Rima Tannous : La lutte derrière les barreaux d’acier
L’article, publié sur ce site, Souvenons-nous de Therese Halasa, révolutionnaire palestinienne, évoquait également Rima Tannous.
En 1972, Rima Tannous (*) participait avec Therese Halasa, Ali Taha Abu Sneineh et Abdel-Aziz al-Atrash au détournement d’un avion de la Sabena (Belgique), le Vol 571 à destination de Tel-Aviv. Leur revendication : la libération de 315 prisonniers palestiniens et arabes des prisons israéliennes.
Rima Tannous a partagé son histoire d’engagement, de résistance, de torture et d’oppression à l’intérieur des prisons israéliennes dans une déclaration publiée dans un recueil en 1979, après sa libération : Palestinian Political Prisoners: Struggle Behind Iron Bars (Prisonniers politiques palestiniens : le combat derrière les barreaux).
Le livre a été publié par le Département unifié de l’information de l’OLP et par le Comité de défense des prisonniers politiques dans les prisons israéliennes.
Elle comprend une description détaillée de ses retrouvailles avec Therese derrière les barreaux, ainsi que leur interaction avec des prisonniers politiques internationaux détenus par Israël en raison de leur implication dans la lutte palestinienne.
Ci-dessous, le témoignage de Rima, traduite en français. Comme Therese, Rima avait été libérée lors d’un échange de prisonniers.
J’ai été arrêtée après ma participation au détournement d’un avion de ligne parti de la Belgique à destination de l’aéroport de Lydda (Lod – Tel-Aviv, NdT), en Palestine occupée. L’avion avait à son bord plusieurs militaires sionistes qui avaient commandé leurs billets à cette ligne aérienne (la Sabena) plutôt qu’à El Al, pour des raisons de sécurité.
Je suis Jordanienne. Ce qui m’a motivée à rallier la révolution palestinienne était l’aspect humain de la cause palestinienne et non le fait que je suis arabe. La cause de l’humanité est unique ; son unicité est universelle et ne peut donc être divisée.
Après la guerre de Juin (la guerre des Six-Jours, du 5 au 10 juin 1967, NdT), j’avais été profondément impressionnée à la vue des réfugiés palestiniens qui traversaient le Jourdain, fuyant la mort semée par la machine de guerre sioniste en Cisjordanie et dans la bande de Gaza.
J’avais vu comment ces gens avaient été concentrés dans des camps de tentes qui ne pouvaient les protéger ni de la chaleur de l’été ni du froid de l’hiver.
Dans le camp de Schneller, j’avais vu comment des jeunes de mon âge vivaient dans des conditions absolument épouvantables alors qu’ils n’avaient strictement rien fait de mal.
J’avais fini par me demander si, un jour, je n’allais pas être transformée moi aussi en réfugiée par la politique expansionniste des sionistes et être confrontée aux mêmes conditions.
Cela m’avait permis de mieux comprendre le dilemme des réfugiés palestiniens de 1948. Ils ont été les victimes au détriment desquelles l’État sioniste a été créé, alors que les réfugiés actuels sont les victimes de son expansion.
Je ne pouvais m’empêcher de ressentir les angoisses et la souffrance des Palestiniens. Chaque jour, je me sentais obligée de me rendre au camp Schneller. Je m’étais fait quelques ami(e)s là-bas et j’avais fini par passer la plupart de mes journées avec eux.
C’est à ce moment qu’a débuté ma lutte au sein de la révolution palestinienne. Plus tard, je n’ai plus été satisfaite du genre de combat que je menais. Je me suis mise à rêver d’accomplir une opération à l’intérieur même de la Palestine occupée.
Mon rêve se réalisa le 8 mai 1972, quand trois militants et moi-même nous nous lançâmes dans une opération avec l’espoir de libérer certains camarades militants des prisons sionistes.
L’opération
Malgré les mesures de sécurité strictes prises dans l’aéroport, nous sommes parvenus à emporter avec nous nos armes et nos explosifs. L’avion a décollé et a atterri à Vienne avant de repartir pour l’aéroport de Lydda.
Comme l’avion traversait l’espace aérien autrichien, Therese et moi nous nous sommes rendues dans les toilettes afin de préparer nos pistolets et nos explosifs. En nous hâtant vers les deux autres militants, Abou Nidal et Zakareya, nous leur avons donné les pistolets et sommes retournées aussitôt aux places qu’on nous avait assignées dans l’avion.
Abou Nidal s’est alors précipité vers la cabine de pilotage pour y déclarer que nous avions pris possession de l’avion. Il s’est alors adressé aux passagers, en leur disant que notre but était de proposer de libérer les soldats sionistes se trouvant à bord en échange de certains de nos militants enfermés dans les prisons sionistes.
« Nous sommes en Palestine »
Notre bonheur et notre plaisir ont été inimaginables une fois que nous sommes entrés dans l’espace aérien palestinien et que nous avons aperçu la Palestine.
Nous nous sommes embrassés mutuellement en criant « Maintenant, nous sommes en Palestine ! » Abou Nidal a ordonné au capitaine de poser l’avion sur l’aéroport de façon à empêcher l’atterrissage et le décollage de tout autre appareil.
Au moment de l’atterrissage, Abou Nidal s’est adressé par radio aux autorités de l’aéroport et les a mises en garde contre toute tentative de s’approcher de l’avion.
Il a demandé que des représentants de la Croix-Rouge internationale (CRI) transmettent nos revendications aux autorités sionistes. Les négociations avec le représentant de la CRI, qui allait et venait, ont duré 24 heures.
L’avion tombait à court d’oxygène et l’air à l’intérieur devenait de plus en plus étouffant. Des considérations humanitaires ont poussé Abou Nidal a accepter que des sandwiches soient distribués aux passagers et que l’avion soit alimenté en carburant de façon à faire tourner les moteurs.
Des militaires sionistes déguisés en membres de la CRI
La CRI nous a apporté des tas de sandwiches et Therese s’est chargée de les distribuer aux passagers. J’étais debout avec une grenade en main, le dos tourné vers la porte intérieure de l’appareil. J’étais absolument sûre que la porte était fermée et qu’il n’y avait pas d’autre moyen de l’ouvrir que de l’intérieur. Par un hublot de l’avion, je pouvais voir un camion de carburant s’approcher de l’avion et portant un drapeau de la Croix-Rouge.
Brusquement, la porte derrière moi s’est ouverte et un homme portant un uniforme de la Croix-Rouge m’a attrapé la main tenant la grenade et s’est appuyé sur moi de façon que nous sommes tombés tous les deux.
Au même moment, les portes latérales de l’avion se sont ouvertes elles aussi et des hommes armés, portant également des uniformes de la CRI, se sont mis à tirer à l’intérieur de l’avion. Les balles du pistolet de Zakareya n’ont pas suffi pour répondre aux armes automatiques des hommes armés.
Il est tombé, le visage ensanglanté. Therese elle aussi est tombée après avoir reçu des balles dans le bras. Abou Nidal a été tué lui aussi. J’ai vu l’un des hommes armés s’appuyant sur un siège, du sang à la tête. Une femme enceinte avait également été tuée.
Tabassages et tortures
Quand la fusillade a pris fin, on m’a retiré la grenade de la main. J’ai eu les mains et les jambes attachées à l’aide d’un fil de plastique. On m’a tirée par les cheveux jusqu’aux marches de l’avion, où l’on m’a poussée et fait dégringoler jusqu’au sol.
Il y avait beaucoup de soldats sur place, certains à bord de véhicules, d’autres à pied. Plusieurs soldats se sont relayés pour me cogner dessus au ventre et à la tête et me balancer des coups de pied dans le dos. On m’a alors traînée sur une courte distance, jusqu’à un endroit où un soldat m’a obligée à me remettre debout.
Je me suis retrouvée en face de Moshe Dayan, à l’époque ministre de la Défense. Il m’a demandé mon nom en arabe. Mais, comme je ne lui répondais pas, il leur a dit de m’emmener. À peine avait-il dit cela que deux soldats m’ont saisie par les mains et les pieds et m’ont jetée à l’intérieur d’un véhicule militaire.
« Enterrée » vive
Quand le véhicule a démarré, un soldat m’a couvert les yeux d’un bandeau et a gardé la jambe sur ma tête jusqu’au moment où le véhicule s’est arrêté quelque part. Les soldats sont descendus du véhicule, m’ont balancée dans un fossé et se sont mis à me jeter de la terre et des pierres sur le corps.
« Elle ne vaut pas la balle pour l’abattre. Enterrez-la vivante ! », ai-je entendu l’un d’eux dire. Ils ont continué jusqu’au moment où j’ai entendu une autre voix dire : « Arrêtez ça ! Faites-la souffrir plus encore avant que nous ne nous débarrassions d’elle. » C’est ainsi qu’on m’a sortie du fossé et qu’on m’a jetée à nouveau dans le véhicule avant qu’il ne m’emmène vers une destination inconnue. ·
L’horreur
On m’a sortie du véhicule et deux personnes m’ont traînée, puis m’ont jetée à terre. L’endroit était très silencieux. Comme j’étais couchée à plat sur le sol, avec les mains liées et étendues au-dessus de la tête, mes mains se sont appuyées sur quelque chose de dur. J’ai pensé qu’il s’agissait de la jambe de quelqu’un, mais c’était bien plus dur : on aurait dit de la pierre. On m’a laissée là pendant deux heures environ.
Les interrogatoires
Après cela, on m’a emmenée dans un autre endroit. On m’a retiré le bandeau des yeux. Je me suis retrouvée assise sur une chaise, en face de plusieurs hommes portant des uniformes.
L’un d’eux m’a demandé mon nom et, quand j’ai répondu, il a dit : « Menteuse » et m’a giflée au visage. La question a été répétée plusieurs fois et, chaque fois que je répondais, on me giflait. Un autre lui a dit des mots que je n’ai pas compris.
Ils ont essayé de me désentraver les mains, mais le fil de plastique était trop enfoncé dans ma chair, au point qu’ils n’ont pu faire autrement que de couper le fil à l’aide d’un couteau, me tailladant ainsi la chair en même temps.
Ils m’ont posé des questions sur l’organisation à laquelle j’appartenais, sur son chef, sur les gens qui coopéraient avec moi en Europe, etc. Quand ils n’obtenaient pas de réponse, ils me battaient de nouveau à coup de verge sur la tête et sur toutes les parties de mon corps. Ils ne croyaient pas que je n’avais pas été à l’université et que j’avais participé à la mise sur pied d’une « telle opération », comme ils disaient.
Quand ils ne parvenaient pas à m’arracher le moindre renseignement, ils m’emmenaient dans une grande salle… Ils m’enlevaient tous mes vêtements et m’attachaient chaque main et chaque jambe à des anneaux fixés dans des murs se faisant face. Ils reprenaient l’interrogatoire dès que j’étais à plat sur le dos.
On l’interrompait en me rouant de coups très violents et en éteignant des cigarettes sur mon corps. On m’aspergeait également, tantôt d’eau froide, tantôt d’eau très chaude.
Décharges électriques
Une fois, on m’a bandé les yeux et on m’a emmenée dans une pièce. On m’a couchée sur une table. J’ai senti qu’ils plaçaient des fils en plusieurs endroits de mon corps. Ils ont retiré le bandeau de mes yeux et sont sortis rapidement en claquant la porte derrière eux.
La pièce a été plongée dans l’obscurité la plus complète. J’ai commencé à entendre des voix : des pleurs, des sanglots, des soupirs. Chaque fois que j’essayais de remuer la tête d’une façon ou d’une autre, de fortes lueurs éclataient dans mes yeux. On m’a laissée là pendant une heure environ. Après cela, tout mon corps s’est mis à s’agiter violemment. Je n’ai pu m’empêcher de pleurer et de hurler en même temps.
Changement de style
Une autre fois, après avoir reçu le « repas » habituel de coups, comme ils disaient, l’un d’eux a fait semblant d’être plus gentil que ses compagnons. Il leur a ordonné de nous laisser seuls.
Il a dit : « Tu es jordanienne. Qu’as-tu à voir avec ces Palestiniens ? Je sais qu’ils t’ont embobinée. Mais tu es toujours jeune. Dis-moi qui sont les gens avec qui tu traites à l’extérieur et tu seras tirée d’affaire. »
Comprenant que son argument était inutile et qu’il ne parviendrait pas à me faire dire quoi que ce soit, il m’a frappée au visage en disant : « Je te connais. Tu étais une prostituée, etc. »
Je n’ai pas supporté d’entendre ces mots et je lui ai dit : « Si tu sais que ta sœur est une prostituée, ça ne veut pas dire que toutes les filles sont des prostituées. » Il a été si furieux qu’il s’est remis à me taper dessus.
Chantage
Rien n’était pris en considération, lors des interrogatoires. Ils avaient lieu à tout moment, aussi bien très tard que très tôt le matin. Ils exploitaient même mes règles pour me faire chanter. Ils m’empêchaient d’avoir de l’eau et ils ne me donnaient jamais rien pour m’occuper de ce problème. Cela aussi dépendait de mes aveux.
À la prison de Ramle
Plutôt que de me soucier des coups et des tortures dont je souffrais, je m’inquiétais toujours pour Therese. Grâce à « x », la policière militante, je savais que Therese était toujours en vie et qu’elle était à l’hôpital. Elle m’a dit également que j’étais à la prison des femmes de Ramle. Elle était très gentille avec moi.
Elle me disait : « Tu dois manger toute la nourriture que je t’apporte, sinon ils vont te briser. » Elle m’apportait de l’eau froide et des bandages propres et les posait sur les taches noirâtres qui me marquaient le corps après les séances de coups. Elle était indifférente aux risques qu’elle prenait en me traitant convenablement.
Elle m’a rassuré quand elle m’a dit qu’il y avait eu d’autres militantes dans la prison qui m’avaient entendue hurler quand j’étais soumise à la torture. Elle me transmettait leurs encouragements à garder un moral élevé et à ne pas craquer. Cependant, je n’ai guère eu de chance. Quelques jours après l’avoir rencontrée, je n’ai plus été en mesure de la revoir.
« Rima ! » … « Therese ! »
Quelques jours avant le procès, une prisonnière a été introduite dans ma cellule. Elle se reposait, le dos appuyé au mur et parvenait à s’asseoir en se laissant glisser lentement sur le sol. J’ai remarqué toutefois qu’elle était incapable de remuer un de ses bras et, finalement, elle est tombée sur ce côté. Je suis allée près d’elle et l’ai aidée à s’asseoir correctement.
Pendant que je l’aidais, elle m’a appelée d’une voix faible : « Rima ! » Mon bonheur en entendant sa voix était inimaginable. Je lui ai répondu sur le même ton : « Therese ! »et l’ai serrée dans mes bras pendant un moment. Pendant trois heures environ, nous n’avons pas dit un mot, par crainte d’être sur écoute.
« Aida fait passer un message »
Un jour, on a lancé un papier chez nous par la fenêtre. Je l’ai pris et je suis allée aux toilettes pour le lire. Il avait été envoyé par des camarades militantes de la prison qui nous disaient qu’elles étaient des militantes comme nous et nous encourageaient à rester fortes et à ne pas nous laisser aller. J’ai déchiré le papier, l’ai jeté dans la cuvette et suis retournée vers Therese pour lui en expliquer le contenu.
Quand nous avons rencontré les camarades militantes après le procès, elles nous ont expliqué le risque qu’Aida Saad, l’une d’elles, avait pris en nous lançant le message.
Aida, ont-elles expliqué, travaillait à la cuisine, à ce moment-là. Après qu’elle avait jeté la lettre, Shoshana Vaknin, une détenue israélienne, l’avait vue près de la fenêtre. Elle était allée raconter l’affaire à l’administration de la prison qui avait convoqué Aida pour faire une enquête.
Sans preuve matérielle contre elle, l’administration n’avait pas puni Aida. Mais Shoshana en voulait tellement à Aida qu’elle l’avait suivie à la cuisine, qu’elle s’était emparée d’un des plats en métal à portée de main et lui en avait asséné un coup sur la tête.
Aida était tombée et avait perdu conscience pendant cinq minutes au moins. Néanmoins, de tels contacts secrets entre nous se sont poursuivis jusqu’au moment où nous nous sommes retrouvées ensemble.
Le procès
Un jour d’août 1972, nous avons été conduites au tribunal. Notre procès a duré environ deux semaines. Nous avions demandé d’être défendues par Felicia Langer, mais ils avaient refusé. Ils nous ont dédigné un avocat à eux. Ce type voulait que je lui raconte des choses que je n’avais pas dites aux interogateurs.
« Je vais vous défendre ; de sorte que vous devez me dire tout en toute franchise », m’a-t-il dit. Quand je lui ai dit que je n’avais rien à ajouter, il a fait semblant d’être en colère et il s’en est allé.
Les charges contre moi étaient nombreuses : port d’armes, implication dans une organisation « illégale », détournement d’avion, homicide délibéré, etc.
On ne m’a pas permis de dire quoi que ce soit sur le fait que je portais des armes et que j’avais détourné l’avion. N’empêche que le procès s’est terminé et que toutes deux, Therese et moi, avons été condamnées à perpétuité.
De retour à la prison de Ramle
Après le procès, on nous a ramenées à la prison de Ramle et nous avons pu vivre en compagnie de nos camarades militantes, cette fois. Cela nous a beaucoup soulagées des souffrances que nous avions endurées lors de la période de l’arrestation et des interrogatoires.
Les conditions de vie
Les conditions de vie sont très mauvaises. La nourriture est insuffisante, qu’il s’agisse de quantité ou de qualité. Pour le petit déjeuner, nous avions environ une demi-miche de pain, deux olives, un quart de tomate et la moitié d’un œuf. Pour le lunch, ce sont généralement des patates. Chaque jour, un plat différent, mais les composantes sont habituellement des patates. Pour le dîner, c’est de la soupe. Je travaillais à la cuisine. Le plat consiste principalement en eau bouillie avec quelques bouts de carottes flottant à la surface, sans beurre ni graisse pour y ajouter un peu de goût. Nous y ajoutions un peu de vieux pain sec de façon à en faire une sorte de repas. La viande qu’on nous fournissait était généralement de la plus mauvaise qualité, et il n’y en avait jamais que deux ou trois petits morceaux pour chacune. Je la faisais bouillir pendant des heures, mais elle n’était jamais cuite. Il nous arrivait même très souvent de la jeter.
Les soins médicaux étaient très mauvais.
Lotfeya Al-Jamal souffrait de certaines fractures dans le dos provoquées par les coups qu’elle avait reçus au cours des interrogatoires. Aisha Audi souffrait d’un ulcère, de rhumatismes et d’autres maux encore. Maryam Shakhsheer était elle aussi en très mauvaise santé. Le pharmacien de la prison ne lui donnait que des tranquillisants.
Nous nous lancions dans des grèves de la faim pour réclamer une amélioration des soins médicaux. Nos grèves étaient brutalement réprimées.Nous mentionnions ces conditions aux représentants de la CRI. Ils disaient qu’il y avait des limites à leurs possibilités d’intervention auprès des autorités carcérales.
Le travail
Nous étions quelque 52 prisonnières politiques, à la prison. Notre travail consistait à nous occuper de la cuisine, à travailler dans le jardin de la prison, à nettoyer les cellules ou à vaquer à d’autres tâches manuelles.
Nous refusions de travailler dans les ateliers dont les produits étaient censés bénéficier à l’establishment militaire sioniste.
L’éducation
De 14 à 17 heures, notre temps était libre. Après le lunch, nous consacrions un peu de temps à nous instruire. La CRI nous fournissait des livres et du matériel d’écriture, à cette fin. Certaines d’entre nous avaient reçu une éducation. D’autres pas.
Lotfeya et Aisha étaient enseignaient l’arabe, Sa’ida l’anglais, Therese l’hébreu, etc. Nous avions quelques prisonniers politiques non arabes qui nous aidaient dans le processus d’enseignement, dont Terre Fleener, une Américaine du Texas, Brigit, une Allemande, Ludvina, une Hollandaise.
Diviser et opprimer
Les autorités carcérales voyaient d’un très mauvais œil le parti que nous tirions de cette auto-enseignement. Elles ont même tenté de diviser nos rangs en essayant de nous rendre méfiantes les unes des autres. Par exemple, de temps à autre, elles inspectaient nos maigres possessions dans les cellules. Elles choisissaient une détenue et ne touchaient absolument pas à ses affaires, alors qu’elles mettaient sens dessus dessous celles de toutes les autres.
La chose se répétait souvent afin de faire peser des soupçons sur la détenue qui restait épargnée. Ou, alors, elles convoquaient une autre prisonnière de temps en temps à la direction, simplement pour la faire asseoir et lui raconter des absurdités.
Nous étions bien conscientes de ces tentatives. Chacune racontait aux autres ce qui s’était passé avec elle.
Les autorités carcérales essayaient aussi de dresser les prisonnières israéliennes contre nous. Bien que la plupart aient appartenu au monde interlope et n’ait rien eu en commun avec nous, nous étions parvenues à en faire passer quelques-unes dans notre camp.
Nos moyens consistaient à leur apprendre un peu le tricot, ou l’une ou l’autre chose dont elles pouvaient tirer profit. Cependant, nous étions bien conscientes que nos problèmes ne venaient pas d’elles et que, tout comme nous, elles n’étaient que les victimes de l’entité sioniste.
L’extrait du livre « Palestinian Political Prisoners: Struggle Behind Iron Bars » a été publié le 28 mars 2020 sur Samidoun ( en PDF ) dans l’article :
Remembering Therese Halasa, Palestinian revolutionary: Rima Tannous’ prison story.
Traduction : Jean-Marie Flémal
(*) Rima avait 20 ans (ndlr)