Badil : déclaration sur le financement conditionnel de l’UE

Bethléem, Palestine, 7 mai 2020. BADIL, Resource Center for Palestinian Residency and Refugee Rights (Centre de Ressource pour la Protections des Palestiniens et sur les Droits de Réfugiés) publie sa toute dernière déclaration de principe, intitulée : Le financement conditionnel de l’Union européenne : son illégalité et ses implications politiques.

La déclaration de Badil : Le financement conditionnel de l’Union européenne : son illégalité et ses implications politiques.

Ce texte fournit une analyse en profondeur de la légalité et des implications politiques de l’Article 1.5 bis imposé dans l’Annexe II des Conditions générales applicables aux contrats de subventions financées par l’Union européenne pour des actions extérieures.

Cette analyse s’appuie à la fois sur les lois internationales et sur les lois internes de la Palestine. Elle fournit un contexte juridique et politique au caractère inacceptable de l’imposition de l’article susmentionné et aux arguments et préoccupations des Palestiniens vis-à-vis des exigences formulées par l’Union européenne (UE).

Le texte démontre que le fait d’imposer un financement soumis à des conditions politiques à des OSC (organisations de la société civile) luttant pour le droit à l’autodétermination d’un peuple opprimé et colonisé n’est pas seulement inacceptable moralement et politiquement, mais est de plus illégal par rapport aux lois internationales. En particulier :

Bien qu’en accord avec le renforcement permanent du régime de contre-terrorisme au sein de l’UE, l’Article 1.5 bis n’a été inclus qu’en 2019 et dans les seuls contrats de subsides avec les OSC palestiniennes ; et il constitue un précédent inquiétant qui sape la confiance sur laquelle s’appuient les relations entre l’UE et la Palestine.

L’Article 1.5 bis impose une nouvelle obligation aux récipiendaires palestiniens de subsides, puisqu’il provoque l’application de mesures restrictives de l’UE en screenant et en examinant les allées et venues du peuple même des OSC palestiniens, c’est-à-dire les Palestiniens.

En imposant de telles conditions aux bénéficiaires palestiniens de subsides, l’UE demande de façon inadmissible aux OSC palestiniennes de contrôler et de rappeler à l’ordre leur homologues palestiniennes et d’appliquer pour ce faire le cadre européen sur le plan du contre-terrorisme.

L’Article 1.5 bis est non seulement en désaccord avec les principes de l’action humanitaire, mais aussi avec les droits humains légitimes du peuple palestinien tels que reconnus par les lois internationales, y compris le droit à l’autodétermination et le droit de résister par n’importe quel moyen légitime à l’oppression, l’occupation, la colonisation et l’apartheid imposés par une puissance étrangère.

L’actuel cadre du contre-terrorisme imposé à la société civile palestinienne par le biais de l’Article 1.5 bis criminalise la lutte du peuple palestinien pour son droit à l’autodétermination, contribue à la dépolitisation et à l’aliénation de la société civile palestinienne et ignore le droit du peuple palestinien à une résistance légitime.

L’Article 1.5 bis est en contradiction avec la loi palestinienne qui interdit le financement politique conditionnel

L’Article 1.5 bis est en contradiction avec la loi palestinienne qui interdit le financement politique conditionnel, en imposant par conséquent un dilemme juridique et moral inacceptable aux OSC palestiniennes vis-à-vis de leur propre législation domestique.

Etant donné que l’Article 1.5 bis reflète l’actuelle politique de l’UE en matière de contre-terrorisme, largement influencée en cela par les Etats-Unis et Israël, il existe des preuves solides soutenant la possible escalade des mesures visant les organisations de la société civile palestinienne et situant leur travail dans le cadre du terrorisme afin de les discréditer.

Bien que présenté de façon inoffensive et alors qu’aucune personne palestinienne ne figure nommément sur les listes de sanctions de l’UE, l’Article 1.5 bis pourrait avoir de graves conséquences, puisqu’il pose les bases d’un système de screening et d’examen généralisés de l’ensemble de la société civile palestinienne.

Si on la compare aux conditions de l’USAID imposées au début du 21e siècle, l’imposition par l’UE d’un cadre terroriste à la société civile palestinienne a eu lieu plus tard, mais suit néanmoins le cadre antiterroriste de plus en plus restrictif qu’ont imposé les Etats-Unis. 

En somme, l’Article 1.5 bis discrédite non seulement la lutte légitime du peuple palestinien en vue de réaliser son droit à l’autodétermination vis-à-vis de la communauté internationale mais, surtout, il déshonore les OSC palestiniennes à un niveau national en mettant à mal l’intégrité et la crédibilité des OSC palestiniennes parmi la communauté palestinienne, rompant de la sorte des relations solides et essentielles entre des partenaires, ce qui, dès lors, facilite la fragmentation de la société civile palestinienne et consolide l’isolement des OSC palestiniennes.

Une version en arabe de cette déclaration de principe est en cours de réalisation.


Publié le 7 mai 2020 sur Badil
Traduction : Jean-Marie Flémal

Lisez également : Après Wadie Haddad : La «guerre contre la terreur» et la résistance

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