Un partisan du génocide en passe d’accéder à la direction du mémorial de l’Holocauste en Israël

Effie Eitam a été désigné pour diriger Yad Vashem, le mémorial de l’Holocauste à Jérusalem. Mais, ce n’est pas encore tout à fait décidé. L’instrumentalisation par Israël de l’Holocauste pour justifier les crimes contre les Palestiniens deviendrait bien plus difficile avec un directeur de Yad Vashem aussi sincère dans sa haine ethnique des Palestiniens.

Ali Abunimah, 29 octobre 2020

« Nous allons devoir les tuer tous », a déclaré l'ancien ministre israélien Effie Eitam, à gauche, en parlant des Palestiniens. Il a été nommé à la tête du mémorial officiel de l'Holocauste, en Israël. (Photo : Rafael Ben-Ari Chameleons Eye)

« Nous allons devoir les tuer tous », a déclaré l’ancien ministre israélien Effie Eitam, à gauche, en parlant des Palestiniens. Il a été nommé à la tête du mémorial officiel de l’Holocauste, en Israël. (Photo : Rafael Ben-Ari Chameleons Eye)

Le général israélien Effie Eitam ne mâche pas ses mots à propos des Palestiniens.

« Ce sont des créatures qui sont venues des profondeurs des ténèbres », avait-il expliqué à Jeffrey Goldberg, du New Yorker, en 2004.

« Nous allons devoir les tuer tous », avait-il dit, avant d’ajouter cette remarque charitable :

« Je ne veux pas dire tous les Palestiniens, mais ceux qui ont le mal dans leur esprit. Pas seulement du sang sur leurs mains, mais le mal dans leur esprit. »

Eitam a été désigné pour diriger Yad Vashem, le mémorial de l’Holocauste à Jérusalem vers lequel est acheminé pour ainsi dire chaque dirigeant étranger en visite en Israël, afin qu’on le prenne en photo sur les lieux.

Ce n’est pas encore tout à fait décidé. On dit que le ministre israélien de l’enseignement supérieur Ze’ev Elkin a désigné Eitam et un officiel israélien a fait savoir à Associated Press que le Premier ministre Benjamin Netanyahou soutenait cette désignation.

C’est au gouvernement israélien qu’il incombera de prendre la décision finale.

Toutefois, des voix devant normalement avoir un certain poids sont défavorables à Eitam.

« Ce n’est pas quelqu’un qui considère tous les gens comme des égaux, ce qui est pourtant un critère de base pour toute personne dirigeant une institution comme Yad Vashem »,

a déclaré dans le quotidien Haaretz Shraga Milstein, 87 ans, président de l’Association israélienne des survivants de Bergen-Belsen.

C’est vraiment le moins qu’on puisse dire.

« Comme nous le savons, l’Holocauste n’a pas débuté avec les chambres à gaz », a ajouté Milstein.

« Il a débuté par la différenciation entre les personnes et le fait de considérer certaines personnes comme non égales aux autres. »

Des ordres meurtriers

Les opinions génocidaires d’Eitam à propos des Palestiniens telles qu’elles ont été exprimées à l’adresse de Goldberg en 2004 n’ont rien d’une aberration.

En 2009, The Electronic Intifada a publié un répertoire reprenant certains des actes et déclarations les plus violents et haineux d‘Eitam – au moment où il faisait une tournée aux États-Unis en tant qu’« envoyé spécial » de Netanyahou.

De cette liste horrible, certaines choses ressortent particulièrement.

Au cours de la première intifada, Eitam a été impliqué dans le meurtre d’un jeune Palestinien dans la bande de Gaza occupée.

Plusieurs officiers supérieurs ont été accusés d’avoir ordonné à leurs hommes de briser les bras et les jambes des jeunes Palestiniens. Une partie de leur défense a consisté à dire qu’ils n’avaient fait que suivre les ordres du ministre israélien de la Défense Yitzhak Rabin et de leur commandant Effie Eitam.

En 1988, Eitam – dont le nom à l’époque était Effie Fein – commandait la tristement célèbre brigade Givati à Gaza.

Comme l’a rapporté The Jerusalem Post le 9 mai 1994, à propos de l’incident de 1988,

« sur la radio de l’armée, on a entendu Eitam ordonner à ses troupes d’utiliser des bâtons pour briser les os »

de deux protestaires palestiniens. L’un d’eux, Ayyad Aqel, âgé de 21, en était mort.

Aqel, du camp de réfugiés d’al-Bureij, était « menotté » et avait « les yeux bandés », lors de l’attaque fatale dans une oliveraie, rapporta The Guardian le 2 novembre 1990.

Selon le même article du Guardian,

« il a été dit qu’Eitam utilisait des chiens et des bâtons » contre les Palestiniens et, en une occasion, il avait ordonné qu’un Palestinien qui avait bravé le couvre-feu fût « lié en un endroit public ».

« Je veux voir du sang, ici, en guise d’avertissement pour les autres », aurait dit Eitam.

Après avoir reçu une petite tape sur les doigts en guise de réprimande, Eitan avait été promu au grade de général de brigade un peu plus tard.

En 2002, comme il s’était tourné vers la politique, Eitam appela Israël à se lancer dans des guerres d’agression dans des régions aussi éloignées que l’Irak et l’Iran.

Sous cette couverture, espérait-il, « l’occasion sera créée de traiter la question palestinienne plus en profondeur ».

En fin de compte, les Palestiniens pourraient avoir leur État, mais uniquement dans le Sinaï égyptien et en Jordanie.

Les Palestiniens quitteraient finalement leur patrie mais, dans l’intervalle, Eitan fut suffisamment généreux pour leur permettre de rester « des résidents sans le moindre droit de vote ».

« Tirez-lui une balle dans la tête »

Eitam s’en prit même à Ariel Sharon, le Premier ministre israélien tristement célèbre pour sa violence, parce qu’il se montrait… trop doux avec les Palestiniens.

Il réclama l’assassinat de Yasser Arafat, à l’époque chef de l’Autorité palestinienne.

« Si je pouvais en donner l’ordre là, maintenant, il serait mort dans 15 minutes, avec toute sa clique »,

avait déclaré Eitam, selon The Jerusalem Post le 5 juillet 2002.

Il réclama également l’exécution extrajudiciaire de Marwan Barghouti, un important dirigeant militaire du Fatah qui, à l’époque, était interrogé par les forces israéliennes.

« Sortez-le, emmenez-le dans un verger et tirez-lui une balle dans la tête », avait suggéré Eitam, avant d’ajouter que les ténors politiques de l’AP qu’étaient Ahmed Qurei, à l’époque chef du conseil législatif, et Mahmoud Abbas, aujourd’hui patron de l’AP, devaient tous subir le même sort.

Tous, selon les termes d’Eitam, étaient des « animaux impurs ».

Les caractéristiques extrémistes d’Eitam s’avérèrent assez populaires pour que son Parti religieux national gagne un siège à la Knesset et un poste dans le gouvernement de Sharon.

Eitam fut ministre du logement et des infrastructures (c’est-à-dire de la construction des colonies) jusqu’au moiment où il démissionna à cause du plan de Sharon prévoyant de retirer les colons israéliens de l’intérieur de Gaza.

Le « cancer » palestinien

Les dirigeants palestiniens ne sont pas les seules cibles de la haine virulente d’Eitam. Il a l’habitude d’inciter à la violence contre les civils palestiniens, tant individuellement que collectivement.

En 2005, la Haute Cour israélienne interdit nominalement la pratique de l’armée israélienne consistant à utiliser des civils palestiniens comme boucliers humains – bien que, depuis, cette pratique n’ait absolument pas cessé.

Selon cette même pratique, les forces d’occupation israéliennes envoient des civils palestiniens – dont des enfants – dans des situations dangereuses de sorte que ce seront les civils qui seront exposés au feu en lieu et place des militaires – ce qui constitue un crime de guerre flagrant.

La mort en 2002 d’un adolescent palestinien dans un incident de ce genre accéléra la réaction de la Haute Cour.

Eitam exprima ses objections à la décision, en disant qu’elle allait « exposer davantage les soldats des FDI au danger ».

En 2006, Eitam incita au nettoyage ethnique complet des Palestiniens.

« Nous allons devoir faire trois choses : Chasser d’ici la plupart des Arabes de Judée et de Samarie »,

déclara Eitam, utilisant la terminologie sioniste pour la Cisjordanie occupée.

« Certains d’entre eux auront la possibilité de rester sous certaines conditions, mais la plupart devront s’en aller. »

Eitam traita ensuite les citoyens palestiniens d’Israël de « cinquième colonne, un groupe de traîtres au premier degré », et affirma qu’Israël allait devoir les « écarter du système politique ».

Pour étayer ses propositions, il déclara dans Haaretz en 2002 que les citoyens palestiniens d’Israël étaient un « cancer » qui rongeait le corps même de l’État.

En réponse à cela, le vétéran israélien du journalisme Akiva Eldar y alla du commentaire suivant ;

« Le fait que les nazis étaient particulièrement friands de cette métaphore n’a probablement pas échappé à Eitan. »

Le crime de génocide

Les propagandistes d’Israël reconnaissent que placer Eitam à la tête de Yad Vashem constituerait un important casse-tête pour les relations publiques – et c’est en fait ce qui pourrait bien saborder sa désignation.

« Il y a assez de gens, que ce soit dans BDS ou des gens qui nient l’Holocauste, etc., qui diront : « Voyez ce type, comment peut-il parler au nom des survivants de l’Holocauste quand c’est exactement ce qu’il dit à propos des Arabes ? »,

a expliqué à AP Colette Avital, une ancienne diplomate israélienne.

Avital faisait allusion au mouvement boycott, désinvestissement et sanctions en faveur des droits palestiniens – qui n’a absolument aucun rapport que ce soit avec la négation de l’Holocauste.

Mais son inquiétude est claire : l’instrumentalisation par Israël de l’Holocauste pour justifier les crimes contre les Palestiniens deviendrait bien plus difficile avec un directeur de Yad Vashem aussi sincère dans sa haine ethnique des Palestiniens.

La Convention des Nations unies concernant les génocides définit le génocide comme l’un des nombreux actes inhumains

« commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux en tant que tel ».

Sous cette convention, le crime de génocide inclut

« l’incitation directe et publique à commettre un génocide ».

Si quelque chose correspond bien à cette définition, c’est le palmarès d’Eitan dans sa déshumanisation des Palestiniens comme étant le « mal » et des « animaux » et dans ses appels à les massacrer et à les expulser de leur patrie.

Par conséquent, nous verrons bientôt si Israël va effectivement confier à un génocidaire la charge de diriger son mémorial de l’Holocauste.


Publié le 29 octobre 2020 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal

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