevara comme nom de guerre. En même temps qu’un groupe de cadres triés sur le volet, il mena des opérations efficaces contre les forces d’occupation israéliennes et les collaborateurs à Gaza, avant d’être tué lors d’une offensive de l’armée en 1973.
Nombre de moments révolutionnaires les plus intenses dans les Territoires palestiniens occupés de 1967 provenaient des prisons de l’occupation militaire. En permanence, ces institutions rassemblaient des centaines, sinon des milliers de révolutionnaires. En même temps qu’elles améliorèrent les conditions sévères à l’intérieur des prisons, leurs grèves de la faim aiguillonnèrent souvent l’action populaire de masse à l’extérieur.
Alors que certains moments révolutionnaires apparaissaient spontanément et que d’autres étaient planifiés, tous dépendaient de l’infrastructure révolutionnaire mise sur pied au cours des longs intervalles entre les événements majeurs, les « périodes intermédiaires ». Ces moments assez longs permettaient une mise sur pied organisationnelle minutieuse, comprenant la formation de cadres ainsi que l’entretien de canaux de communication entre « l’intérieur » et « l’extérieur ». Souvent, ces connexions étaient coordonnées par le biais d’activités dans les pays socialistes ou tricontinentaux. Ce volume de travail considérable était accompli par chaque mouvement palestinien majeur. Par exemple, le Fatah disposait d’une organisation particulière, le « Secteur occidental », qui était spécialisée dans ce genre d’activité, et il en allait de même pour le FPLP, qui lui aussi avait prévu des organes de coordination équivalents.
Le travail social effectué dans ces « périodes intermédiaires » avait lui aussi une grande importance, puisqu’il créait les possibilités de soutenir des insurrections populaires à plus long terme, autrement dit, un type de moment de grande intensité révolutionnaire appelé Intifada selon la terminologie palestinienne. En guise d’exemple, on peut se rendre compte de l’importance d’une telle façon de s’organiser au niveau local dans le camp de Balata qui, au moment de l’Intifada de 1987, allait devenir l’un des bastions les plus forts de la résistance populaire en Palestine.
Karma Nabulsi
est chargée de cours en politique au collège St Edmund Hall de l’université d’Oxford.
Avec son équipe elle a réalisé un cours en ligne sur la révolution palestinienne.
Le cours est disponible sur : The Palestinian Revolution
Le texte ci-dessus est le cinquième chapitre de la partie
Apprendre la révolution
Traduction : Jean-Marie Flémal
Mise en page + quelques photos et liens supplémentaires : la rédaction de ce site