La résistance en hausse en Cisjordanie accroît l’inquiétude des Israéliens

Du fait que les opérations de résistance reprennent progressivement en Cisjordanie, l’armée et les services sécuritaires israéliens s’inquiètent de plus en plus de ce qu’ils perçoivent comme un réveil embarrassant des cellules de résistance.

1er octobre 2021. Lors des protestations palestiniennes contre l’implantation de colonies juives à Beita, près de Naplouse, en Cisjordanie, des Palestiniens ripostent aux interventions de l’armée israélienne. (Photo : Nedal Eshtayah / Anadolu Agency)

1er octobre 2021. Lors des protestations palestiniennes contre l’implantation de colonies juives à Beita, près de Naplouse, en Cisjordanie, des Palestiniens ripostent aux interventions de l’armée israélienne. (Photo : Nedal Eshtayah / Anadolu Agency)

Dr Adnan Abu Amer, 4 octobre 2021

Les récentes attaques armées en Cisjordanie amènent les services sécuritaires israéliens à se poser des questions sur la faisabilité de la mainmise serrée qu’ils ont exercée sur la région. En ce moment précis, la principale conviction qui règne au sein du système sécuritaire est que les jours de calme relatif en Cisjordanie sont révolus, du moins pour un proche avenir.

Il est clair pour Israël que toute la structure de la résistance n’a pas été révélée et qu’elle existe très vraisemblablement sous forme de petits noyaux accumulés et répartis sur une étendue relativement vaste dans les villes, les camps et les villages de la Cisjordanie.

La nouvelle infrastructure militaire du Hamas en Cisjordanie est tout à fait différente de l’infrastructure organisationnelle traditionnelle qui s’appuyait sur des relations étroites : la famille, le clan, les amis, le lieu de résidence et de travail et les contacts de longue date en définissaient le modèle. Il n’est désormais plus nécessaire que les membres des cellules se rencontrent les uns et les autres, puisque les activistes du mouvement en provenance du nord de la Cisjordanie reçoivent des armes ou des instructions depuis la périphérie de Jérusalem, ou vice versa. Par conséquent, en ce moment, Israël se concentre davantage sur un travail de renseignement que sur des tâches opérationnelles, parce que le contexte de l’actuelle infrastructure du Hamas est toujours complètement flou, pour la sécurité israélienne.  

Selon ce que prétend Israël, les directives émanant de la direction du Hamas sont transmises aux proches niveaux, soit par le biais du mouvement à Gaza vers la Cisjordanie, soit directement vers la Cisjordanie, et parfois cela se fait lors de rencontres, en ayant recours à des messages codés. C’est un défi sécuritaire important qui attend là l’armée israélienne.

Cela signifie que la campagne d’Israël à Jérusalem et à Jénine visant à frapper l’infrastructure des forces de la résistance établie depuis longtemps déjà n’a pas été tout à fait un succès car, outre les activités militaires à Gaza, le Hamas a établi depuis longtemps une infrastructure organisée en Cisjordanie sous la conduite de ses principaux responsables. Leur but est d’être stationnés là-bas en tant que corps combattant.

Cela montre que la série de raids effectués par l’armée et par l’appareil sécuritaire ces dernières semaines à Jénine et à Ramallah n’avaient rien de normal, non seulement en raison de leur ampleur et de leurs conséquences sanglantes, mais également à cause de leurs répercussions sur l’avenir de la sécurité sur le terrain même. Ces raids se présentent comme une continuation de la tension qui règne à Gaza, avec les attaques très actives en Cisjordanie et l’évasion des détenus de la prison de Gilboa.

Des ébruitements de la sécurité israélienne prétendent que l’entraînement d’éléments armés a déjà commencé et qu’il en va de même pour les efforts en vue de produire des matériaux explosifs à l’intérieur des habitations. Les membres des cellules sont des villageois des zones de Ramallah et de Jénine, où le Hamas a déjà développé une forte infrastructure et où l’Autorité palestinienne et ses forces sécuritaires ont connu des difficultés de fonctionnement.

Il est devenu clair que le Hamas cherche à établir en Cisjordanie une infrastructure armée active qui vise à attirer l’armée dans des activités intensives au cœur des principales localités des territoires et d’ainsi embarrasser l’Autorité palestinienne et son appareil sécuritaire dans leur rôle de collaborateurs d’Israel.  

Malgré tout cela, on ne sait toujours pas clairement si l’armée israélienne est entièrement parvenue à contrecarrer l’infrastructure de la résistance dans le sillage de ses récentes opérations, les quelques semaines écoulées, et surtout pendant la récente série de ses raids. Toutefois, l’armée continue de craindre la poursuite de la croissance des capacités du Hamas en Cisjordanie, non seulement sur le plan militaire, mais aussi sur les plans politique et éducationnel, et celui de la possibilité de transformer la bande de Gaza et la Cisjordanie en deux arènes d’un même front, que le mouvement du Hamas contrôlera et dirigera en fonction de ses intérêts et de son idéologie.

La préoccupation d’Israël à propos de l’escalade des opérations de résistance en Cisjordanie coïncide avec le 16e anniversaire du retrait israélien de la bande de Gaza, ce qui contribue à répandre une hypothèse israélienne disant que, si un retrait similaire s’opère dans certaines parties de la Cisjordanie, comme cela pourrait se faire en cas d’un accord avec l’Autorité palestinienne, des changements semblables à ceux qui ont eu lieu à Gaza se produiront dès lors en  Cisjordanie et, dans ce cas, Israël se trouvera bientôt sous la menace de tirs de roquettes dirigées depuis la Cisjordanie sur les villes de Kfar Saba, Petah Tikva et sur la périphérie de Tel-Aviv.


Publié le 4 octobre 2021 sur Middle East Monitor
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

Adnan Abu Amer dirige le département des sciences politiques et des médias de l’université Umma Open Education à Gaza, où il donne des cours sur l’histoire de la Cause palestinienne, la sécurité nationale et lsraël. Il est titulaire d’un doctorat en histoire politique de l’université de Damas et a publié plusieurs ouvrages sur l’histoire contemporaine de la cause palestinienne et du conflit israélo-arabe. Il travaille également comme chercheur et traducteur pour des centres de recherche arabes et occidentaux et écrit régulièrement pour des journaux et magazines arabes.

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