Désespérément à plat ventre devant Israël

Affirmer sa dévotion à Israël, un État qui foule constamment au pied les droits palestiniens, est devenu une sorte de tic, chez López-Istúriz.

 

Désespérément à plat ventre devant Israël : Antonio López-Istúriz a très souvent mangé au râtelier du lobby pro-israélien

Antonio López-Istúriz a très souvent mangé au râtelier du lobby pro-israélien. (Photo : via Facebook)

 

David Cronin, 27 mars 2023

Lorsque les règles de la transparence sont bancales, il convient de chercher des indices de ce que des représentants du peuple ont été achetés par des groupes d’intérêts bien spécifiques.

Antonio López-Istúriz, un membre espagnol du Parlement européen, semble bien avoir joui si fréquemment de l’hospitalité des lobbyistes pro-israéliens qu’aujourd’hui, il tient exactement leur langage même.

Parmi les tâches qu’il a assumées, figure sa tentative de convaincre ses collègues qu’ils ne devraient pas s’alarmer de l’inclusion de racistes extrêmes dans la toute dernière coalition au pouvoir en Israël et dirigée par Benjamin Netanyahou.

« Nous devons faire confiance au système démocratique israélien »,

a prétendu López-Istúriz un peu plus tôt ce mois-ci.

Affirmer sa dévotion à un État qui foule constamment au pied les droits palestiniens est devenu une sorte de tic, chez López-Istúriz.

L’an dernier, il a même déclaré qu’il était « fier des réalisations impressionnantes » dans les relations extérieures israéliennes qui ont suivi les accords d’Abraham – les accords de normalisation avec quelques États arabes.

 

López-Istúriz préside le comité du Parlement européen sur les relations avec la Knesset, l’assemblée élue d’Israël. Cela ne l’autorise toutefois pas à se comporter comme un porte-parole d’Israël.

Bien au contraire. Selon les règles de mise au sein de tels comités – ou délégations, lorsqu’ils sont officiellement reconnus – leurs présidents sont censés défendre les positions du Parlement européen.

Officiellement, le Parlement européen est opposé à la construction et à l’expansion des colonies israéliennes en Cisjordanie, Jérusalem-Est y compris.

Une fois cette position adoptée, la prochaine étape logique consisterait à exiger que les importations des colonies soient interdites.

Non seulement López-Istúriz n’a jamais rêvé de prôner ce genre d’interdiction, il a même exprimé son désaccord à propos de l’étiquetage adéquat des produits des colonies en tant que tels. Coller des étiquettes sur des produits pour dire aux consommateurs d’où ils viennent est une « grossière erreur », a-t-il prétendu.

Interrogé par courriel pour savoir s’il n’avait jamais protesté contre les activités coloniales d’Israël, López-Istúriz a éludé la question.

En lieu et place, il a déclaré que les réunions de la délégation qu’il préside sont diffusées en direct.

« Par conséquent, vous pouvez vérifier personnellement que ma position s’aligne sur la ‘solution à deux États’ [les guillemets sont de lui], qui est la position officielle de l’UE »,

a-t-il répondu.

Il n’a tiqué sur aucune preuve de ce qu’il avait adopté une position solide sur les activités coloniales d’Israël – les crimes de guerre repris par la Quatrième Convention de Genève.

En théorie, les députés à Bruxelles mettent tout en œuvre sur le moment pour prouver qu’ils ne sont pas influencés par des gouvernements étrangers ou des groupes de pression. Personne ne désire être associé au scandale impliquant le Qatar et les montants obscènes d’argent liquide que ce dernier a été surpris en train de verser à des députés européens qui accomplissaient leur travail de relations publiques pour son compte avant la Coupe du Monde.

 

Râcler le fond du tonneau

Il est bien connu que les partisans d’Israël au sein du Parlement européen sont hypernerveux quant aux implications du Qatargate.

Certains d’entre eux – dont López-Istúriz, soit dit en passant – ne sont pas suffisamment nerveux pour modifier leurs façons de faire. Cette semaine, notre homme est censé accueillir la visite de représentants de NGO Monitorun groupe de lobbying israélien d’extrême droite – au quartier général du Parlement européen.

Le but de la visite est de pousser l’UE à agir contre Samidoun (*), une organisation qui fait campagne pour les prisonniers palestiniens.

 

En 2021, Benny Gantz – à l’époque ministre de la Défense d’Israël et précédemment le haut commandant militaire qui avait supervisé le massacre de masse de civils lors d’un important assaut contre Gaza, en 2014 – avait désigné Samidoun comme « organisation terroriste ».

Depuis lors, NGO Monitor ne cesse d’insister auprès des gouvernements et des institutions de l’UE pour qu’ils suivent le mouvement.

NGO Monitor diffame constamment les organisations de défense des droits humains qui osent critiquer Israël. À l’instar de ses copains au sein du gouvernement israélien, NGO Monitor désire criminaliser toute la lutte palestinienne pour la liberté, la justice et l’égalité et jeter le discrédit sur tous ceux qui sympathisent avec ce combat.

On peut compter sur López-Istúriz pour râcler le fond du tonneau. Lors de la Journée du souvenir de l’holocauste, en janvier, il avait fait circuler un monstrueux mensonge en prétendant que les boycotts contre Israël étaient des « actes antisémites ».

 

Le Qatargate a attiré à un certain point l’attention sur la manière dont certains parlementaires européens promeuvent les intérêts d’États qui les font profiter de petits voyages tous frais payés.

Manifestement, López-Istúriz est disposé à manger au râtelier d’Israël.

Il a participé à bon nombre de voyages d’agrément goupillés par des groupes de pression.

 

Les « friandises » d’Halloween

Un de ces voyages qui devrait revenir le hanter – pour autant que l’intention déclarée du Parlement européen de se libérer des influences étrangères ait la moindre signification – a eu lieu vers Halloween l’an dernier. López-Istúriz s’est vu offrir deux nuits à l’hôtel Carlton de Tel-Aviv, suivies de deux autres nuits à l’hôtel Herbert Samuel de Jérusalem.

Le peu de détails de cette escapade qu’il a rendus disponibles sur le site du Parlement européen indiquent que le voyage impliquait « une séance de discussion et des rencontres » et que « des repas étaient assurés par les hôtes ». Ceux-ci, incidemment, n’étaient autres que l’European Leadership Network (ELNET) et l’American Jewish Committee, tous deux des organisations de lobbying pro-israélien.

C’est devenu carrément une tradition, pour López-Istúriz, de participer à ces voyages fin octobre ou début novembre. Au cours de la même période, en 2021, il a également passé deux autres nuits à Tel-Aviv et deux aussi à Jérusalem.

La note de cette visite a été payée par l’European Leadership Network déjà mentionné. La déclaration de López-Istúriz quant à ce voyage est celle-ci : « avec nourriture et boissons fournis dans des restaurants ».

Par honnêteté envers López-Istúriz, il faut dire qu’Israël et ses organisations de lobbying ne sont pas les seuls à avoir financé ses excursions.

En septembre dernier, il avait fait une visite en Égypte, grâce à la courtoisie de la dictature militaire en place.

S’amuser avec les autorités du Caire n’a en rien diminué sa dévotion pour Israël. Personne ne s’attendrait d’ailleurs à ce que ce soit le cas.

L’Égypte a poignardé les Palestiniens dans le dos en signant un « traité de paix » avec Israël à la fin des années 1970. Plus récemment, l’Égypte a coopéré totalement au siège de Gaza par Israël.

Par bonheur pour López-Istúriz, son amour pour Israël est réciproque.

L’été dernier, après une longue interruption, quand l’UE et Israël se sont mis d’accord pour relancer un forum de discussion de haut niveau appelé le Conseil d’association, López-Istúriz a été en partie crédité de cette décision. L’ambassade d’Israël à Bruxelles a mis un point d’honneur à le remercier pour « son soutien incessant ».

López-Istúriz est partisan d’un « dialogue fluide » entre l’UE et Israël.

Il peut se profiler comme un expert, dans cette fluidité. En quelques occasions, vraiment, il a pu observer comment le lobby pro-israélien encourageait le dialogue tout en gavant des politiciens de nourriture et de boisson.

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David Cronin est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont Europe Israël : Une alliance contre-nature (Ed. La Guillotine – 2013) et  Europe’s Alliance With Israel: Aiding the Occupation (Pluto Press, 2011 – L’Alliance de l’Europe avec Israël contribue à l’occupation). Il a participé à la rédaction du rapport “The israeli lobby and the European Union”. 
Son dernier livre est : Balfour’s Shadow: A Century of British Support for Zionism and Israel (Pluto Press – Londres 2017).

Il a écrit de nombreux articles pour de nombreuses publications, dont The Guardian, The Wall Street Journal Europe, European Voice, the Inter Press Service, The Irish Times and The Sunday Tribune. En tant qu’activiste politique, il a tenté d’appliquer un état d’ “arrestation citoyenne” à Tony Blair et Avigdor Lieberman pour crimes contre l’humanité. 

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Publié le 27 mars 2023 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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(*) La Plate-forme Charleroi-Palestine est membre du réseau Samidoun

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