Ramdam nocturne contre les colons à Beita, Beit Dajan et ailleurs (avec vidéo)

Certaines villages et villes de Cisjordanie ont puisé leur inspiration dans les activités de ramdam nocturne de la bande de Gaza pour se lancer dans la confrontation avec les avant-postes de colons installés sur leurs terres, et la ville de Beita leur sert aujourd’hui de modèle.

Photo : via Twitter

Ahmad Mehlem, 25 juin 2021

À la nuit tombante, des centaines de jeunes se dirigent vers Jabal Sbeih (le mont Sbeih) et la zone avoisinante de la ville de Beita, dans le nord de la Cisjordanie, afin d’y lancer diverses activités, dont, entre autres, ce qu’on pourrait qualifier de « ramdam de nuit », et qui dureront jusqu’à l’aube.

Le but de ces activités est de déranger le plus possible les colons qui ont installé au sommet de Jamal Sbeih un avant-poste de peuplement qu’ils ont baptisé Eviatar.

Depuis le début de la construction de l’avant-poste sur Jabal Sbeih, le 3 mai, les habitants de Beita se sont mis à résister aux colons en s’inspirant des activités de « ramdam nocturne » organisées lors des marches du retour qui s’étaient déclenchées en mars 2018 dans la bande de Gaza à proximité de la clôture de barbelés séparant l’enclave d’Israël. 

Les jeunes de Beita se sont engagés dans ces activités sur base quotidienne.

Le ramdam de nuit consiste en des activités nocturnes de protestation populaire au cours desquelles les jeunes recourent à divers moyens en vue de déranger les colons et semer la confusion au sein de l’armée israélienne, tels la mise à feu à pneus en caoutchouc à proximité des avant-postes de façon que la fumée aille incommoder l’armée.  

Le maire adjoint de Beita, Musa Hamayel, a expliqué à Al-Monitor que l’idée des activités de ramdam de nuit avait été inspirée par les protestataires de la bande de Gaza.

Hamayel a fait remarquer que ces activités visaient à empêcher les colons de respirer du bon air sur les terres de Beita et plus encore de dormir dans le calme et la quiétude. Ces jeunes gens se concentrent sur deux problèmes : polluer l’air en incendiant des pneus en caoutchouc et utiliser des avertisseurs et des sirènes qui émettent des sons bruyants et gênants afin d’irriter les colons de façon à « empêcher les Israéliens de vivre en toute tranquillité sur nos terres », a-t-il ajouté.

Il a encore dit que l’expérience du ramdam nocturne avait aidé les jeunes à peaufiner leurs nouvelles méthodes et outils de résistance, dont les derniers consistent à diriger de puissantes sources de lumière et autres rayons laser sur l’avant-poste.

Ils ont également utilisé des fusées éclairantes, a-t-il expliqué, faisant remarquer que les activités de ramdam nocturne sont une continuation des confrontations quotidiennes permanentes entre les jeunes et les forces israéliennes lors de l’intrusion quotidienne de cette dernière dans la ville.

Hamayel a insisté sur le fait que ces activités de ramdam de nuit sont une initiative des jeunes de la ville, indépendante de toute intervention de l’un ou l’autre parti politique. Les actions, a-t-il ajouté, sont financées par les jeunes mêmes et ne sont dirigées ni par la municipalité, ni par l’Autorité palestinienne ni par quelque parti que ce soit.

En outre, a-t-il encore dit, ces activités ont attiré une foule inattendue, puisqu’ils sont des milliers dans la région à y avoir participé chaque jour.

« Les jeunes de Beita ne dorment que quelques heures chaque nuit », a encore dit Hamayel.

« Pendant la journée, ils vaquent à leurs activités quotidiennes et, la nuit, ils se rendent dans la montagne afin de participer aux activités de ramdam nocturne tout en ayant la ferme intention de poursuivre ces activités jusqu’au moment où l’avant-poste quittera les lieux »

Le ramdam de nuit dépend du travail des diverses unités que les jeunes ont mises sur pied. La principale est l’unité chargée de la collecte de pneus et sa mission consiste à ramasser le plus grand nombre de pneus possible, à les transporter depuis la ville et les localités voisines vers la zone montagneuse, où on les répartit ensuite parmi les jeunes.

À la tombée de la nuit, un groupe de jeunes commence à mettre le feu à ces pneus qui ont été répartis dans des endroits choisis d’avance et qui tiennent compte de la direction du vent afin que leur fumée noire aille vers la montagne. Ensuite, d’autres unités, telle celle des trompettes, se met à faire sonner de bruyants avertisseurs et sirènes et à utiliser des haut-parleurs dirigés vers le sommet de la montagne.

Ces unités s’appuient énormément sur une autre unité baptisée l’unité de contrôle, qui surveille les mouvements de l’armée israélienne à l’aide de jumelles, dans le but d’éviter les embuscades ou les arrestations.

Les participants et les équipes de presse qui couvrent les confrontations reçoivent des repas, des boissons et de l’eau, lesquels sont apportés de la ville par l’équipe des jeunes du soutien logistique.  

Un groupe de femmes se sont portées volontaires pour préparer ces repas. De même, les jeunes de Beita ou des villages proches qui se marient offrent des centaines de repas de noce à ces jeunes Palestiniens.

Les activités de ramdam nocturne à Beita se sont progressivement répandues dans d’autres endroits, dont la ville de Beit Dajan, dans l’est du gouvernorat de Naplouse, où un avant-poste de peuplement s’est installé voici une dizaine de mois. Le 20 juin, les Comités de résistance populaire de la ville ont adopté la méthode du ramdam nocturne pour affronter les saisies de terre et la propagation des colonies. De même, des jeunes ont organisé des activités similaires dans la périphérie de la ville de Yatma, située également dans le gouvernorat de Naplouse.

Le chef du Comité populaire pour la défense de Beit Dajan, Nasr Abu Jaish, a expliqué à Al-Monitor que les Comités de résistance populaire de Beit Dajan ont adopté la méthode du ramdam de nuit comme forme de résistance populaire dans le sillage de l’expérience de Beita concernant la confrontation avec les colonies.

Il a déclaré que des dizaines de colons avaient installé un avant-poste de peuplement sur le mont Masyaf à Beit Dajan voici neuf mois. De jeunes Palestiniens ont alors entamé certaines activités de ramdam nocturne, mais il n’a pas fallu attendre longtemps avant que ces activités ne diminuent d’intensité. Il a toutefois ajouté que ce qui se passait à Beita avait contribué à motiver les protestataires de Beit Dajan à relancer leurs activités.

La ville de Beit Dajan organise une marche hebdomadaire chaque vendredi afin de protester contre l’avant-poste des colons. Les forces israéliennes répriment cette marche, à laquelle participent des dizaines de personnes.

Des protestations dans le cadre du ramdam nocturne, Abu Jaish a dit ceci :

« Plus de 500 jeunes ont rallié ces activités, alors qu’ils n’étaient encore que quelques petites dizaines les deux premiers jours. Avec le temps, on s’attend à ce que ce nombre augmente encore. »  

Alors que l’Autorité palestinienne a adopté l’idée d’une résistance populaire en Cisjordanie face aux colonies, cette résistance est restée très faible. Ces derniers temps, toutefois, les jeunes de Beita puisent leur inspiration dans l’expérience de la bande de Gaza.

Les habitants de Beita affirment qu’ils poursuivront leurs efforts jusqu’à ce que l’avant-poste des colons quitte le sommet du mont Sbeih, même s’ils doivent recourir à tous les moyens de lutte et de confrontation. Depuis le début de la résistance populaire en mai, cinq Palestiniens protestant contre l’avant-poste de Beita ont été tués par l’armée israélienne, parmi lesquels deux adolescents et deux hommes de moins de 30 ans, et ce, dans le même temps que des centaines d’autres ont été blessés.

 


Publié le 25 juin 2021 sur Al-Monitor
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

La vidéo a été publiée sur Middle East Eye

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