Les prisonniers palestiniens interrompent leur grève de la faim après qu’Israël a mis fin aux mesures punitives

Au moins 1 000 prisonniers palestiniens ont suspendu leur grève de la faim jeudi après que les autorités pénitentiaires israéliennes ont accédé à leur demande d’annuler les mesures sévères imposées dans les prisons depuis des mois.

 

Shatha Hammad, Ramallah, Palestine occupée

Le Comité suprême d’urgence nationale, qui gère les protestations des prisonniers, a déclaré dans un communiqué qu’Israël

“a compris que les prisonniers sont prêts à payer le prix fort pour leur dignité et leurs droits”.

“Et que derrière eux se trouve un peuple et une résistance qui est prête à payer tous les coûts afin de soutenir ses combattants dans les prisons de l’occupation.

“C’est pourquoi l’ennemi a décidé de mettre fin à ses décisions injustes et à ses mesures arbitraires… et de répondre à leurs demandes.”

L’annonce a été faite quelques heures après que les prisonniers ont lancé la grève dans le cadre d’une série de mesures croissantes qu’ils ont adoptées depuis février, le Service pénitentiaire israélien (SPI) ne répondant toujours pas à leurs demandes d’annuler les mesures prises à leur encontre après l’évasion de six prisonniers de la prison de Gilboa en septembre 2021.

Les mesures punitives comprenaient la limitation du temps de cour, l’augmentation des restrictions imposées aux prisonniers purgeant de longues peines – et en particulier à ceux qui purgent des peines à perpétuité, en les mettant à l’isolement – et le transfert constant des prisonniers entre les établissements pénitentiaires, ce qui a conduit à un état d’instabilité à l’intérieur des prisons.

Escalade

Les prisonniers en grève ont formé le Comité national suprême d’urgence, composé de toutes les factions palestiniennes dans les prisons, pour approuver et gérer les protestations.

“Nous entrons dans une nouvelle étape de la confrontation avec le geôlier, en annonçant officiellement la dissolution des organes organisationnels dans toutes les prisons, dans une démarche de rébellion contre les décisions [de l’IPS], comme dernière étape avant d’entamer une grève de la faim ouverte”, a déclaré le comité dans un communiqué samedi.

La dissolution des organes organisationnels avait pour but de forcer les autorités israéliennes à traiter les prisonniers en tant qu’individus et non par le biais des organisations qui les représentent.

Selon le Club des prisonniers palestiniens, 4 550 Palestiniens sont actuellement détenus dans les prisons israéliennes, dont 175 enfants, 32 femmes, 730 détenus administratifs et 551 condamnés à perpétuité.

Les prisonniers ont commencé leur action contre l’IPS le 22 août dans diverses prisons israéliennes, avec des mesures qui comprenaient le refus des repas et des files de contrôle de sécurité. Le 29 août, les prisonniers se sont engagés à porter l’uniforme de l’IPS à tout moment à l’intérieur des cellules et dans les cours, indiquant qu’ils étaient prêts à une confrontation avec les autorités pénitentiaires.

Mardi, le Club des prisonniers a déclaré que l’administration pénitentiaire avait jusqu’à présent refusé de revenir sur ses mesures et de respecter les accords antérieurs conclus avec les prisonniers pour alléger les conditions de vie difficiles.

Il a ajouté qu’il n’y avait aucune négociation sérieuse en cours entre les deux parties.

Grève pour des revendications fondamentales

Qadri Abu Bakr, chef de la commission des prisonniers de l’Autorité palestinienne, a déclaré à Middle East Eye que la plupart des revendications sont liées aux besoins humains quotidiens dont les prisonniers sont privés depuis septembre dernier, notamment les appareils électriques, certains produits alimentaires et les produits de nettoyage.

Les demandes concernent également l’isolement d’un grand nombre de prisonniers, le transfert fréquent et soudain de détenus entre les prisons, les restrictions sur les visites familiales et la fourniture d’un traitement approprié aux prisonniers malades.

Abu Bakr a déclaré que l’Autorité palestinienne aurait travaillé à faire la lumière sur cette question au niveau international, tandis que les institutions de prisonniers ont également préparé des activités de solidarité qui seront organisées dans la plupart des villes palestiniennes.

L’IPS avait informé les prisonniers que les mesures prises avaient été décidées à un niveau politique et qu’elles seraient résolues à ce niveau.

Cependant, malgré les demandes continues des prisonniers, l’Autorité palestinienne n’a pas montré de véritable intention de faire pression sur Israël ou de pousser la question au niveau international.

Amani Sarahneh, porte-parole du Club des prisonniers palestiniens, a déclaré à MEE que la grève de la faim collective s’inscrivait dans le prolongement des protestations précédentes des prisonniers depuis septembre 2021, suite à la formation par l’IPS d’un comité chargé de punir les prisonniers, principalement ceux qui purgent de longues peines.

Depuis lors, les prisonniers ont entrepris un ensemble d’actions pour se rebeller et désobéir aux nouveaux règlements imposés par l’IPS.

“Dernièrement, l’IPS a intensifié son opération de transfert des prisonniers entre les cellules et entre les prisons, et les a informés de leur intention de poursuivre ces mesures”,

a déclaré Sarahneh.

Un minimum de dignité

La plupart des évadés de Gilboa étaient des membres du Jihad islamique, ce qui a conduit l’IPS à riposter en imposant des restrictions sévères aux prisonniers du groupe, notamment en les isolant des autres détenus et en transférant des personnalités de haut rang dans d’autres prisons.

“Au cours des deux dernières années, nous avons été témoins de violentes effractions dans les prisons, et d’une augmentation de la violence utilisée pour réprimer les prisonniers… et nous avons une réelle crainte que la répression s’intensifie dans les prochains jours”,

a déclaré Sarahneh.

Dirgham al-Araj, un ancien prisonnier qui a passé 20 ans dans les prisons israéliennes, a déclaré à MEE :

” L’objectif de la grève de la faim est d’exiger la restauration d’une dignité minimale en améliorant les conditions de vie. “

Araj a été libéré de prison en 2019 et a participé à plusieurs grèves de la faim collectives dans les prisons en 2004, 2011, 2012 et 2017.

Araj a déclaré que les conditions de vie difficiles dans les prisons étaient la principale motivation qui poussait les prisonniers à entamer une grève de la faim, une action stratégique que les prisonniers n’entreprennent qu’après avoir épuisé toutes leurs tentatives de négociation avec l’IPS.

Araj a ajouté qu’après la deuxième Intifada, qui a duré de 2000 à 2005, les prisonniers ont commencé à demander une amélioration de leurs conditions, le nombre de Palestiniens dans les prisons israéliennes ayant atteint 10 000 à un moment donné.

Araj, professeur du cours sur le mouvement des prisonniers à l’Université Al-Quds, a déclaré que les grèves de la faim ont été couronnées de succès dans le passé lorsqu’elles ont bénéficié du soutien populaire. Selon lui, la grève de la faim de 1992 a été la plus réussie, car elle s’est déroulée dans toutes les prisons en même temps que des manifestations et des marches généralisées dans la plupart des villes de Cisjordanie occupée, ce qui a fait pression sur Israël.

“Mobiliser la rue signifie un coût économique et sécuritaire important pour Israël et fera pression sur lui de nombreuses façons”,

a-t-il déclaré.

“Par conséquent, seule la rue palestinienne est capable de faire réussir les grèves de prisonniers”.

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Publié le 1er septembre 2022 sur Middle East Eye
Traduction : AFPS / DD

Lisez également : Nouvelle victoire pour le mouvement des prisonniers palestiniens : l’occupation abandonne ses mesures répressives (Samidoun)

Le réseau de solidarité avec les prisonniers palestiniens Samidoun salue le mouvement des prisonniers pour cette importante réussite, qui intervient au lendemain de la victoire de Khalil Awawdeh après 182 jours de grève de la faim.

Les prisonniers palestiniens sont engagés dans une confrontation quotidienne avec l’occupation. Ils sont des leaders du mouvement de résistance palestinien, reflétant une véritable unité sans compromis ni corruption.

La fermeté des prisonniers eux-mêmes, leur front uni et le fort soutien de la résistance palestinienne ont clairement montré qu’il s’agissait d’une confrontation dans laquelle l’occupant n’avait pas d’issue et a été contraint de reculer face à la volonté inébranlable du mouvement des prisonniers.

Ce moment doit également être l’occasion pour tous les partisans de la justice et de la libération de la Palestine et du peuple palestinien de s’appuyer sur cet victoire pour intensifier la campagne pour la libération de l’ensemble des près de 5 000 prisonniers palestiniens, partie intégrante de la libération de la Palestine de la mer au Jourdain.

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