Le Hamas réprimande Ilhan Omar pour avoir mis sur un même pied la résistance et les crimes israéliens

L’organisation de résistance palestinienne Hamas a riposté à l’adresse de la représentante au Congrès américain Ilhan Omar après qu’elle avait accusé l’organisation de crimes contre l’humanité, qu’elle l’avait dénoncée comme « terroriste » et qu’elle avait encensé Israël en le qualifiant de « démocratique ».

La représentante au Congrès, Ilhan Omar. (Photo : Gage Skidmore)

Ali Abunimah, 12 juin 2021

Omar a subi une attaque intensive de la part des représentants démocrates et républicains à propos de sa prise de position contre le secrétaire d’État Antony Blinken.  

Lundi dernier, lors d’une séance du Congrès, Omar avait pris Blinken à partie en raison de l’opposition américaine aux enquêtes de la Cour pénale internationale sur les crimes supposés d’Israël et du Hamas en Cisjordanie et à Gaza et des États-Unis et des Talibans en Afghanistan.

Mais, dans l’échange avec Blinken, Omar avait prétendu que le Hamas avait commis des « atrocités » et des « crimes contre l’humanité », des accusations qui ne résistent pas à une analyse factuelle de la récente escalade de la violence.

Des remarques « très particulières »

Les remarques d’Omar étaient « très particulières », a déclaré samedi le Dr Basem Naïm, membre du bureau des relations internationales du Hamas.

Naïm a déclaré que le Hamas

« apprécie grandement les positions d’Omar dans son soutien de la justice et des droits des opprimés dans le monde, dont les plus en vue sont les droits légitimes du peuple palestinien ».

Toutefois, a-t-il ajouté,

« il est inadmissible d’établir une comparaison aussi malhonnête, qui contredit les normes fondamentales de la justice et du droit international ».

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Le Hamas a réprimandé Omar pour avoir mis sur un pied d’égalité « la victime et le bourreau » en plaçant

« la résistance du peuple palestinien, les crimes israéliens en Palestine et l’agression américaine en Afghanistan sur un même pied ».

Naïm a expliqué que les Palestiniens

« ont le droit de résister à l’occupation israélienne par tous les moyens possibles, y compris la résistance armée ».

Il a cité la déclaration de Nelson Mandela disant :

« C’est toujours l’oppresseur, et non l’opprimé, qui décide de la forme de la lutte. » 

Feu Nelson Mandela avait dirigé la lutte armée du Congrès national africain contre le régime d’apartheid en Afrique du Sud.

Aujourd’hui perçu presque universellement comme un héros, il avait pourtant figuré sur une liste officielle américaine de « terroristes » jusqu’en 2008.

Naïm a affirmé que, depuis des années, le Hamas « propose diverses initiatives visant à éviter des victimes civiles ». Mais

« toutes ces propositions ont été rejetées par l’occupation israélienne, qui a délibérément ciblé des civils et des infrastructures civiles »,

y compris durant les onze journées de bombardements intenses de Gaza par Israël le mois dernier. 

Ceci est sans doute une référence aux propositions de longue date du Hamas en faveur d’une trêve à long terme et qu’Israël a chaque fois rejetées.

« Le ciblage délibéré et violent des civils palestiniens au cours de cette agression avait pour but d’infliger un coût sévère à la population de Gaza dans une tentative de briser la volonté des Palestiniens et leur soutien à la résistance palestinienne »,

a expliqué Naïm au sujet de l’escalade du mois dernier.

Selon la déclaration de Naïm, le Hamas

« a accueilli favorablement la constitution de toutes les commissions internationales d’enquête et a exprimé son intention de coopérer avec elles dans le souci d’imposer la justice et de demander des comptes aux coupables ».

Par contre, Israël rejette habituellement toute enquête internationale sur ses actions et empêche les enquêteurs de pénétrer dans tous les territoires sous son contrôle.

Comme le prétendait l’auteur du présent article, la violence perpétrée par Israël et les États-Unis dans la poursuite de leur domination et de leur empire est d’une échelle incomparablement supérieure à celle utilisée par le Hamas dans le contexte d’un peuple occupé exerçant son droit à la résistance et à l’autodéfense.

Omar cède aux pressions

Mais Ilhan Omar s’est retrouvée au beau milieu d’une tempête de protestations – y compris des attaques racistes et fanatiques – de la part de partisans d’Israël et de nationalistes américains pour la suprématie blanche, lesquels croient que la violence coloniale et impériale se justifie moralement alors que la lutte armée palestinienne n’est que du « terrorisme ».

Omar a fini par céder sous les pressions apparentes de la direction de son Parti démocrate.

Jeudi, elle a sorti une « clarification » affirmant que l’échange avec Blinken quelques jours plus tôt portait sur

« la responsabilité dans des incidents spécifiques concernant ces cas cités par la CPI, et non sur une comparaison morale entre le Hamas et les Talibans et les États-Unis et Israël ».

« Je ne mettais en aucun cas sur le même pied des organisations terroristes et des pays démocratiques dotés de systèmes judiciaires bien établis »,

avait-elle ajouté.

Non contente d’accuser les Palestiniens d’« atrocités » et de « crimes contre l’humanité » contre l’État occupant et colonisant leur pays, Omar leur adjoignait le qualificatif de « terroristes » – reproduisant ainsi et renforçant même la propagande d’Israël depuis des décennies.

Dans le même temps, il s’est avéré qu’elle a décrit Israël comme un pays « démocratique », malgré les récentes conclusions d’organisations citoyennes traditionnelles comme Human Rights Watch et l’organisation israélienne des droits humains B’Tselem disant qu’Israël se rend coupable du crime d’apartheid contre le peuple palestinien.

La décision d’Omar de jeter les Palestiniens aux lions a manifestement satisfait la présidente de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi.

Pelosi, l’une des partisanes les plus irréductibles d’Israël au sein du Parti démocrate, a rejeté les propos d’Omar

« établissant de fausses équivalences entre des démocraties comme les États-Unis et Israël et des organisations qui s’engagent dans le terrorisme comme le Hamas et les Talibans ».

Elle a prétendu qu’une telle comparaison « favorise les préjugés et compromet la paix et la sécurité de tous ».

« Nous accueillons favorablement la clarification de la représentante du Congrès Omar disant qu’il n’y a pas d’équivalence morale entre [d’une part] les États-Unis et Israël et [d’autre part] le Hamas et les Talibans »,

a ajouté Pelosi.

L’effondrement rapide d’Omar face aux pressions soulève de graves questions à propos du rôle des prétendus partisans des droits palestiniens au sein du système politique américain.

La congressiste du Minnesota – l’une des deux premières femmes musulmanes à être élues au Congrès, en même temps que Rashida Tlaib – a utilisé son soutien rhétorique aux Palestiniens pour rassembler les fonds de sa campagne électorale.

Les attaques racistes ont également fait d’elle le centre d’un groupe de partisans composé d’organisations et d’individus libéraux et progressistes qui se sont réunis autour d’elle et dont un grand nombre utilise l’hashtag #IStandWithIlhan.

L’activiste américaine palestinienne et avocate des droits humains Noura Erakat a proposé à la congressiste un soutien non qualifié face à ces attaques. Omar « insiste pour représenter ses électeurs » et « refuse d’être un pion », a tweeté Erakat.

« Elle est venue pour en découdre et nous devons l’aider. »

 

Par conséquent, les attaques des démocrates et républicains de droite contre Omar sont parvenues à détourner l’attention de la responsabilisation des massacres de Palestiniens par Israël et de la faire glisser vers une chamaillerie narcissique interne parmi les personnages politiques et les élites des États-Unis pour qui le rejet et la diabolisation de la résistance palestinienne vont de soi.

Dans un même temps, les torts occasionnés aux Palestiniens par les commentaires d’Omar se faisant l’écho de la propagande israélienne prétendant que la résistance est « terroriste » sont ignorés ou excusés du fait qu’Omar est victime d’attaques de la droite.  

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Les Palestiniens luttent depuis des décennies contre une propagande qui diabolise toute forme de résistance en tant que « terroriste ». Cette étiquette a pour but de clore le débat et l’analyse, d’interrompre la solidarité et de fournir une justification des massacres coloniaux à répétition perpétrés par Israël contre des civils palestiniens.

Le fait que des avocats des droits palestiniens acceptent une telle rhétorique de la part d’une alliée supposée envoie un signal disant que tout principe fondamental est un vulgaire objet de marchandage que l’on peut utiliser dans la poursuite de gains et alliances illusoires avec l’establishment impérial des États-Unis.

On ne peut remettre en question le fait qu’Omar puisse être défendue contre des attaques racistes et antimusulmanes – de la même façon précisément que le président Obama méritait d’être défendu contre de telles attaques venant de suprémacistes blancs qui ont faussement prétendu qu’il était musulman afin de le dénigrer ou qui ont remis en question le pays de sa naissance.

Le fait qu’Obama a été confronté à de telles attaques n’excuse en aucune façon sa responsabilité d’avoir ouvertement plié face à ce racisme et à ce fanatisme antimusulman ou d’avoir commis des crimes de guerre durant ses mandats de président.

De même, on peut adopter une position de principe face aux attaques racistes contre Omar, tout en rejetant ses commentaires antipalestiniens visant à apaiser les insatiables fanatiques américains à l’intérieur et à l’extérieur de son parti.


Publié le 12 juin 2021 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

Lisez également l’article précédent l’Ali Abunimah, sur le même sujet : Il est temps de modifier le discours libéral sur le Hamas

 

Ali Abunimah

Ali Abunimah, cofondateur de The Electronic Intifada, est l’auteur de The Battle for Justice in Palestine, paru chez Haymarket Books.

Il a aussi écrit : One Country: A Bold Proposal to end the Israeli-Palestinian Impass

 
 

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