Le rapport du département d’État sur les droits humains blanchit l’assassinat de Shireen Abu Akleh

Le rapport annuel du département d’État sur les droits humains accepte la version israélienne plus que douteuse de l’assassinat de Shireen Abu Akleh.

 

Gaza, 12 mai 2022. Des artistes palestiniens peignent une fresque murale en l’honneur de la journaliste vétérane d’Al-Jazeera assassinée, Shireen Abu Akleh. – Abu Akleh, qui a été abattue et tuée le 11 mai 2022 alors qu’elle couvrait un raid israélien en Cisjordanie occupée, faisait partie des personnalités les plus éminentes des médias arabes et était saluée partout pour son courage et son professionnalisme. (Photo : Ashraf Amra)

Gaza, 12 mai 2022. Des artistes palestiniens peignent une fresque murale en l’honneur de la journaliste vétérane d’Al-Jazeera assassinée, Shireen Abu Akleh. – Abu Akleh, qui a été abattue et tuée le 11 mai 2022 alors qu’elle couvrait un raid israélien en Cisjordanie occupée, faisait partie des personnalités les plus éminentes des médias arabes et était saluée partout pour son courage et son professionnalisme. (Photo : Ashraf Amra)

 

Michael Arria (*), 23 mars 2023

Le rapport annuel du département d’État américain sur les droits humains accepte la version proposée par le gouvernement israélien de la mort de la journaliste Shireen Abu Akleh et ne la présente pas comme une exécution extrajudiciaire ou un homicide arbitraire.

Les forces israéliennes ont tué Shireen Abu Akleh le 11 mai 2022, alors qu’elle couvrait l’invasion par Israël du camp de réfugiés de Jénine et qu’elle portait une veste affichant clairement le mot « PRESSE ».

Comme le fait remarquer sur Twitter Josh Ruebner en sa qualité d’auteur et de professeur adjoint à l’Université de Georgetown, faire référence à la mort de Shireen Abu Akleh comme une exécution extrajudiciaire déclencherait techniquement des sanctions contre Israël dans le cadre de la Loi Leahy.

Lors d’une audition qui a eu lieu devant la Commission sénatoriale sur les relations étrangères à l’avant-veille de la publication du rapport, le secrétaire d’État Antony Blinken a déclaré au sénateur Brian Schatz (Démocrate-Hawaii) qu’Israël était en conformité avec la Loi Leahy « pour autant que je sache ».

La seule référence à la journaliste d’Al Jazzera décédée se trouve dans un passage sur la liberté d’expression figurant dans la partie du rapport consacrée à Israël, Gaza et la Cisjordanie.

« Le 11 mai », peut-on lire, « la journaliste palestino-américaine Shireen Abu Akleh a été abattue et tuée alors qu’elle faisait un reportage sur un raid des FDI à Jénine. Lors du même incident, le journaliste palestinien Ali Samoudi a été touché et blessé à l’épaule. Le 5 septembre, les FDI ont fait savoir qu’elles avaient conclu leur enquête sur les circonstances de la mort d’Abu Akleh et déclaré qu’il existait une grande possibilité qu’elle ait été frappée accidentellement par des tirs des FDI. Selon les médias, l’avocat général militaire a déclaré qu’il n’y avait pas de soupçon de délit criminel et il a refusé de lancer une enquête criminelle sur l’incident. Nombre d’ONG des droits humains ont critiqué l’enquête des FDI, disant qu’elle ne pouvait remplacer une enquête criminelle. »

Le gouvernement israélien avait initialement tenté de rejeter la faute de la mort de Shireen Abu Akleh sur un « échange de tirs croisés » entre les FDI et les militants palestiniens. Toutefois, ce fut rapidement démenti par des vidéos, des déclarations de témoins oculaires et de multiples enquêtes médiatiques.

 

 

Israël a lancé sa propre enquête sur l’incident et a publié un « rapport » sur l’homicide quatre mois plus tard. Les FDI ont reconnu qu’il existait une « grande possibilité » que le balle ait été tirée par un soldat israélien mais ont ajouté que c’était un accident et que personne n’aurait à affronter la moindre accusation criminelle.

Le haut responsable des FDI qui a informé les journalistes des résultats de l’enquête a ressorti le mythe des tirs croisés.

« Nous estimons qu’il y avait des militants dans le voisinage de Madame Abu Akleh. Peut-être pas à un mètre d’elle, mais ils étaient bel et bien dans les parages »,

a-t-il dit sans apporter la moindre preuve pouvant étayer cette allégation.

Le département d’État américain avait réclamé publiquement la « responsabilisation » dans les mois qui avaient suivi la publication du rapport israélien mais n’avait produit que très peu d’éléments sur le plan des détails. Le secrétaire d’État Tony Blinken avait été confronté à la question par la journaliste Abby Martin au cours d’une soirée à Los Angeles et lui avait dit :

« Nous cherchons une enquête indépendante et crédible. Quand cette enquête aura lieu, nous suivrons les faits, où qu’ils aboutissent. C’est aussi simple que cela. »

Cependant, le département d’État n’a pas fait état de problèmes avec l’enquête israélienne bien qu’elle n’ait été ni indépendante ni crédible.

« Nous accueillons le rapport établi par Israël sur cet incident tragique et soulignons une fois encore l’importance de la responsabilisation, dans ce cas, telles les mesures et procédures visant à empêcher que se produisent à l’avenir des incidents similaires »,

avait déclaré à l’époque le porte-parole du département d’État, Ned Price.

En novembre 2022, alors que s’intensifiait la pression exercée par la famille de Shireen Abu Akleh, par des activistes du monde entier et par un certain nombre de membres démocrates du Congrès, le FBI annonça qu’il lançait sa propre enquête autour de l’homicide. L’administration Biden, prétendit-on, ne fut pas consciente de la démarche avant qu’elle n’ait eu lieu.

Israël déclara immédiatement qu’il ne coopérerait pas à l’enquête.

« Nos soldats ne seront pas soumis aux investigations du FBI ni de tout autre pays ou entité étrangère, aussi amicales que soient leurs intentions. Nous n’abandonnerons pas nos soldats à des enquêtes étrangères »,

avait déclaré le Premier ministre de l’époque, Yair Lapid.

Le mois suivant, Al Jazeera annonçait qu’il soumettait un cas à la Cour pénale internationale (CPI), concernant l’homicide. La requête incluait un dossier sur les six mois d’enquête par son propre réseau autour de la mort de Shireen Abu Akleh. Immédiatement, l’administration Biden exprimait son opposition à une telle enquête.

« Quand il s’agit de la CPI, nous maintenons nos objections de toujours à l’enquête de la CPI sur la situation palestinienne – et la position disant que la CPI devrait se concentrer sur sa mission principale, laquelle est de servir de tribunal de dernier recours en punissant et dissuadant les crimes atroces »,

a encore déclaré Price.

Le rapport du département d’État sur les droits humains néglige aussi de mentionner le cas d’Omar Asaad, le Palestino-Américain de 80 ans décédé très peu de temps après avoir été placé en garde à vue en janvier 2022. Assad, prétend-on, avait subi une crise cardiaque peu après avoir été extrait de force de sa voiture de sa voiture par des soldats, qui l’avaient ensuite menotté, bâillonné et laissé pendant des heures dans un entrepôt glacial abandonné.

Le rapport du département d’État critique certaines mesures israéliennes et reconnaît que les FDI et les systèmes judiciaires civils réclament rarement des comptes aux membres des forces sécuritaires. Il fait également état de ce que les ONG comme Military Court Watch, HaMoked et B’Tselem ont accusé l’armée israélienne de recourir à l’isolement afin de punir des « prisonniers politiques palestiniens de premier plan ».

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(*) Michael Arria est le correspondant de Mondoweiss aux EU. Ses articles paraissent dans In These Times, The Appeal et Truthout. Il est l’auteur de Medium Blue : The Politics of MSNBC. Suivez-le sur Twitter à @michaelarria.

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