Les partenaires européens vont commémorer l’Holocauste avec un groupe d’incitation à la haine

Cette année, l’Union européenne commémorera la Journée internationale du souvenir de l’Holocauste en compagnie d’un groupe qui applaudit aux crimes de guerre israéliens, dont l’assassinat de civils sans armes dans la bande de Gaza.

Sur une photo prise le 1er avril 2018, l’infirmière palestinienne Razan al-Najjar secourt un homme blessé au cours des protestations à Gaza, près de la frontière avec Israël. Le 1er juin 2018, Al-Najjar était abattue et tuée délibérément par un sniper israélien alors qu’elle accomplissait ses tâches. (Photo : Ashraf Amra APA images)

Ali Abunimah, 27 janvier 2021

Le 1er février, Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, participera à une commémoration en compagnie de B’nai B’rith, une organisation communautaire juive qui constitue en même temps un groupe de pression en faveur d’Israël.

Parmi les autres participants figurent Katharina von Schnurbein, la responsable européenne de la lutte contre l’antisémitisme, et Audrey Azoulay, directrice générale de l’UNESCO, l’institution culturelle des Nations unies.

Von Schnurbein a affirmé l’importance de tirer les leçons du génocide chrétien européen, dirigé par l’Allemagne, de millions de Juifs européens.

L’Holocauste « n’est pas né de rien », a-t-elle déclaré. « Il a été provoqué par des témoins silencieux et qui le sont restés face à l’injustice. »

La participation à cet événement de hauts responsables de l’UE montre toutefois que non seulement ces responsables veulent rester silencieux, mais qu’ils entendent également prêter leur prestige à une organisation qui applaudit à l’injustice tout en diffamant et déshumanisant les victimes et les personnes qui disent la vérité.

Racisme et soif de sang

Le racisme et la soif de sang affichés par B’nai B’rith à l’égard des Palestiniens sont pratiquement sans égaux parmi les autres groupes de pression en faveur d’Israël.

En février 2019, le Conseil des droits de l’homme des Nations unies publiait le rapport d’une commission d’enquête indépendante sur l’assassinat systématique par Israël de Palestiniens non armés au cours des protestations de la Grande Marche du Retour à Gaza.

La réponse enragée de B’nai B’rith a consisté à attaquer la commission des Nations unies pour

« avoir calomnié Israël à l’aide d’un mensonge éhonté prétendant qu’Israël ciblait  »des personnes handicapées » au cours d »’émeutes organisées par le Hamas » ».

Selon B’nai B’rith, les manifestations de masse étaient caractérisées par la violence palestinienne, qui ciblait entre autres « les soldats israéliens à l’aide d’explosifs et d’agressions par des tireurs embusqués ».

B’nai B’rith a justifié le meurtre de civils en affirmant que

« des agresseurs violents n’ont rien de  »protestataires » et que des jeunes gens en maraude n’ont rien d »’enfants » innocents ».

Ces caractérisations contredisent les faits révélés au cours de l’enquête.

« Plus de 6 000 manifestants non armés ont été touchés par des snipers de l’armée, semaine après semaine, sur les sites des protestations à proximité de la clôture de séparation »,

a déclaré la commission des Nations unies.

Les enquêteurs ont examiné les circonstances dans lesquelles chacune des 189 victimes palestiniennes ont été tuées au cours des protestations entre mars et décembre 2018.

Ils ont découvert que 183 des Palestiniens tués l’avaient été à balles réelles.

« Trente-cinq de ces victimes étaient des enfants, trois étaient des membres du personnel clairement identifiables et deux étaient des journalistes qui l’étaient tout autant »,

a déclaré la commission des Nations unies.

La commission a trouvé

« des motifs raisonnables de penser que les snipers israéliens tiraient sur des journalistes, des travailleurs médicaux, des enfants et des personnes handicapées tout en sachant que tous étaient clairement reconnaissables en tant que tels ».

L’une de ces travailleuses médicales était Razan al-Najjar, une jeune bénévole délibérément abattue par un sniper alors qu’elle tentait de soigner un manifestant blessé.

La commission des Nations unies a également examiné les prétentions israéliennes – formulées par B’nai B’rith – affirmant que ce massacre était justifiable par l’État de légitime défense dans lequel se trouvait Israël.

La commission a déclaré qu’elle

« prenait note de l’allégation israélienne selon laquelle les protestations à proximité de la clôture de séparation masquaient des  »activités terroristes » de groupes armés palestiniens ».

Les enquêteurs « ont toutefois découvert que les manifestations étaient de nature civile, avec des buts politiques clairement affirmés » et que « les manifestations ne constituaient ni des actions de combat ni des campagnes militaires ».

Même l’UE – qui critique rarement Israël et ne lui demande jamais des comptes – a accueilli favorablement le rapport.

Elle a fait remarquer que la commission des Nations unies avait identifié des

« motifs raisonnables de croire qu’il y a une illégalité possible dans l’utilisation de balles réelles par les forces de sécurité irsaéliennes contre des manifestants ».

S’en prendre à des personnes qui disent la vérité

De même qu’il justifie les assassinats de masse commis par Israël sur les Palestiniens, B’nai B’rith est catégorique à propos du fait qu’il ne peut en aucun cas y avoir de demande de comptes.

En décembre 2019, Fatou Bensouda, la procureure en chef de la Cour pénale internationale, a finalement conclu à l’issue de cinq années d’examens préliminaires que le personnel israélien devrait être confronté à une enquête officielle concernant les crimes de guerre commis en Cisjordanie occupée et dans la bande de Gaza.

La réponse méprisante et sectaire de B’nai B’rith a consisté à qualifier cela de « bobard palestinien » disant qu’Israël avait commis des crimes de guerre.

« Manifestement, Bensouda est incapable de faire la différence entre crimes de guerre et propagande palestinienne »,

a déclaré B’nai B’rith.

Le groupe de pression attaque quasiment tout organisme ou responsable international qui ose remettre en question l’impunité d’Israël.

Au cours de la guerre contre Gaza, en 2014, l’ancien président américain Jimmy Carter et l’ancienne présidente irlandaise avaient rédigé un appel commun afin qu’il soit mis immédiatement un terme à la violence.

Ces deux personnalités très respectées avaient réclamé un processus politique qui aurait inclus le reconnaissance du Hamas en tant qu’acteur politique légitime, et ce, sur des bases absolument raisonnables selon lesquelles « il n’est pas souhaitable que l’organisation s’en aille ni qu’elle coopère à sa propre disparition ».

Cette demande se basait sur une logique similaire estimant que le processus de paix irlandais n’aurait pu progresser sans y inclure l’IRA. De la même façon, les États-Unis avaient conclu qu’ils ne pouvaient mettre un terme à leur engagement en Afghanistan sans négocier directement avec les talibans.

Les deux groupes, à l’instar du Hamas, ont toujours été considérés comme « terroristes » par les gouvernements occidentaux.

Mais B’nai B’rith n’allait accepter ni l’un ni l’autre. Il accusa Carter – le négociateur du traité de paix de 1979 entre l’Égypte et Israël – et Robinson de « partialité à l’égard d’Israël ».

Et, signe de la faible appréhension de la réalité par B’nai B’rith sur la réalité, l’association prétendit qu’

« aucune armée au monde n’a été plus soucieuse d’empêcher et de limiter les pertes civiles que les Forces de défense israéliennes ».

À la fin de la guerre de 2014 contre Gaza, Israël avait tué plus de 2 200 Palestiniens, en grande majorité des civils, dont plus de 550 enfants.

Ce tribut de mort équivalait à plus d’une victime pour chaque millier de résidents gazaouis.

Accélérer l’escalade contre l’Iran

Il s’avère qu’il n’existe aucune question à propos de laquelle B’nai B’rith n’adopte pas la ligne pro-israélienne la plus extrême.

Il a applaudi au « plan de paix » de Donald Trump qui soutient l’annexion illégale par Israël de la Cisjordanie occupée, dont Jérusalem-Est.

Il s’est même déclaré « outré » quand les États-Unis ont entrepris la démarche très minimaliste de réclamer que les produits fabriqués dans les colonies illégales d’Israël en Cisjordanie soient étiquetés comme tels.

B’nai B’rith a également rejeté une autre pierre angulaire de la politique américaine : l’accord nucléaire de 2015 avec l’Iran.

Au lieu d’un accord international négocié avec l’Iran, B’nai N’rith exigeait « des sanctions de plus en plus contraignantes, combinées avec un isolement diplomatique et la menace crédible d’un recours à la force militaire ».

Rien de tout ceci n’étonnera les gens qui observent de près B’nai B’rith.

Comme je l’ai déjà dit précédemment, B’nai B’rith est si extrémiste qu’il nie l’existence de l’occupation militaire de la Cisjordanie par Israël. Il a même envoyé une mission en vue de soutenir les soldats israéliens occupés dans le massacre de Gaza en 2014.

Manifestement, il est on ne peut plus pervers de s’associer à ce genre d’organisation dans quelque activité ayant pour but de s’opposer à l’injustice.

La politique antisémite de l’UE

Pourtant, elle est symptomatique d’une approche de l’UE qui assimile la mémoire de l’Holocauste et la flagornerie vis-à-vis des groupes de pression en faveur d’Israël.

Cette semaine, par exemple, l’UE a cosponsorisé une autre commémoration, de l’Holocauste en compagnie du Congrès juif européen, une organisation qui propage l’intolérance à l’égard des musulmans.

Tout cela fait partie de la politique implicitement antisémite de l’UE consistant à assimiler les Juifs et les partisans d’Israël tout en rabaissant les Juifs qui défendent les droits des Palestiniens et qui refusent de s’identifier à l’État.

Cela va main dans la main avec la collaboration de l’UE avec les groupes de pression en faveur d’Israël dans la redéfinition de l’antisémitisme en tant que critique des crimes d’Israël contre les Palestiniens.

Cette approche cynique de la commémoration de l’Holocauste va dans les deux sens : Depuis longtemps, Israël tente de coopter la mémoire des millions de Juifs européens assassinés pour justifier ses crimes contre les Palestiniens.

Dans une toute dernière insulte à la mémoire des victimes, le Premier ministre Benjamin Netanyahou a récemment désigné un partisan du génocide – un ancien général lié à des crimes de guerre – à la direction du mémorial officiel de l’Holocauste en Israël, Yad Vashem.

Naturellement, aucun des hauts responsables de l’UE qui prêchent sans arrêt sur la nécessité de « tirer les leçons du passé » n’a émis la moindre protestation.


Publié le 27 janvier 2021 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal

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