Le plan d’annexion de la Cisjordanie : des clefs pour comprendre

Le 20 avril 2020, un gouvernement d’union Netanyahu/Gantz a été formé en urgence en Israël. Cela fait suite à plusieurs mois de crise institutionnelle qui a été résolue autour d’un accord qui prévoit notamment d’annexer officiellement 30% de la Cisjordanie occupée, en particulier la Vallée du Jourdain.

Le plan d'annexion rencontrera la résistance populaire

Que cette crise politique israélienne ait trouvé une issue autour de cette nouvelle offensive expansionniste révèle la nature profondément coloniale d’Israël.

Mais comment en est-on arrivé là ?

Les origines du projet

Le projet d’annexion d’une grande partie de la Cisjordanie occupée n’est pas une décision isolée. Celle-ci s’inscrit dans la nature même du projet colonial sioniste de la Palestine occupée depuis un siècle.

Dès la fin du XIXème siècle, l’idéologie coloniale et raciste qu’est le sionisme prévoit d’établir une colonisation de peuplement en Palestine occupée autour du mythe « une terre sans peuple pour un peuple sans terre ». Dans les années 1880, on voit se développer l’arrivée des premiers colons sionistes en Palestine appelés le « Nouveau Yishouv ».

Progressivement, la colonisation s’intensifie jusqu’à atteindre une première étape décisive avec la création de l’État d’Israël, c’est-à-dire la Nakba de 1948 avec le soutien des puissances impérialistes au projet sioniste au lendemain de la deuxième Guerre Mondiale.

Celle-ci voit l’expulsion de près de 800.000 Palestiniens et la colonisation de 78% des terres de la Palestine historique. Les 22% restants sont répartis entre Gaza et la Cisjordanie respectivement sous administration égyptienne et jordanienne.

La Cisjordanie, une cible du projet colonial sioniste

La Cisjordanie est un territoire de 5.660km² qui représente 21% de la Palestine historique. En juin 1967, la Naksa, appelée « Guerre des Six Jours », voit s’entériner une nouvelle étape de la colonisation sioniste avec l’occupation de Jérusalem-Est, de Gaza et de la Cisjordanie. Près de 300.000 Palestiniens seront expulsés de leur terre.

Ainsi, l’État sioniste occupe militairement la Cisjordanie, et de nouvelles colonies sionistes y sont implantées. La stratégie est simple. Le principe du colonialisme de peuplement est d’implanter des colonies en tant qu’avant-postes dans des zones majoritairement palestiniennes pour progressivement chasser les indigènes de leur terre et opérer à un remplacement démographique.

A la suite des accords d’Oslo de 1993, la Cisjordanie est divisée en 3 zones : zone A et B (officiellement sous contrôle palestinien) et la zone C (sous contrôle israélien – environ 63% de la Cisjordanie dont la Vallée du Jourdain). Dans les faits, l’armée israélienne va et vient dans les 3 zones et Oslo n’a été qu’une étape supplémentaire dans le contrôle colonial de cette région. L’Autorité Palestinienne, issue de ces accords, n’a aucune autorité réelle et ne fait que collaborer avec l’État sioniste en Cisjordanie, en particulier avec la « coopération sécuritaire » qui vise à réprimer toute forme de résistance palestinienne au projet colonial.

En avril 2002, l’État sioniste franchit une nouvelle étape en commençant la construction de ce qu’il sera appelé le « Mur de l’Apartheid », une clôture de béton de 8 mètres de haut et d’une longueur de plus de 700km. Derrière un argument sécuritaire, celui-ci vise à l’intégration de colonies à l’État sioniste. Ce projet est jugé illégal au regard du droit international et a été largement condamné par la communauté internationale.

A cela, il faut rappeler que la Cisjordanie est sous occupation militaire permanente avec la présence de 187 bases de l’armée israélienne et 108 chekpoints.

Le plan d’annexion de Netanyahu/Gantz

Aujourd’hui, plus de 650.000 colons et 250 colonies occupent la Cisjordanie où vivent et habitent 3 millions de Palestiniens. Parfois nommées « colonies illégales », parfois critiquées par des organisations internationales (comme l’ONU ou l’Union Européenne), parfois même décriées au niveau de la classe politique israélienne, ces colonies font partie intégrante de la politique globale d’Israël. En effet, Israël procède à l’annexion par le fait : elle colonise de nouveaux territoires, puis entérine formellement une situation déjà existante.

Ce nouveau plan est le plus agressif depuis la Naksa de 1967 et devrait être présenté devant le parlement de l’occupation israélienne le 1er juillet prochain. S’il est adopté, Israël contrôlera de facto plus de 85% des terres palestiniennes historiques.

Mais il y a beaucoup d’inconnues sur les contours exacts du projet et le calendrier de sa mise en œuvre. Néanmoins, il prévoit d’annexer la Vallée du Jourdain, territoire extrêmement fertile (surnommé « le grenier de la Palestine ») où vivent 65.000 Palestiniens. Parallèlement, il prévoit aussi d’intégrer au plan d’annexion plus de 60% de la Zone C de la Cisjordanie.

Au final, c’est plus de 300.000 Palestiniens qui sont sous la menace de déplacements avec de graves conséquences :

-les Palestiniens ne se verraient accorder ni citoyenneté israélienne ni égalité des droits
-les villes et villages palestiniens de la Cisjordanie occupée seront divisés par des postes de contrôle militaires, des murs et des colonies et routes exclusivement israéliennes
-confiscation des terres et des propriétés palestiniennes et exploitation de l’eau et des ressources naturelles.

Un projet non-consensuel chez les alliés d’Israël

Le projet d’annexion de la Cisjordanie occupée fait l’objet de nombreux débats, y compris chez les soutiens d’Israël. De l’Union Européenne à la Jordanie, tous s’inquiètent d’une offensive « précipitée » et « unilatérale ».

Le conseiller de Trump sur le sujet, Jared Kushner, soutient le projet mais il le conditionne à la reprise de « négociations » telles que définies par l’Accord du Siècle. C’est dans ce sillage que s’inscrit la tribune de personnalités sionistes dans Le Monde signée notamment par Anne Sinclair, Benjamin Stora et Bernard-Henri Lévy. Ils reprochent à ce projet de « défigurer le projet sioniste » et ils craignent une « vague de délégitimation de l’État d’Israël ».

Soyons clairs, l’annexion formelle est en effet une menace terrible, mais en réalité, ce n’est qu’une ligne rouge de plus pour Israël qui ne cesse d’en franchir depuis plus de 72 ans.

Si toutes ces personnalités et institutions s’y opposent du bout des lèvres aujourd’hui, c’est sur un désaccord tactique et non pas sur la remise en cause profonde du colonialisme et l’apartheid en Palestine.

Pour le bon déroulement de leurs affaires économiques et militaires, ils ont besoin d’un État d’Israël fort dans la région et d’une situation sous contrôle. Ce que ce plan pourrait mettre en péril.

Face à l’annexion, soutenir la résistance palestinienne

Cette situation est le résultat de la stratégie portée par la direction de l’OLP et l’Autorité Palestinienne depuis plus de 30 ans : abandonner la résistance et négocier un plan de partage sur moins de la moitié de la Palestine historique. Le résultat est sans appel : la situation n’a jamais été aussi dramatique pour les Palestiniens.

Face à cela, le mouvement de solidarité avec la Palestine a deux responsabilités :

-soutenir en Palestine occupée, l’ensemble des forces politiques et sociales qui incarnent la voie de la résistance sans compromis face à l’occupation pour la libération de toute la terre de Palestine de la mer au Jourdain. Seule la résistance populaire, notamment armée, est à même de faire face aux plans de liquidation du projet sioniste et de ses alliés.

-elle doit être appuyée par un large mouvement international de soutien. C’est de notre responsabilité de faire grandir le mouvement de solidarité avec le peuple palestinien et sa résistance pour la réalisation de ses droits. Cela passe par le boycott total d’Israël mais aussi par la promotion et la défense des revendications historiques du mouvement national palestinien en particulier le droit au retour de tous les réfugiés et la libération de tous les prisonniers palestiniens, en Palestine occupée et dans la diaspora.

Rejoignons la mobilisation internationale

Le réseau de soutien avec les prisonniers palestiniens Samidoun appelle à une journée internationale de mobilisation contre le plan d’annexion le 1er juillet prochain. En France, des dizaines d’initiatives sont prévues. C’est dans ce cadre que le Collectif Palestine Vaincra appelle à participer largement aux différentes mobilisations en cours et en particulier à Toulouse le 1er juillet dès 18H30 au métro Capitole.

A bas l’État sioniste et ses alliés ! Vive la Résistance palestinienne !

 


Publié le 22 juin 2020 sur Collectif Palestine Vaincra

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