Badil exclue de la liste des bénéficiaires des subsides de l’UE

(16 juin 2020) Exclusion de BADIL de la liste des bénéficiaires des subsides de l’Union européenne, en raison de son refus de signer la condition qui criminalise la lutte palestinienne

Badil refuse de signer la condition qui criminalise la lutte palestinienne

Ce vendredi 12 juin 2020, dans un courrier officiel, l’Union européenne a informé BADIL (Resource Center for Palestinian Residency and Refugee Rights – Centre de ressources pour la protection des résidents palestiniens et pour les droits des réfugiés) qu’elle annulait leur projet commun, Mobilisation pour la justice à Jérusalem, et, partant, son financement.

Le projet visait à accroître la résilience des Palestiniens et à mettre en exergue les violations des droits de l’homme et les crimes internationaux commis à Jérusalem par Israël. Le projet était censé porter sur une période de trois ans, avec un budget de 1,7 million d’euros.

L’abandon final du projet est venu après un long échange de correspondance entre BADIL, le principal candidat du projet, et l’UE, au moment où, début juin 2020, BADIL a confirmé qu’il rejetait la fameuse clause antiterroriste (l’Article 1.5 bis) figurant dans l’Annexe II des Conditions générales.

Malgré le précédent courrier de l’UE, le 27 août 2019, qui affirmait que la révision des contrats était une clause anti-incitation plutôt qu’une clause antiterroriste, la lettre adressée par l’UE à  BADIL le 12 juin 2020, disait ceci :

« En nous référant à votre réponse, nous concluons que Badil ne peut se plier aux Conditions générales telles qu’elles ont été formulées et nous sommes par conséquent dans l’obligation de considérer que votre demande n’est plus valide. »

Dans sa dernière correspondance adressée à l’UE, BADIL proposait une formulation alternative, pour l’Article 1.5 bis : 

1. Le partenaire [dans le cas présent, BADIL] s’engage à dépenser les fonds de l’UE uniquement dans les activités et buts des projet et budget approuvés par le partenaire.

2. Le partenaire ne mettra à la disposition d’aucun groupe et/ou entité politique, et de quelque manière que ce soit, la moindre somme en provenance des fonds de l’UE.

3. Le partenaire utilisera les fonds de l’UE pour garantir et promouvoir les droits humains et les principes et valeurs démocratiques en conformité avec les normes et les meilleures applications des lois internationales.   

Le rejet par BADIL de l’Article 1.5 bis s’appuie sur le fait que signer le contrat criminalise la lutte palestinienne contre l’oppression et que cela requiert de l’organisation bénéficiaire qu’elle effectue des procédures de « screening », ce qui équivaut à exercer un contrôle policier sur son propre peuple.

L’inclusion de cet article dans des contrats avec des organisations palestiniennes contredit le rôle national des institutions de la société civile palestinienne dans la lutte pour la liberté à l’égard du colonialisme et de l’apartheid israéliens.

De plus, l’article viole à la fois les lois palestiniennes et les lois internationales, de même que les obligations déclarées de l’UE même.

Cette situation révèle tout le sérieux de l’article inclus dans les contrats de subsides de l’UE et les buts politiques sous-jacents de l’UE.

Le rejet par l’UE du discours alternatif proposé par BADIL en remplacement de l’Article 1.5 bis révèle que l’article est plus qu’un simple texte anodin pour faire en sorte que les fonds ne soient pas transférés à des partis politiques, conformément aux exigences de l’UE, et qu’il émane plutôt d’une acceptation et d’une adoption des allégations du lobby sioniste et des campagnes israéliennes.

De même, ce rejet réfute les revendications des promoteurs palestiniens disant que l’acceptation de la clause de l’UE et/ou de sa lettre explicative constitue une opportunité pour défier les tentatives des groupes sionistes et pro-israéliens de réduire voire d’éliminer le financement ces organisations palestiniennes.

Disons plutôt que le rejet de l’UE constitue une base pour exclure BADIL et d’autres organisations palestiniennes qui refusent d’accepter la condition qui, à son tour, constitue une forme d’acceptation du lobby sioniste et de ses campagnes contre les organisations palestiniennes. Sous cet éclairage, le rejet de la terminologie alternative proposée par BADIL révèle clairement que :

1. En criminalisant la lutte palestinienne, le plan politique sous-tendant l’inclusion de cet article vise à éliminer certaines institutions palestiniennes, d’une part, et à générer un autre groupe d’organisations séparées de la réalité palestinienne et du rôle national des premières organisations dans le processus de libération, d’autre part.  

2. La prétendue lettre de clarification rédigée par l’UE et adressée au Comité de coordination du réseau des ONG palestiniennes le 30 mars 2020 – dépourvue du contexte juridique spécifique de la Palestine et de toutes considérations éthiques – n’était rien de plus qu’un écran de fumée destiné à normaliser et promouvoir les conditions inacceptables et s’alignait en outre sur l’essence et les objectifs du Deal du siècle annoncé par Trump.

3. L’insistance de l’UE pour maintenir l’article susmentionné résulte de la rupture d’un petit nombre d’organisations palestiniennes avec le consensus national des organisations de la société civile et des partis politiques de la Palestine en vue de rejeter ces conditions humiliantes et illégales.

Cette situation a ouvert la porte à d’autres pays et institutions de financement d’Europe qui ont inclus les mêmes conditions et exigences inacceptables.

BADIL – en raison de sa position de principe sur cette question – a perdu cinq de ses principaux partenaires de financement en 2019 et 2020.

BADIL renouvelle son engagement envers notre peuple à rejeter tout financement conditionnel inacceptable, son refus de travailler et/ou de coopérer avec toute organisation qui imposerait – ou serait impliquée dans – la signature de telles conditions, et de continuer à travailler au sein de la Campagne nationale palestinienne de rejet des financements conditionnels.

Sur cette base, BADIL demande que :

1.      (…) ces organisations palestiniennes qui ont signé les contrats avec l’UE les résilient immédiatement et annoncent la chose publiquement à notre peuple.

2.       (…) tous les réseaux et institutions nationaux ne signent aucun contrat avec quelque donateur national que ce soit qui ferait intervenir cette fameuse clause antiterroriste, et que ces organisations qui n’ont pas encore rallié la campagne le fassent afin de renforcer la position nationale et l’unité de la société civile.

3.       (…) que les factions, partis et directions palestiniens entreprennent des actions efficaces pour mettre un terme à cette farce du processus de signature, puisqu’il n’est plus acceptable désormais de simplement annoncer le rejet de ces conditions.

Publié le 16 juin 2020 sur Badil
Traduction : Jean-Marie Flémal

Lisez également : Badil : déclaration sur le financement conditionnel de l’UE

 

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