Alerte ! L’ordonnance militaire à l’encontre d’Al-Haq et d’autres organisations : une démarche alarmante

Al-Haq condamne sévèrement l’ordonnance militaire édictée par le commandant en chef du Commandement central d’Israël afin de faire appliquer sur le territoire même de la Cisjordanie occupée sa désignation illégale d’Al-Haq comme « organisation terroriste ». De semblables ordonnances militaires ont également été édictées contre quatre autres organisations du même genre que la nôtre. L’ordonnance militaire constitue une démarche dangereuse et alarmante en vue d’exécuter et d’appliquer cette désignation des organisations palestiniennes, qui expose Al-Haq, les membres de son personnel et leurs biens, à des risques imminents de raids, d’arrestations et de représailles.

L'ordonnance militaire expose les membres des organisations de droits humains à des risques imminents de raids, d’arrestations et de représailles. (Photo : Arrestations de Palestiniens au mois de mai 2021 en Cisjordanie : Activestills)

L’ordonnance militaire expose les membres des organisations de droits humains à des risques imminents de raids, d’arrestations et de représailles. (Photo : Arrestations de Palestiniens au mois de mai 2021 en Cisjordanie : Activestills)

 

Le 19 octobre, dans une attaque d’une violence sans précédent contre les organisations de la société civile palestinienne qui défendent les droits de l’homme, le ministre israélien de la Défense, a fait part d’une décision désignant six importantes organisations palestiniennes comme « organisations terroristes », à savoir l’association Addameer de soutien aux prisonniers et des droits de l’homme, Al-Haq, la loi au service de l’homme), le Centre Bisan de recherche et de développement,  Defense for Children International – Palestine, l’Union des comités du travail agricole et l’Union des comités des femmes palestiniennes. La décision a eu pour effet de criminaliser effectivement les organisations, les membres de leur personnel et leur travail sous les lois intérieures israéliennes.

Le 1er novembre, le quotidien israélien Haaretz rapportait que les six organisations palestiniennes étaient restées légales en Cisjordanie occupée, en l’absence d’une ordonnance militaire les déclarant comme « associations non autorisées ». Selon l’article, les six organisations pouvaient continuer de fonctionner légalement à l’intérieur de la Cisjordanie occupée (sauf à Jérusalem), où elles ont été enregistrées légalement, et Haaretz citait des sources confirmant que « le principal objectif en les cataloguant comme des organisations terroristes était d’empêcher leur financement ». Toutefois, la loi prenait un effet direct et immédiat sur le personnel et les biens des organisations désignées à Jérusalem-Est, illégalement annexée et occupée.

Cependant, le 3 novembre, le commandant militaire israélien signait une ordonnance militaire mettant hors la loi les six organisations de la société civile palestinienne dans le reste de la Cisjordanie également. Cette ordonnance militaire déclare que

« chaque membre de l’institution ‘Al-Haq’, qu’il y soit incorporé ou qu’il lui soit associé ou pas, qu’il opère sur internet ou d’une autre manière, et que chaque groupe, cellule et faction, institution, branche centrale ou faction de cette branche, et quel que soit le nom qu’on lui donne, y compris tout membre ou toute personne appartenant à ce courant, connu sous divers pseudonymes, font partie d’une organisation illégale dans le sens visé par les réglementations de défense ».

L’ordonnance militaire s’appuie sur l’article 84 des réglementations de défense (en urgence) de 1945 qui ont été édictées sous le Mandat britannique et abrogées peu avant la fin du Mandat. Comme la Grande-Bretagne l’a déclaré catégoriquement,

« la réglementation 119 avait déjà été abrogée sous le décret en conseil concernant la Palestine (révocations) de 1948 et ne s’applique donc plus en tant que telle » [1]

Quand Israël a occupé la Cisjordanie en 1967, le commandant militaire israélien a sorti l’ordonnance militaire n° 101 afin de mettre hors la loi toute forme d’assemblée pacifique, y compris en soutien des organisations désignées comme « associations illégales », ressuscitant ainsi l’article 84 abrogé des réglementations de défense (en urgence) de 1945. Sous l’article 84(1)(a)-(b), le commandant militaire s’est arrogé des pouvoirs très larges en vue de faire exécuter des démolitions de propriétés, des mesures de censure, de répression de protestations,  de fermetures, de couvre-feux, d’arrestations administratives et de déportations. De plus, l’article 251 de l’ordonnance militaire n° 1651, promulguée en 2010, rend tout soutien individuel de ce genre d’organisation passible d’une sentence de prison de dix ans. Le fait que de tels actes sont commis en violation des garanties humanitaires fondamentales énoncées dans la Quatrième Convention de Genève et dans les traités internationaux sur les droits humains, a été réitéré à maintes reprises par des institutions des traités de l’ONU qui font autorité.[2]

En sortant ces ordonnances militaires, l’armée israélienne s’incruste profondément dans le cœur et le fonctionnement de la société civile palestinienne et cela constitue une violation remarquable de l’article 43 des règles de La Haye (1907). Comme l’a déclaré le haut-représentant de l’UE, Joseph Borrell,

« les organisations de la société civile sont une force dans la promotion des lois internationales, des droits de l’homme et des valeurs démocratiques, dans le monde entier et en Palestine ».

En tant que telles, elles constituent une partie intégrante du fonctionnement adéquat d’un État démocratique. En ciblant les six principales et plus anciennes organisations de la société civile palestinienne dans la Cisjordanie occupée, Israël tente effectivement de réagencer les institutions du territoire occupé, en violation de l’article 47 de la Quatrième Convention de Genève, tout en menant en outre une attaque directe contre les droits des personnes protégées, en violation de leurs droits humains tels que cités dans l’article 27 de la Quatrième Convention de Genève, article dans lequel il est en outre stipulé « en toutes circonstances ».

De plus, les attaques par intimidation et calomnie visent à isoler les organisations de la société civile palestinienne vis-vis de leurs partenaires et de leurs alliés sue le plan des droits humains. Israël poursuit sans vergogne sa stratégie d’érosion de l’espace de la société civile palestinienne afin de réduire au silence les voix de la dissension et de démanteler les piliers de la démocratie. La campagne cumulative de persécution lancée par Israël vise à normaliser progressivement ses actes inhumains de persécution et d’apartheid à l’égard des défenseurs des droits humains palestiniens, depuis le harcèlement systématique, les campagnes de diffamation à l’encontre l’Al-Haq et les menaces de mort contre les membres de son personnel. 

Désormais, de façon inquiétante, Israël applique ses menaces avec une impunité totale et un mépris complet des sévères condamnations émanant de la communauté internationale ces quinze derniers jours, y compris des institutions de l’ONU, du haut-commissaire pour les droits de l’homme, de responsables de l’UE, d’États, ainsi que d’individus et de la société civile des droits de l’homme.    

En lançant cette alerte, Al-Haq exprime ses inquiétudes les plus profondes à propos de la sûreté et de la sécurité de ses membres opérant en Cisjordanie, y compris à Jérusalem. Du fait qu’Israël instaure son arsenal juridique et qu’il se prépare à entreprendre des actions concrètes afin de réprimer les travaux d’Al-Haq, les simples condamnations verbales sont plus que jamais insuffisantes.

Au vu de ce qui précède, Al-Haq invite instamment la communauté internationale à entreprendre des actions concrètes :

–          Appeler Israël à annuler d’urgence les désignations en tant qu’actes qui violent les libertés d’opinion et d’expression ainsi que la liberté d’association, et qui équivalent à des actes d’apartheid pouvant faire l’objet de poursuites en vertu de l’article 7(2)(h) du Statut de Rome ;

–          Publier un bulletin à l’adresse des banques et des institutions financières, les mettant en demeure de rejeter comme non applicables les désignations d’« organisations terroristes » et « illégales » appliquées par Israël aux six organisations palestiniennes ;

–          Recommander, en communiquant directement avec eux, à l’Union  européenne et aux États tiers qu’ils suppriment les clauses de « terrorisme » en tant que conditions internes imposées au financement par des donateurs des organisations de la société civile dans les territoires palestiniens occupés ; 

–          Appliquer unilatéralement ou collectivement des sanctions commerciales complètes contre Israël, afin de garantir le respect par ce dernier pays des lois internationales et d’empêcher que se poursuive l’effacement de la présence palestinienne dans les territoires occupés. Il conviendrait de mettre tout particulièrement l’accent sur la nécessité de mettre un terme aux ventes et fournitures de produits militaires à Israël ;

–          Appliquer des lois interdisant l’importation de marchandises produites dans les colonies illégales situées dans les territoires occupés, par référence particulière au rapport de 2020 de l’ONU sur les entreprises commerciales impliquées dans certaines activités en rapport avec les colonies des territoires palestiniens occupés ;

–          Prendre des mesures concrètes et immédiates pour mettre un terme à l’occupation prolongée par Israël des territoires palestiniens occupés et mettre un terme au régime d’apartheid imposé au peuple palestinien dans son ensemble depuis 1948, en assurant des réparations et indemnisations efficaces pour tous les Palestiniens, y compris le droit à l’autodétermination et le droit pour les réfugiés et exilés de la diaspora de retourner dans leurs foyers en Palestine.

Découvrez l’ordonnance militaire en hébreu ici, et sa traduction non officielle en anglais ici.

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Publié le 7 novembre 2021 sur Al Haq
Traduction : Jean-Marie Flémal,  Charleroi pour la Palestine


[1] S. Darcy, « Punitive House Demolitions, the Prohibition of Collective Punishment, and the Supreme Court of Israel » (Les démolitions punitives d’habitations, l’interdiction des punitions collectives et la Cour suprême d’israël), 21 Penn State International Law Review (2002-2003), pp. 477, 481.

[2] CCPR/C/ISR/4 (21 novembre 2014), United Nations Human Rights Committee Reviewing Fourth Periodic Report of Israel, consultés le 24 octobre 2015.

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