L’armée israélienne ferme d’importantes organisations palestiniennes

Jeudi, très tôt le matin, les forces d’occupation israéliennes ont forcé les portes, placé les scellés et placardé des ordonnances de fermeture dans les bureaux de plusieurs importantes organisations palestiniennes des droits humains, associations féministes et autres services sociaux en Cisjordanie.

Le Premier ministre de l’Autorité palestinienne en visite de solidarité à Al-Haq, l’une des sept organisations importantes dont les portes ont été forcées par les troupes israéliennes très tôt ce jeudi matin. (Photo : Shadi Hatem / APA images)

Le Premier ministre de l’Autorité palestinienne en visite de solidarité à Al-Haq, l’une des sept organisations importantes dont les portes ont été forcées par les troupes israéliennes très tôt ce jeudi matin. (Photo : Shadi Hatem / APA images)

Maureen Clare Murphy, 18 août 2022

Quelques heures plus tôt, des soldats ont abattu d’une balle dans la poitrine et tué Wasim Nasser Khalifa, 18 ans.

L’adolescent a été mortellement blessé au cours de confrontations qui ont éclaté lorsque des fidèles juifs, escortés par l’armée israélienne, se sont infiltrés dans la ville de Naplouse, dans le nord de la Cisjordanie, afin de prier sur le tombeau de Joseph. Trente Palestiniens ont été blessés, dont deux grièvement, selon la Société palestinienne du Croissant rouge.

L’armée israélienne effectue fréquemment des raids dans Naplouse tard dans la nuit afin de permettre aux colons d’accéder au site archéologique considéré comme sacré par les musulmans, les chrétiens et les juifs.

Parfois, les soldats israéliens tirent sur les Palestiniens, lors de ces raids, en les blessant à l’aide de munitions réelles, de balles enrobées de caoutchouc et de gaz lacrymogène. L’armée impose également des couvre-feux et des blocages militaires stricts à la ville, ce qui perturbe grandement la vie des habitants.

Israël fait irruption dans les bâtiments d’organisations importantes

Jeudi, très tôt le matin, dans la ville de Ramallah, en Cisjordanie centrale, les Palestiniens ont été confrontés à des soldats israéliens qui ont envahi les bureaux de plusieurs organisations des droits de l’homme, d’associations féministes et autres services sociaux.

Selon Al-Haq, une organisation palestinienne de défense des droits humains, l’armée israélienne est entrée dans la zone de Ramallah à 3 heures du matin et a fait irruption dans ses bureaux ainsi que dans ceux d’Addameer, du Centre Bisan pour la recherche et le développement, de Defense for Children International – Palestine (DCI-P), de l’Union des Comités du travail agricole et de l’Union des Comités des femmes palestiniennes.

Israël a désigné les six organisations comme étant des « groupes terroristes » à la fin de l’an dernier.

Une septième organisation, l’Union des Comités du travail de la santé, a elle aussi subi un raid jeudi, a-t-il été rapporté.

Les désignations ont été dénoncées par les experts de l’ONU et, par manque de preuves étayant les doléances israéliennes, elles ont été rejetées par neuf États de l’Union européenne qui financent les organisations ciblées.

Plus de vingt membres du Congrès américain ont demandé que l’administration Biden rejette publiquement les désignations et exerce des pressions sur Israël pour qu’il annule ses mesures.

Au lieu de cela, lors de sa visite à Jérusalem, Biden promettait de protéger Israël de toute demande de comptes, y compris de la part des Nations unies et de la Cour pénale internationale.

Et, au lieu d’exercer des pressions sur Israël pour qu’il annule les désignations, les 27 ministres des Affaires étrangères décidaient de reprendre les réunions du Conseil de l’Association UE-Israël, un forum de haut niveau.

Et, alors que neuf États membres de l’UE ont rejeté les allégations israéliennes, le quartier général du bloc à Bruxelles a carrément refusé de faire pareil – malgré l’incapacité d’Israël d’étayer ses accusations à l’aide de la moindre preuve.

Sans conséquences significatives imposées à Israël à propos des désignations mais, par contre, uniquement des récompenses, Tel-Aviv s’est manifestement enhardi à durcir encore sa répression à l’encontre des organisations palestiniennes.

Les forces israéliennes

« ont franchi de force la porte de sécurité fermée des bureaux d’Al-Haq, en la faisant sauter de ses gonds et en faisant irruption dans les locaux, déclenchant ainsi les alarmes »,

a déclaré jeudi l’organisation de défense des droits.

Les militaires ont également fracassé la porte d’entrée de l’église anglicane de St. Andrew, situé sous les bureaux d’Al-Haq,

« laissant derrière eux, un peu partout sur le site, de longs éclats de verre brisé, des grenades éponges et plusieurs cartouches de gaz lacrymogène, ainsi que des balles réelles ou enrobées de caoutchouc ».

Le Diocèse épiscopal de Jérusalem a déclaré que les soldats avaient occupé la totalité de son complexe, y compris

« le sanctuaire de l’église, la salle de la paroisse, les bureaux de l’église, la cure et le Centre médical épiscopal arabe ».

Le diocèse, qui a condamné l’« agression flagrante », a ajouté que

« le bruit des coups de feu, les grenades incapacitantes et le défoncement des portes ont provoqué la terreur au sein des familles qui vivaient à l’intérieur du complexe ».

Al-Haq a expliqué que l’armée israélienne avait envahi chaque local de ses bureaux et qu’elle avait fouillé dans les dossiers et sali ses installations.

L’armée « avait soudé une nouvelle porte renforcée en acier à l’extérieur du siège d’Al-Haq », empêchant ainsi qu’on y entre. Des soldats ont également posté une ordonnance militaire décrétant la fermeture des bureaux « pour la sûreté et la sécurité de la zone ».

Defense for Children International – Palestine a déclaré que les soldats avaient emporté « des dossiers de clients concernant des enfants palestiniens arrêtés » défendus par l’organisation devant les tribunaux militaires israéliens.

Des prises de vue de caméras de sécurité montrent qu’ils ont également emporté d’autres équipements, quoique, du fait que les forces d’occupation ont condamné la porte en la soudant, « on ne voie pas clairement quels sont les choses qui ont été confisquées », a expliqué le DCI-P.

Les forces israéliennes avaient envahi les bureaux de l’organisation pour les droits des enfants en juillet de l’an dernier et s’étaient emparées de dossiers et d’équipements.

Bisan, une organisation de recherche palestinienne, a dit que l’armée israélienne avait scellé ses portes et posté « une ordonnance militaire déclarant l’organisation illégale ».

L’Union des Comité du travail agricole a posté des prises de vue d’une caméra de sécurité montant des soldats israéliens confisquant du matériel dans son bureau, jeudi matin :

Addameer, une organisation de défense des droits des prisonniers, a posté des photos concernant les ordonnances de fermeture placardées par l’armée sur ses portes :

Sahar Francis, la directrice d’Addameer, a expliqué que son organisation et les autres organisations ciblées

« allaient poursuivre notre travail en soutenant le peuple palestinien et en défendant les droits palestiniens dans l’arène internationale, surtout devant la Cour pénale internationale et les Nations unies. »

L’Union des Comités des femmes palestiniennes a fait remarquer que jeudi matin, ce n’était « pas la première fois que les forces de l’occupation pénétraient de force dans nos bureaux » :

« Une tentative de répression manifeste »

Mary Lawlor, la rapporteuse spéciale de l’ONU sur la situation des défenseurs et défenseuses des droits humains, a déclaré que les raids et fermetures à l’encontre des organisations palestiniennes constituaient

« une autre tentative manifeste de réprimer les personnes qui collectaient des informations permettant de réclamer des comptes à propos des violations de droits ».

Michael Sfard, un avocat israélien représentant certaines des organisations désignées, a déclaré que les attaques contre les organisations palestiniennes étaient motivées par le « désir de frustrer les enquêtes de la Cour pénale internationale ».

Trois des organisations « visités » jeudi – Al-Haq, Addameer et Defense for Children International – Palestine – ont fourni des preuves à l’enquête de La Haye sur les crimes de guerre en Cisjordanie et dans la bande de Gaza.

Fatou Bensouda, la précédente procureure générale de la CPI, a autorisé une enquête en Palestine au mois de mars de l’an dernier. Jusqu’à présent, son successeur, Karim Khan, n’a pas encore eu de commentaire public sur la persécution par Israël des organisations palestiniennes collaborant avec la cour.

Benny Gantz, le ministre israélien de la Défense qui a imposé les désignations de « terrorisme », est quelqu’un susceptible de soulever l’intérêt des enquêtes de la CPI à propos de son rôle dans le ciblage par Israël de civils au cours de ses campagnes de bombardement à Gaza.

Jeudi, Al-Haq a mis en garde contre le risque de voir Israël saisir les finances et les avoirs des organisations ciblées, ainsi que de se livrer à l’arrestation arbitraire et à l’emprisonnement des membres de leur personnel.

L’organisation a réclamé

« des mesures concrètes, comme des restrictions sur le commerce et des embargos sur les armes »,

afin d’obliger Israël à rendre des comptes pour ses

« actes inhumains et systématiques d’apartheid, y compris la persécution des défenseurs des droits humains palestiniens ».

Le ministère des Affaires étrangères de l’Autorité palestinienne a condamné les raids en disant que l’absence de responsabilisation internationale avait permis à Israël de « mener une guerre incessante contre le mouvement international des droits humains ».

Suite aux raids de jeudi, l’Union européenne a tweeté qu’elle « continuerait de défendre les lois internationales » et de soutenir les organisations défendant « les lois internationales, les droits humains et les valeurs démocratiques ».

Mais l’UE a été ostensiblement incapable de condamner les actions israéliennes ou de demander qu’elles soient annulées. Le porte-parole des Affaires étrangères pour l’UE n’a pas répondu à une demande de commentaire.

Le tweet de l’UE s’est attiré le scepticisme et le mépris de nombre d’observateurs qui ont pointé du doigt la « complicité volontaire » de l’UE dans les abus israéliens contre les droits.

 

De même, le porte-parole du département d’État américain, Ned Price, a déclaré que Washington « s’inquiétait » des raids mais qu’il ne les condamnait pas.

« Il a ajouté que les responsables israéliens avaient promis de fournir de plus amples informations sans toutefois détailler ce qui avait été reçu jusqu’à présent ni les conclusions que les responsables avaient tirées de l’histoire »,

a rapporté Associated Press.

Jeudi, au cours d’une conférence de presse, les organisations palestiniennes ciblées ont promis de continuer de travailler, en ajoutant :

« Nous ne tirons pas notre légitimité d’un commandant de l’armée israélienne, mais de notre peuple et de nos lois palestiniennes. »

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Publié le 18 août 2022 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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