Mahmoud Abbas et ses « menaces »

Le président palestinien Mahmoud Abbas semble oublier le fait qu’une partie importante des Palestiniens – que ce soit ceux des territoires occupés ou la grande majorité de ceux qui vivent en exil – ont cessé depuis longtemps de le croire ou de lui faire confiance, et cette défiance vaut également pour l’Autorité palestinienne (AP), ses dirigeants et ses institutions. Il ne réalise pas non plus que la résistance palestinienne – tant contre l’occupation israélienne que contre l’AP – effectue un retour en force.

Mahmoud Abbas (Photo via Rai al-Youm)

Mahmoud Abbas (Photo via Rai al-Youm)

Abdel Bari Atwan, 5 octobre 2021

Cela doit être dit – pour la millième fois – en réponse à la menace formulée par Abbas, lors d’une rencontre à son quartier général de Ramallah, samedi soir, avec des dignitaires de Hébron et de Bethléem, de recourir à des « options alternatives » pour traiter avec l’occupation israélienne : comme réclamer l’application  de la résolution de partition de l’ONU en 1947 ; ou créer dans toute la Palestine historique un État unique qui accordera des droits politiques et civiques égaux à tous ses habitants, plutôt qu’un mini-État chargé de faciliter l’occupation et son système d’apartheid.

Ces remarques supposées téméraires ont été faites après qu’Abbas a encaissé une série de coups humiliants et dévalorisants : le Premier ministre israélien Naftali Bennett a refusé avec mépris de la rencontrer ; la Maison-Blanche n’a pas répondu à sa requête d’audience auprès du président Joe Biden lors de la session de l’Assemblée générale de l’ONU à New York ; et, après que le ministre israélien de la Défense Benny Gantz lui a rendu visite en août, il a déclaré que l’actuel gouvernement israélien ne croyait pas en une solution à deux États et qu’il ne mènerait pas de pourparlers de paix.

Si Abbas croit que sa menace de retourner aux précédentes positions de l’OLP va effrayer l’État occupant israélien, il se trompe lourdement. Cet État ne nourrit que du mépris à son égard et il est fermement convaincu qu’Abbas a davantage besoin de lui que lui d’Abbas. Cet État exerce un contrôle effectif sur l’appareil sécuritaire d’Abbas. Il lui a même donné la possibilité de verser les salaires de ses employés via un prêt d’urgence de 500 millions de USD mendié par Abbas pour éviter l’effondrement de l’AP. Quelqu’un a-t-il jamais entendu parler d’un mouvement de « libération » nationale qui empruntait de l’argent auprès de son occupant afin d’aider ce dernier à poursuivre son occupation ?

Israël sait parfaitement bien qu’Abbas ne mettra jamais au grand jamais en pratique ce qu’il annonce. Israël le traite, lui et l’AP, comme un conseil municipal glorifié dont l’autorité se limite à des choses comme la collecte des eaux usées et dont la fonction consiste à protéger les colonies et colons israéliens tout en espionnant les activistes de la résistance palestinienne en son nom. Il ne reste que deux véritables options, à Abbas : s’en aller ou partir. Même lui doit avoir pris connaissance du tout dernier sondage d’opinion révélant que 80 pour 100 des Palestiniens veulent qu’il démissionne.

Une troisième intifada se prépare, en Cisjordanie. La majeure partie de la base du mouvement Fatah veut que ce dernier retourne à son but original en tant que mouvement de libération.  La même chose s’applique à d’autres organisations palestiniennes comme le Hamas, le Djihad islamique, le front populaire de libération de la Palestine (FPLP) et bien d’autres encore. Les dix martyrs tués lors des dernières confrontations avec les forces de l’occupation à Naplouse, Jérusalem, Jénine et Hébron en témoignent.

D’autres options, comme revenir à la partition de 1947 ou à un seul État démocratique ne peuvent être suivies par une autorité qui emprunte de l’argent à son ennemi afin de couvrir ses dépenses et qui considère la « coopération sécuritaire » comme un devoir sacré. Seul un troisième soulèvement de masse, qui est occupé à prendre forme sans discontinuer, pourra atteindre ces nobles objectifs. Prétendre le contraire serait absurde.


Publié le 5 octobre 2021 sur le site Rai al-Youm
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

Abdel Bari Atwan

Abdel Bari Atwan

Abdel Bari Atwan est le rédacteur en chef du site Rai al-Youm (“L’opinion d’aujourd’hui”, un site qui se veut nationaliste arabe, antisaoudien et antisioniste). Il est l’ancien directeur du quotidien Al-Quds Al-Arabi et l’auteur de L’histoire secrète d’al-Qaïda, de ses mémoires, A Country of Words, et d’Al-Qaida : la nouvelle génération. Vous pouvez le suivre sur Twitter : @abdelbariatwan

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