L’Autorité palestinienne doit cesser de faire le jeu d’Israël

La coordination sécuritaire avec Israël a laissé l’Autorité palestinienne dans une position de sous-traitant de la sécurité, ayant la responsabilité de garantir le « calme »

 

L’Autorité palestinienne doit cesser de faire le jeu d’Israël.  Les entretiens de Sharm al-Sheikh ont déclenché à Gaza des protestations dépassant les clivages politiques. (Photo : Saher Elghorra / ZUMA Press)

Les entretiens de Sharm al-Sheikh ont déclenché à Gaza des protestations dépassant les clivages politiques. (Photo : Saher Elghorra / ZUMA Press)

 

Omar Karmi, 27 mars 2023

Voilà une semaine qu’un accord a été signé à Sharm al-Sheikh entre les hauts responsables sécuritaires égyptiens, jordaniens, américains, palestiniens et israéliens.

L’accord était censé « réduire les tensions sur le terrain » et « faire progresser la voie vers un règlement pacifique entre Israéliens et Palestiniens ».

Il existe deux principaux problèmes, avec cet accord : Il ne prévoit aucune conséquence pour les parties qui violeraient leurs engagements – ce qu’Israël a fait inévitablement, presque avant que l’encre n’eût été sèche ; et le fait de la participation palestinienne en tout premier lieu.

L’accord invite les « deux camps » à éviter toutes « mesures unilatérales » au cours des quelques mois qui suivront, y compris se livrer à des déclarations et actions incendiaires, autoriser le peuplement de nouveaux avant-postes, parler de nouvelles unités de peuplement et modifier de quelque façon que ce soit le prétendu statu quo convenu à Jérusalem pendant le Ramadan, Pâques et la Pâque juive.

L’accord a été signé le dimanche 19 mars. Le même jour, Bezalel Smotrich, le ministre israélien des Finances, d’extrême droite, a profité d’un discours à Paris pour prétendre que les Palestiniens n’existaient pas.

Depuis lors

Lundi (20 mars), les soldats israéliens se sont emparés de deux étages d’une maison à Zeita, près de Tulkarem (dans le nord de la Cisjordanie) appartenant à un ancien prisonnier, Ibrahim Abu al-Ezz. Le même jour, ses deux fils étaient arrêtés.

Mardi, les parlementaires israéliens ont levé une interdiction de retour des colons dans quatre avant-postes de peuplement dans le nord de la Cisjordanie, lesquels avaient été évacués en 2005.

Mardi également, l’armée israélienne s’est emparée de terres dans le village de Saffa, près de Ramallah, et a lancé des raids dans des villages du côté de Jénine et de Bethléem, arrêtant six personnes.

Mercredi, l’armée israélienne a vaqué à des préparatifs en vue de démolir la demeure familiale d’Abdulfattah Hussein Khrousheh, l’un des six Palestiniens tués au cours d’un raid à Jénine un peu plus tôt en mars.

Au cours de raids dans les territoires occupés, les troupes israéliennes ont appréhendé et arrêté des dizaines de Palestiniens.

Mercredi également, Israël a lancé des appels d’offres pour plus de 1 000 unités de peuplement.

Jeudi, des militaires israéliens ont tué Amer Abu Khadijeh lors d’un raid dans son village, près de Tulkarem.

Vendredi, des soldats israéliens ont utilisé des balles enrobées de caoutchouc pour disperser une manifestation hebdomadaire contre le peuplement dans un village à proximité de Qalqiliya. Cinq manifestants et un activiste étranger ont été touchés et blessés.

 

Un sous-traitant

Tout cela n’a pas eu et n’aura pas la moindre conséquence pour Israël.

La chose est déjà très prévisible.

Telle a été l’histoire du processus d’Oslo.

Les Palestiniens ont été punis pour leurs moindres transgressions, réelles ou imaginées. Israël a été encouragé, récompensé même par des prêts, de l’aide militaire et financière, plus de carottes encore, une carotte de plus en plus grosse et absolument jamais le moindre coup de bâton.

Cela implique la question : Pourquoi le camp palestinien a-t-il participé ?

Des responsables de l’Autorité palestinienne vous diront qu’il leur fallait agir « de façon responsable » afin de protéger les Palestiniens de l’agression israélienne et, pour reprendre les termes de Hussein al-Sheikh, un important dirigeant du Fatah et secrétaire général de l’Organisation de libération de la Palestine, « de défendre les droits de notre peuple palestinien à la liberté et à l’indépendance ».

Et, certes, si l’on considère la nature du gouvernement de coalition israélien – avec d’importants ministres qui recourent à une rhétorique normalement associée au langage du génocide – il existe de bonnes raisons de se montrer exceptionnellement prudent.

Mais, si les hauts dirigeants de l’AP s’imaginent qu’ils seront reconnus comme « les adultes dans la salle », ils vont être déçus, comme d’habitude. La dynamique de la situation dicte qu’Israël soit tout simplement récompensé pour avoir signé un accord qu’il n’a nulle intention de respecter, alors que la bonne foi des Palestiniens est considérée comme acquise.

Et, en effet, mardi dernier, Israël et le Royaume-Uni ont signé un accord commercial qui, entre autres, révèle clairement l’opposition du Royaume-Uni au mot « apartheid » pour décrire le système de gouvernance d’Israël – qui établit clairement une discrimination entre juifs et non-juifs, et dans la loi, et en pratique – ainsi qu’à toute tentative en vue de traîner l’occupation israélienne devant la Cour internationale de Justice pour obtenir un avis consultatif de cette dernière.

Considérant l’impunité dont il bénéficie, il n’est guère étonnant qu’Israël agisse comme s’il était au-dessus des lois. Ce qui est étonnant, par contre, c’est pourquoi les Palestiniens agissent comme si Israël ne faisait pas ce qu’il fait.

La coordination sécuritaire avec Israël en dehors de tout arrangement final a toujours été une gigantesque bourde stratégique. Elle a laissé l’Autorité palestinienne dans une position de sous-traitant de la sécurité, ayant la responsabilité de garantir le « calme », autrement dit l’absence de toute réponse s’opposant à l’occupation israélienne, avec ou sans « horizon politique ».

Cela crée des intérêts concurrents parmi les Palestiniens, en opposant les services de sécurité aux organisations de la résistance et en prétendant que le tout sert la libération palestinienne.

Une telle divergence d’intérêts doit finir parce qu’elle ne fait qu’exacerber la division. Donc, seul le Fatah, qui contrôle l’AP, a soutenu les entretiens de Sharm al-Sheikh.

Toutes les autres organisations politiques palestiniennes s’y sont opposées.

Les hautes personnalités de l’AP et les diplomates se demandent souvent à haute voix, avec toutes les preuves sous les yeux, pourquoi les pays occidentaux – les seuls susceptibles d’avoir des intérêts en Israël – n’interviennent pas avec plus de force.

Le problème est ici : Si on peut compter sur l’Autorité palestinienne pour qu’elle joue toujours le jeu, pourquoi les pays occidentaux devraient-ils intervenir ?

Il est de la responsabilité du camp palestinien de modifier la dynamique. Il peut commencer par boycotter les entretiens cosmétiques qui ne servent qu’à normaliser la situation.

Si les Palestiniens veulent qu’Israël soit traité comme le paria qu’il est, ils doivent le traiter en tant que tel.

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Omar Karmi est un ancien correspondant du journal The National à Jérusalem et Washington, DC.

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Publié le 27 mars 2023  sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

 

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