Éléonore Bronstein : Sous chaque ville israélienne, il y a un Sheikh Jarrah.

Le puissant discours d’Éléonore Bronstein, au nom de De-Colonizer, au rassemblement pour la Palestine à Bruxelles, le jour de la Nakba.

 

Photo via Grégory Mauzé sur FB

Je voudrais d’abord commencer par souhaiter un Eïd Mubarak à toutes celles et ceux d’entre vous qui le célèbrent, ici ou en Palestine. Et mes pensées vont bien évidemment en particulier aux Gazaoui•e•s.

On nous dit que la Nakba c’est du passé, qu’il faudrait arrêter de ressasser le passé. On nous dit qu’il faut regarder de l’avant.
Mais ce qui se passe à Sheikh Jarrah, à al-Lyd, à Jaffa, à Ramle, à Akka, à Bir-Saba, partout, en Palestine 48, à Gaza ou en Cisjordanie et aux frontières libanaises et jordaniennes, vient nous rappeler que la Nakba n’est pas de l’histoire passée, que la Nakba est un épisode d’un continuum colonial qui n’a pas commencé ni ne s’est arrêté en 1948.

On continue à nous parler de « l’occupation » de 1967 en effaçant 20 ans de colonialisme, d’expulsion, de violence.
On continue à nous parler de « conflit israélo palestinien », en mettant sur un même pieds d’égalité oppresseur et opprimé, puissance coloniale et population résistante.
Ce n’est pas un conflit, c’est un fait colonial.
Et on n’efface le fait colonial pour « passer à autre chose ».
On ne passera pas à autre chose.

La situation n’a pas commencé à se « détériorer » la semaine dernière, cette politique coloniale dure depuis 73 ans avec ses cycles réguliers et inhérents de violence.
La politique d’apartheid n’est pas un conflit, c’est un modèle de pouvoir, de domination et de ségrégation d’une partie de la population au profit d’une autre partie de la population.

Aujourd’hui on entend enfin parler de Sheikh Jarrah, et c’est une bonne chose, mais Shekih Jarrah n’est pas un cas isolé.
Sous chaque ville israélienne, il y a un Sheikh Jarrah.
Rien que sous Tel Aviv, il y avait 6 Sheikh Jarrah.
Avant Tel Aviv, il y avait Sheikh Muwaneis, Summail, Jammasin al-Gharbi, Abu-Kabir, Salame, Manshiyya.
Sur l’ensemble du territoire c’est plus de 615 localités qui ont été vidées, ce sont 750 000 Palestinien•ne•s qui ont été expulsé•e•s en 1948 dans le but de créer un Etat Juif.
Aujourd’hui, nous nous souvenons de 73 ans de Nakba, 73 ans d’injustice dans un silence qui nous fait honte, entre des états qui ne disent rien et ceux qui affirment sans sourciller leur soutien à Israël.

Je pense à l’Autriche qui n’a rien trouvé de mieux à faire que d’apposer un drapeau israélien sur sa chancellerie.
Mais je pense, plus près de nous encore, à la France, à Paris où nos camarades défilent malgré l’interdiction qui leur en a été faite.
Je pense aux déclarations laconiques des uns et des autres condamnant « avec la plus grande fermeté les attaques contre Israël depuis la bande de Gaza », sans dire un mot de la catastrophe, donc littéralement de la Nakba, qui s’y déroule.

Ceux qui se taisent aujourd’hui sur le sort des Gazaoui•e•s sont ceux qui se taisaient déjà lorsqu’il•elle•s se faisaient expulser de la Palestine historique en 1948.
Car avant d’être enfermé•e•s à Gaza, beaucoup venaient de Jaffa, de Majdal, d’Isdud, de Bureir, de Khulikat, de SimSim, d’al-Ma’in, de Beit Jirja, ou de la région de Bir-Saaba.
On ne réparera pas 73 ans de Nakba, 73 ans de ségrégation suprémaciste, sans mettre fin à cette politique d’apartheid, sans soutenir, indéfectiblement, le droit au retour de tou•te•s les réfugié•e•s palestinien•ne•s et de leurs descendant•e•s.
Jamais dans l’histoire, des privilégiés n’ont abandonné leur privilèges sans y avoir été contraints, c’était le cas en Afrique du Sud, il n’y a aucune raison pour que ce soit différent en Israël.

Je voudrais enfin rappeler ici la responsabilité particulière de l’Europe, mère du colonialisme, et la Belgique en a été un fier étendard.
Il faut le rappeler: les exactions coloniales ont Congo ont débuté au moment même où les premières migrations sionistes débutaient en Palestine, parfois financées par le même argent.
En Palestine comme au Congo, les Européens déclaraient qu’ils seraient des avant-postes de la civilisation contre les barbares.
Le sionisme a été pensé par des Blancs européens, il s’est nourri d’autres projets coloniaux, et c’est aussi pour cela que l’Europe soutien Israël, à plein poumon, à demi mot ou même en gardant le silence.
C’est peut-être parce qu’elle ne connaît que trop bien les mécanismes coloniaux ou qu’elle s’y identifie aisément.
Il nous faut donc renforcer la pression populaire, en faire un argument de vote, une boussole non négociable.

Je terminerais mon intervention aujourd’hui par 3 lettres:

B pour Boycott

D pour Désinvestissement
S pour Sanction. »


Publié le 15 mai sur le compte FB d’Éléonore Bronstein

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