La France condamnée pour violation du droit à la liberté d’expression
Communiqué de Me Me Grégory Thuan Dit Dieudonné et Me Antoine Comte concernant l’Arrêt Baldassi et autres c. France, 4 juin 2020 :
La France condamnée à l’unanimité par la CEDH pour violation du droit à la liberté d’expression (article 10) dans l’affaire des militants BDS (appel au boycott des produits israéliens)
Le communiqué des avocats :
« L’affaire opposait, à l’État français, 11 militants, qui avaient mené des actions d’appel au boycott des produits israéliens dans un supermarché alsacien en 2009 et 2010, en protestation contre la politique cet Etat qu’ils estimaient en violation flagrante du droit international public et humanitaire.
Relaxés en première instance par le tribunal correctionnel de Mulhouse en 2011, ils avaient été condamnés par la Cour d’appel de Colmar en 2013, avant que la Cour de cassation ne rejette leurs pourvois en octobre 2015. Un recours avait été formé auprès de la CEDH en mars 2016.
Dans cette affaire de principe qui concerne l’ensemble des Etats européens, l’appel aux consommateurs de boycotter les produits d’un Etat, en protestation de sa politique, est protégé par la Convention européenne des droits de l’Homme (article 10). Telle est la conclusion de la Cour européenne dans son arrêt (ci-joint) du 4 juin 2020, qui considère que :
1) L’appel au boycott de produits, sans contrainte ni menace, constitue une expression politique et militante qui, en tant que telle, bénéficie d’un niveau élevé de protection dans toute société démocratique européenne moderne.
L’appel militant au boycott est en effet un outil de la société civile, qui constitue une modalité d’expression à la fois politique et militante, et un appel aux citoyens à exercer une liberté de choix en leur qualité de consommateurs.
A l’inverse, ne visant que des produits, il ne constitue pas un appel à la discrimination fondée sur l’origine nationale des producteurs.
2) L’appel au boycott s’inscrit en l’espèce dans le cadre d’un débat d’intérêt général (respect du droit international public par un Etat et par les sociétés commerciales internationales, respect des droits de l’Homme, droits des consommateurs), et la condamnation pénale des requérants ne répond à aucun besoin social impérieux. Elle apparaît comme ne reposant pas sur des motifs pertinents et suffisants dès lors le droit français interdit tout appel au boycott de produits à raison de leur origine géographique, quels que soient la teneur de cet appel, ses motifs et les circonstances dans lequel il s’inscrit.
L’arrêt du 4 juin 2020 prend ainsi l’exact contre-pied de la position de la Cour de cassation, qui, dans deux décisions de principe d’octobre 2015, avait estimé que le simple appel citoyen et pacifique à boycotter des produits (y inclus ceux des colonies illégales de peuplement) constituait un délit pénal en soi et excluait, par nature, la protection de l’article 10 de la CEDH. Une position absolue et excessive sanctionnée à juste titre par la justice européenne. »
Publié le 12 juin 2020 sur CAPJPO-EuroPalestine
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