Les colons israéliens se vengent après la mort de trois des leurs

Les colons israéliens ont mené au moins 20 attaques de représailles contre les Palestiniens et les soldats israéliens suite à la mort de trois colons près du village cisjordanien occupé de Salfit, ce mardi.

Les forces israéliennes envahissent le village de Hares en Cisjordanie occupée après que trois colons ont été tués le 15 novembre. (Photo : Shadi Jarar’ah / APA images)

Les forces israéliennes envahissent le village de Hares en Cisjordanie occupée après que trois colons ont été tués le 15 novembre. (Photo : Shadi Jarar’ah / APA images)


Tamara Nassar
, 16 novembre 2022

Dans l’un de ces incidents, au nord-ouest de Naplouse, des colons ont sorti un conducteur palestinien de son camion, l’ont tabassé et ont incendié le véhicule. La plupart des autres incidents ont impliqué des colons qui lançaient des pierres sur les Palestiniens.

L’attaque de mardi par un Palestinien, qui comprenait des coups de couteau et un assaut en véhicule-bélier, a duré plus de vingt minutes.

Le fait qu’elle a duré si longtemps constitue un embarras majeur pour l’appareil sécuritaire hyper-militarisé d’Israël en Cisjordanie. C’est la dernière preuve que la répression militaire étouffante exercée par Israël sur les Palestiniens n’apporte pas la « sécurité », mais ne fait qu’engendrer davantage de violence.

Mardi matin, Muhammad Murad al-Souf a atteint un zoning industriel à Ariel, une importante colonie réservée aux seuls juifs non loin de Naplouse, et a poignardé un garde sécuritaire à l’entrée, en le blessant sérieusement. Un autre garde a tiré en l’air, mais pas sur al-Souf.

Al-Souf, 18 ans, a un permis de travail comme ouvrier d’entretien dans le zoning industriel.

Il a ensuite couru vers une station-service toute proche, où il a poignardé trois Israéliens, dont deux fatalement.

Il paraît qu’une vidéo diffusée par les médias montre al-Souf qui poignarde un homme près de ce qui s’avère être le poste d’essence.

https://twitter.com/ShehabAgency/status/1592444248611176448?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E1592444248611176448%7Ctwgr%5Ef2846f6f53c396e62586b51ee12c0d71aafe8677%7Ctwcon%5Es1_&ref_url=https%3A%2F%2Felectronicintifada.net%2Fblogs%2Ftamara-nassar%2Fisraeli-settlers-take-revenge-after-three-are-killed

 

Al-Souf a quitté les lieux à bord du véhicule volé à l’un des hommes qu’il a tués à la station-essence.

Il a eu un crash et a tué un autre Israélien, après quoi il est sorti du véhicule et a poignardé un autre colon, le blessant grièvement.

Un autre homme est sorti de sa voiture pour prêter assistance au colon blessé. Il a déclaré qu’al-Souf avait essayé de le poignarder lui aussi, mais qu’il avait été à même de s’enfuir dans sa voiture.

Comme al-Souf s’approchait d’un check-point, il a fait demi-tour, reprenant la direction du site de la collision.

Il a essayé de s’échapper à pied, mais a été tué par des tirs israéliens.

Al-Souf, originaire du village de Hares, près de Salfit, est le 10e Palestinien tué par des balles israéliennes au cours de ce seul mois.

Des images graphiques ont montré al-Souf gisant blessé au sol pendant 12 secondes au moins sans recevoir la moindre attention médicale.

 

Après sa mort, des photos de lui ont circulé dans les médias sociaux :

En guise de représailles, Israël se prépare déjà à procéder à la démolition de la maison de la famille al-Souf, dans le village de Hares.

Une punition collective de ce genre est un crime de guerre qu’Israël ne perpètre que contre les familles de Palestiniens accusés de faire du tort aux Israéliens, et jamais contre les familles des Israéliens qui molestent les Palestiniens.

Israël prétend que la mesure constitue une forme de dissuasion mais, à l’instar d’autres attaques violentes d’Israël contre des Palestiniens, cela n’a rien fait pour mater la résistance à son occupation.


Un grand embarras

« Cet événement aurait pu se terminer dans le zoning industriel », a déclaré un officier supérieur de l’armée israélienne resté anonyme, d’après le Jerusalem Post, qui ajoute qu’al-Souf « est parvenu à ses fins avec une solide dose d’audace ».

Les responsables militaires israéliens, paraît-il, prévoient d’interroger le deuxième garde sécuritaire, qui a tiré en l’air, et non sur al-Souf, quand son collègue a été poignardé.

Le chef d’état-major de l’armée israéliennes, Aviv Kochavi, a déclaré que l’incident « aurait dû se terminer autrement », et a ajouté que l’armée « allait enquêter et tirer les leçons de l’affaire ».

Ce n’est pas la première fois ces tout derniers mois que des chefs militaires israéliens ont été embarrassés par une opération menée par un Palestinien.

Le mois dernier, un Palestinien du nom d’Udai Tamimi avait tué un soldat israélien et en avait blessé plusieurs autres à un check-point militaire près du camp de réfugiés de Shuafat. Il était ensuite parvenu à s’échapper sans se faire capturer.

Une vidéo de l’incident le montre qui descend calmement d’un véhicule, puis s’avance vers un groupe de soldats et de gardes sécuritaires et leur tire ensuite dessus à bout portant avant de disparaître.

Les forces d’occupation israéliennes ont été incapables de retrouver Tamimi avant qu’il ne réapparaisse dix jours plus tard et ne commette une nouvelle attaque par balles contre des gardes sécuritaires israéliens près de la colonie de Maaleh Adumim, à l’est de Jérusalem – donc loin de Shuafat.

Tamimi avait été tué lors de cette dernière attaque.

Une enquête commune de l’armée et de la police israéliennes sur le meurtre par Tamimi de la soldate à Shuafat « a soulevé des critiques contre la faible réponse de la police postée au check-point », explique le journal libéral Haaretz, et a valu des réprimandes à six officiers et policiers israéliens.

De semblables critiques ont été émises après l’attaque de mardi.

« La réponse de certains membres des services sécuritaires semble avoir été lente et hésitante », a rapporté Haaretz. Al-Souf n’était

« armé que d’un couteau et il a poignardé un garde sécuritaire à l’entrée du zoning industriel d’Ariel, dans le même temps qu’un autre garde sécuritaire n’est même pas parvenu à lui faire le moindre mal ».


Aucun calme

Cette année, on a assisté à une renaissance de la résistance armée en Cisjordanie occupée.

Cette année a également été l’année la plus meurtrière pour les Palestiniens de Cisjordanie depuis au moins 2005.

L’apparition de l’organisation de résistance « La Fosse aux Lions » à Naplouse et la résurgence de la résistance armée à Jénine ont laissé les forces de l’Autorité palestinienne – qui agissent comme la piétaille d’Israël – aux prises avec le maintien du contrôle.

Même les analystes de Haaretz considèrent que la violence croissante

« n’est plus une vague, mais semble être devenue une sorte de réalité nouvelle ».

« Aujourd’hui, la violence est presque un fait permanent, même si elle n’atteint pas les dimensions d’une troisième intifada »,

fait remarquer le journal.

« Le calme total ne règne jamais, en Cisjordanie. »

Les dirigeants et les commentateurs israéliens s’obstinent en permanence à ne pas comprendre que tant que la cause de la violence restera, à savoir l’occupation militaire coloniale de peuplement israélienne, il n’y aura jamais de calme permanent où que ce soit en Palestine historique, et la résistance continuera à adopter de nouvelles formes afin d’échapper aux contremesures israéliennes.

D’après les lois internationales, la résistance armée à la force militaire est absolument légitime mais il est également d’une importance cruciale de comprendre le contexte dans lequel un Palestinien prend les armes contre des colons.

Comme l’a écrit précédemment Maureen Clare Murphy dans The Electronic Intifada,

« les colons fournissent un service clé au régime colonisateur en se chargeant de la poussée finale dans un système étatique d’oppression afin de forcer les Palestiniens à abandonner leurs terres ».

 

Sous la protection de l’armée israélienne, les colons attaquent fréquemment les Palestiniens et leurs propriétés, de sorte qu’il n’est pas surprenant que bien des Palestiniens les considèrent comme indistinguables des éléments plus officiels des forces d’occupation israéliennes.

« La violence des colons contre les Palestiniens fait partie de la stratégie employée par le régime d’apartheid israélien, qui cherche à accaparer de plus en plus de terre de la Cisjordanie »,

estime B’Tselem, une organisation israélienne des droits humains.

« L’État supporte à fond et assiste ces actes de violence et ses agents y participent parfois directement »,

ajoute B’Tselem.

« En tant que telle, la violence des colons est une forme de la politique gouvernementale, assistée et facilitée par les autorités officielles de l’État et avec leur participation active. »

La violence utilisée par les Palestiniens contre l’occupation – y compris contre les colons que les responsables de l’armée israélienne identifient comme une partie inséparable de leur appareil – constitue une réaction à la violence perpétrée par leurs occupants.

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Publié le 16 novembre 2022 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

 

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