Témoignage : Un autre pogrom horrible contre les Palestiniens

Trouvez ci-dessous le témoignage en direct de Yuval Abraham, activiste israélien, présent dans le village Mufaqara, dans le sud des collines de Hébron, au moment du pogrom. Ce témoignage a été écrit le 28 septembre 2021.

Photo via Haaretz (*)

Dans un déchaînement d’une violence horrible, des dizaines de colons israéliens masqués ont commémoré un jour de fête en attaquant un village palestinien de Cisjordanie. Ils ont massacré des moutons, démoli des voitures, agressé sauvagement des résidents palestiniens, dont une douzaine au moins ont été blessés, parmi lesquels un petit garçon de trois ans. Ils ont également saccagé des maisons à l’aide de battes et de marteaux, pulvérisant les meubles et tout ce qui tombait à leur portée. Pendant tout ce temps, les soldats se tenaient derrière les agresseurs et n’ont rien fait pour les arrêter. Au contraire, ils ont lancé de grandes quantités de gaz ainsi que des grenades incapacitantes sur les Palestiniens.

Un carnage insensé se déroule actuellement à Mufaqara, un village palestinien dans le sud des collines de Hébron. Quelque soixante hommes masqués ont débarqué, portant des battes, des bâtons, des armes à feu et des pierres. On n’a jamais rien vu de ce genre, ici. On dirait une petite armée. Des dizaines de colons. J’écris ceci en toute hâte, parce qu’ils sont toujours ici, au milieu des arbres. C’est l’une des choses les plus effrayantes que j’aie jamais vues.  

Pour commencer, un groupe d’une vingtaine d’hommes masqués ont surgi et ont attaqué un berger. Ils ont tranché la gorge à trois de ses moutons, juste sous ses yeux. L’homme s’est enfui avec ses deux enfants, de six et sept ans. Le reste du troupeau a été massacré. Basil Adraa a tout vu et je suis avec lui ici, maintenant. Il a pris quelques photos. Il y a également des vidéos, que nous téléchargerons dès que nous le pourrons.

Ensuite, quelques dizaines d’autres hommes masqués ont rejoint les premiers, tous armés de battes, ont dit les villageois. Ils ont fait irruption dans le village et se sont mis à lancer des pierres contre les maisons. Ils ont taillé dans les tuyauteries d’eau à l’aide de machettes et de couteaux, maison après maison. Les familles terrifiées se sont enfuies en direction du cours d’eau. C’est une vision horrible, difficile à décrire. Pas une seule voiture qui n’ait pas été démolie et mise en pièces !

Puis les collons sont entrés dans les maisons, dans les salles de séjour, les cuisines. Ils ont commencé à tout détruire à coups de battes et de marteaux. Quelques-uns des villageois ont été blessés. L’un a été frappé à la tête, l’autre à l’estomac. Un gamin de trois ans, Muhammad, a été frappé à la tête avec une pierre et il a été emmené d’urgence à l’hôpital, où il est toujours soigné actuellement. Il a une fracture du crâne, des hémorragies internes et il va probablement être opéré demain. Il y a toute une traînée de sang sur le sol de sa maison. Il était à la maison quand les colons ont attaqué. Son grand-père est ici avec nous, maintenant, rongé de peur et blessé lui aussi.

Des soldats sont restés tout le temps derrière les agresseurs et n’ont rien fait pour les arrêter. Ils ont lancé de grandes quantités de gaz ainsi que des grenades incapacitantes contre les Palestiniens. Dans des situations pareilles, les soldats soutiennent presque toujours les colons. C’est simple : Si les Palestiniens se défendent et font face à leurs agresseurs, s’ils jettent des pierres contre les hommes qui envahissent leur village, les soldats leur tirent dessus. C’est ainsi qu’un homme de Kosra (dans la région de Naplouse), Muhammad Hassan, a été tué il y a quelques mois, dans une attaque du même genre par des colons, qui avaient fait irruption dans sa maison avec des marteaux.

Je ne puis quasiment plus rien entendre à cause des détonations. Le gaz vous détruit la gorge et les soldats qui tirent sont effrayants. Pendant ce temps, les pierres des colons passent au-dessus de votre tête. Et tout cela se passe réellement, en plein village, au milieu des maisons palestiniennes. Je ne savais que faire, sauf crier : « Ne tirez pas ! Ne tirez pas ! »  

Plusieurs personnes ont été blessées et certaines sont déjà en train de se faire soigner. Il y avait tellement d’hommes masqués qu’ils pouvaient soulever les voitures et les faire dégringoler vers le cours d’eau, vraiment. Un colon a ouvert le feu sur un Palestinien qui était chez lui et qui jetait des pierres. Il ne l’a pas touché. Les douilles sont toujours sur le sol. Navré, mais mon récit est décousu.

Les médias refusent de voir ce qui se passe ici, en Cisjordanie. Rien que dans le sud des collines de Hébron, sept nouveaux avant-postes sont apparus durant l’année écoulée ; on les appelle les « fermes à moutons ». Il y a tout un réseau d’avant-postes absurdement violents un peu partout en Cisjordanie – on en a établi environ quarante ces cinq dernières années.

L’État donne aux fermes des milliers de dounams (un dounam = 10 ares, soit 0,1 hectare) dont ils ont exproprié les Palestiniens et les colons israéliens recourent à une violence délibérée et flagrante pour terroriser les résidents locaux. Il existe un réseau de plusieurs centaines de colons qui opèrent dans les fermes, et de nombreux d’entre eux se déplacent de ferme en ferme. Ils cassent les poignets des gens et saignent les bêtes, de sorte qu’à la fin les Palestiniens s’en iront. Rien que l’an dernier, j’ai vu des dizaines d’incidents de ce genre. Ces colons sont très organisés, avec des groupes WhatsApp. Chaque jour, ils font paître leurs moutons dans un endroit nouveau afin de réoccuper le maximum de terres. Avant les vacances, ils demandent à leurs proches de venir dans les fermes comme volontaires. Je pense qu’il y a un rapport, là, mais je n’en suis pas absolument sûr. Lors d’un jour férié, le fait de voir tous ces gens ensemble au même moment n’a rien d’un hasard.

Cela n’a rien d’une horde d’extrémistes. Non. C’est l’État, c’est la politique officielle, et c’est Benny Gantz qui en est responsable. Exactement à l’instar des hommes masqués, le gouvernement pousse à l’expulsion de régions entières. Le village de Mufaqara est un village non reconnu, parmi des dizaines d’autres, et l’armée vient de temps à autre afin de démolir les maisons. Même s’ils vivent ici depuis des générations, les résidents n’ont pas l’autorisation de bâtir, si bien qu’ils finiront par s’en aller.

Et c’est ainsi qu’aujourd’hui, en ce jour de Sim’hat Torah (fête hébraïque, littéralement « joie de la Torah », les 28 et 29 septembre, NdT), quatre-vingts hommes se sont rassemblés, sont sortis de leurs fermes et avant-postes et ont tout simplement détruit un village de sorte que les gens finiront par s’en aller, ou alors ils agissent par vulgaire racisme, ou je ne sais quoi. Cela se reproduira sans cesse, si on n’y met fin. Et notre pays est cynique, il bâille à la vue de la violence, les gens ne voient pas les connexions, ils refusent de voir le fait que notre armée domine vraiment d’autres gens, que les Palestiniens n’ont pas de droits, que nous avons créé un système de maîtres et d’esclaves. Éveillez-vous ! Venez voir par vous-mêmes ! Découvrez ce qui se passe dans ce pays, et je m’adresse surtout à ma génération. Venez voir à quoi ressemble une occupation militaire, à quoi ressemble le suprémacisme. Je suis fatigué de la complaisance, du racisme, du fait que personne n’y prête attention.


Publié le 29 septembre 2021 sur The Palestine Project
Traduction :  Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine  (à partir de la traduction en anglais, par Riva Hocherman, du texte original en hébreu)

(*) Trouvez ici un article sur le même sujet publié sur Haaretz (en anglais)

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