Cisjordanie occupée : 30 cas confirmés de COVID-19

Maureen Clare Murphy, 11 mars 2020

11 mars 2020, Hébron, Cisjordanie. Des travailleurs palestiniens désinfectent un escalier à proximité de la mosquée Ibrahimi. (Photo : Mosab Shawer APA images)

Il y a désormais en Cisjordanie occupée 30 cas confirmés de COVID-19, la maladie provoquée par le nouveau coronavirus, rapportait mercredi l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

La totalité de ces cas se trouvent dans la zone de Bethléem, sauf un, à Tulkarem.

« Les cas de COVID-19 rapportés à Bethléem n’ont développé aucun symptôme jusqu’à présent et restent actuellement maintenus en quarantaine dans un hôtel », a déclaré l’OMS.

« Un docteur en médecine préventive est joignable sur le site afin d’assurer les procédures adéquates de gestion de ces cas. »

Le dirigeant de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas a décrété l’État d’urgence ainsi que des mesures radicales afin d’endiguer le virus après qu’il a été détecté la semaine dernière en Cisjordanie. Jusqu’à présent, aucun cas de COVID-19 n’a été rapporté à Gaza.

Le risque de propagation du virus en Cisjordanie et à Gaza « reste très élevé », a déclaré l’OMS.

Ce mercredi, il y avait plus de 118 000 cas confirmés de COVID-19 dans le monde, dont près de 4 300 se sont révélés mortels.

L’OMS qualifie désormais l’apparition du COVID-19 à l’échelle mondiale de pandémie, la première déclenchée par un coronavirus.

La région méditerranéenne est un épicentre du virus, avec près de 8 700 cas et 300 morts dans 16 pays.

Les blocages extensifs d’Israël

Le ministère israélien de la Santé a rapporté près de 100 cas de coronavirus.

Le trafic aérien depuis et vers Israël a été pratiquement paralysé après qu’une quarantaine obligatoire de 14 jours a été décrétée pour toute personne entrant dans le pays.

Jeudi (aujourd’hui 12 mars), Israël prévoit d’

« imposer un blocage extensif au mouvement des personnes se rendant à Gaza ou qui en viennent, et ce, en réponse aux inquiétudes suscitées par le COVID-19 »,

a déclaré mercredi Gisha, une association des droits de l’homme.

Les restrictions accrues doivent affecter directement quelque 6 000 habitants de Gaza détenant des autorisations de « commerce » leur permettant de travailler en Cisjordanie et en Israël.

Les restrictions de passage par le check-point d’Erez, le seul passage pour les personnes entre Gaza et Israël, avaient déjà été accrues dimanche, à l’occasion de la fête juive de Pourim.

Depuis des décennies, Israël soumet les Palestiniens de Gaza à des restrictions de déplacement et les personnes désireuses de quitter le territoire en passant par Erez doivent être obligatoirement munies d’une autorisation israélienne.

Même au cours des périodes « normales », se rendre à Gaza ou quitter Gaza en passant par Erez est généralement limité aux personnes qu’Israël considère comme des cas « humanitaires ».

Le carrefour de Rafah, à la frontière entre Gaza et l’Égypte, est resté ouvert mercredi. Les autorités de Gaza ont instauré un centre de quarantaine au carrefour afin d’isoler les voyageurs de retour de pays à risques élevés.

« Les personnes entrant dans la bande en provenance d’autres destinations seront priées de se mettre elles-mêmes en quarantaine chez elles »,

a déclaré Gisha.

L’association des droits de l’homme a ajouté que l’OMS contribuait à installer un centre médical à proximité de Rafah au cas où une brusque épidémie se manifesterait.

« Les installations comprendront une unité de soins intensifs de 36 lits et de 30 lits supplémentaires pour les patients chez lesquels on aura diagnostiqué des symptômes moins virulents »,

a ajouté Gisha.

Une flambée du COVID-19 à Gaza provoquerait très vraisemblablement un nombre disproportionné de décès, par rapport à d’autres régions du monde.

Gaza est l’une des zones les plus densément peuplées de la planète et sa population de 2 millions d’habitants s’est considérablement appauvrie après 13 années d’un blocus sévère imposé par Israël.

« En temps ordinaire, dans la bande de Gaza, l’eau du robinet est déjà en grande partie impropre à la consommation et les services de collecte des immondices sont déficients en raison d’une fourniture insuffisante d’électricité et des structures adéquates »,

fait encore savoir Gisha.

À Gaza, près de la moitié des médicaments essentiels sont stockés dans des réserves qui durent moins d’un mois, à moins qu’ils ne soient complètement périmés.

Un nombre important de cas de COVID-19 contribuerait à l’« effondrement » du système de soins de santé de Gaza, a mis en garde un responsable de l’OMS.

Entrer en Cisjordanie ou en sortir est soumis à des restrictions sévères, après que la Jordanie, qui a fait état d’un seul cas de coronavirus jusqu’à présent, a fermé son côté du passage ce lundi. Le lendemain, Israël annonçait également la fermeture du côté qu’il contrôle.

Mardi, la Jordanie a imposé des restrictions supplémentaires aux déplacements internationaux, alors que le Koweït annonçait qu’à partir de vendredi, il annonçait qu’il allait suspendre tous les vols entrants et sortants des États du Golfe pendant deux semaines au moins.

Une réponse discriminatoire

Les associations palestiniennes des droits de l’homme ont montré du doigt la réponse discriminatoire d’Israël au coronavirus.

Israël n’a pas transmis en temps réel de mises à jour en arabe sur le coronavirus aux citoyens palestiniens qui constituent pourtant un cinquième environ de sa population, a déclaré ce mardi Adalah, une association qui défend les droits de cette communauté.

« Un examen du site internet du ministère israélien de la Santé a révélé que les mises à jour actuelles concernant le coronavirus n’étaient publiées qu’en hébreu ; les mises à jour en langue arabe ne sont publiées qu’avec des retards importants »,

a déclaré Adalah.

« De plus, les posts des médias sociaux du ministère et autres applications de smartphone ne sont accessibles qu’en hébreu. »

Adalah a ajouté que le fait de ne pas fournir d’informations de mise à jour en arabe

« viole non seulement le droit à l’égalité, mais constitue également un danger immédiat pour la santé publique. »

Mardi, Al Mezan, une association des droits de l’homme installée à Gaza, a déclaré que les autorités pénitentiaires n’avaient pas pris les mesures adéquates pour protéger la santé des quelque 5 000 Palestiniens détenus dans les prisons et autres centres de détention israéliens.

Parmi ces négligences, figurent également le fait de pas avoir fourni d’informations en arabe ainsi que le maintien des détenus palestiniens dans des conditions de surpeuplement (à huit par cellule), alors, que la moyenne du nombre de détenus israéliens par cellule n’excède par quatre.

Les prisonniers israéliens ont l’autorisation de recevoir des visites de leurs proches de part et d’autre d’une vitre, alors que ces mêmes visites sont refusées aux prisonniers palestiniens.

Les Services pénitentiaires israéliens (IPS) ont déclaré mercredi qu’ils envisageaient s’imposer des quarantaines dans les prisons en cas d’épidémie.

Ils prévoyaient l’évacuation de toute une prison afin de s’en servir comme d’un centre de quarantaine au cas où des prisonniers contracteraient le virus.

Quelques heures plus tard, les médias israéliens ont rapporté qu’un agent du centre de détention de Nitzan s’était avéré positif au coronavirus après avoir été en contact avec un détenu malade.

Il faut savoir qu’alors que ce détenu malade n’a pas été identifié, Nitzan, connu également sous l’appellation de prison de Ramleh, est utilisé pour incarcérer aussi bien des Palestiniens que des Israéliens.

En juillet 2019, le détenu palestinien Nasser Taqatqa est mort en détention.

Les associations de droits de l’homme ont déclaré que son décès peut avoir été le résultat de la torture et de négligences médicales.


Publié le 11 mars 2020 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal

Lisez aussi : Que se passerait-il si le coronavirus atteignait Gaza en état de siège ?

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