La Knesset vient de décider de rétablir les colonies abandonnées par Israël en 2005

La Knesset israélienne vient de faire passer un amendement du Plan de Désengagement de 2005 qui facilitera l’expansion du peuplement en Cisjordanie et légalisera la discrimination raciale.

 

18 octobre 2020. À la périphérie de la colonie israélienne de Shvut Rachel, qui contrôle les terres de Qaryut et de Jalud, au sud de Naplouse, en Cisjordanie.

18 octobre 2020. À la périphérie de la colonie israélienne de Shvut Rachel, qui contrôle les terres de Qaryut et de Jalud, au sud de Naplouse, en Cisjordanie. (Photo : Shadi Jarar’ah / APA Images)

 

Mariam Barghouti, 21 mars 2023

Ce mardi 21 mars, la Knesset israélienne a fait passer les deuxième et troisième lectures de la modification du nom du Plan de Désengagement et d’Application de 2005 et de l’annulation des clauses spécifiques interdisant aux colons israéliens d’établir de nouveaux avant-postes dans le nord de la Cisjordanie.

Le projet était soutenu par les députés de droite Yuli Yoel Edelstein (du Likoud) et Limor Sonn Har Melech (de Force juive). La Knesset l’a approuvé par 31 votes pour et 18 votes contre.

Les nouveaux amendements du projet de loi permettent aux colons israéliens de rester dans les zones prises dans le nord de la Cisjordanie et rejettent la possibilité pour les forces sécuritaires israéliennes de déplacer les propriétés personnelles et d’évacuer les colons de ces zones.

« La Loi d’Application du Plan de Désengagement est censée légitimer le déracinement de quelque 10 000 personnes de leurs foyers, gagne-pain et tissu existentiel dans le cadre du Plan de Désengagement »,

annonçait une note explicative justifiant les amendements du projet de loi.

Les projets de loi soumis à la Knesset israélienne doivent typiquement passer par quatre « lectures » – une lecture « préliminaire » suivie d’une « première », « deuxième » et « troisième » lectures – afin d’être adoptés sous forme de loi.

 

Rejet des appels à geler le peuplement

Les récents projets de loi qui permettent l’annexion de facto de colonies qui empiètent sur des zones habitées par des Palestiniens, font partie d’un effort visant à saper les tentatives régionales de court-circuiter le mouvement de peuplement israélien.

Le 26 février, des représentants sécuritaires jordaniens, égyptiens, palestiniens, américains et israéliens se sont rencontrés dans la ville portuaire jordanienne d’Aqaba et ont sorti un communiqué commun visant à mettre un terme aux « mesures unilatérales » qui aboutiraient à une détérioration accrue du statu quo en Cisjordanie.

Une seconde rencontre de suivi a eu lieu dans la ville égyptienne de Sharm el-Sheikh, le 19 mars, qui a encore consolidé les accords des représentants palestiniens et israéliens.

Alors que ces sommets jumeaux se concentraient sur l’officialisation de l’effort commun d’Israël et de l’Autorité palestinienne en vue de mater la résistance armée en Cisjordanie, des rapports ont également vu le jour pour dire qu’Israël allait faire cesser toutes les nouvelles activités de peuplement pour une période d’au moins 3 à 6 mois. Les hauts responsables israéliens, ont immédiatement rejeté ces rapports dans les médias, entre autres le Premier ministre Netanyahou et le ministre des Finances Belazel Smotrich, qui a dit :

« Il n’y aura pas de gel dans la construction et le développement » des colonies, « même pas pendant une seule journée ».

Maintenant que la Knesset israélienne a fait passer les deuxième et troisième lectures des amendements du Plan de Désengagement de 2005, ces déclarations qui rejettent les sommets se sont vu conférer tout un poids juridique.


Qu’est-ce que le Plan de Désengagement ?

En 2003, l’ancien Premier ministre israélien Ariel Sharon avait proposé le Plan israélien de Désengagement et d’Application, qui visait à faciliter l’évacuation et le retrait des colons israéliens de certaines zones de la Cisjordanie et de la bande de Gaza.

Les récentes révisions apportées au projet vieux de 18 ans sont un reflet de l’influence croissante des intérêts de peuplement du gouvernement israélien d’extrême droite. Sonn Har Melech, l’un des députés à la pointe des tout derniers amendements du projet, a également insisté pour faire adopter une autre loi, début mars, autorisant la peine de mort pour les détenus politiques palestiniens condamnés pour « terrorisme ».

Le Plan de Désengagement a d’abord été appliqué en 2005 quand quatre colonies ont été évacuées et que 10 000 colons ont été transférés de Cisjordanie et réinstallés à l’intérieur des frontières de 1948 de l’État israélien. En septembre 2005, la totalité de Gaza a été vidée des colonies et colons illégaux, dont un grand nombre ont été réinstallés en Cisjordanie.

« Gaza ne peut être conservée pour toujours. Plus d’un million de Palestiniens y vivent et leur nombre double à chaque génération »,

avait dit Ariel Sharon dans un discours aux Israéliens le 15 août 2005.

« Ils vivent dans des camps de réfugiés incroyablement étroits, dans la pauvreté et la crasse, dans des foyers de haine sans cesse croissante, sans le moindre espoir à l’horizon. »

Près de deux décennies plus tard, le gouvernement israélien a inversé sa décision, en joignant une note explicative qui disait :

« Il a été proposé dans le projet de loi de rejeter certaines parties de la Loi d’Application du Plan de Désengagement et, par conséquent, d’effacer, jusqu’à un certain point, la souillure nationale et morale (…) marquant l’État d’Israël. »

Cette « souillure morale » renvoie au sentiment prédominent de la droite israélienne selon lequel le Désengagement de Gaza en 2005 a constitué une trahison envers le projet sioniste.

 

Un nouveau précédent juridique pour le nettoyage ethnique

Le tout dernier projet de loi a été précédé d’une autre lecture à la Knesset, ce lundi 20 mars.

Le Comité israélien des Affaires économiques a approuvé une lecture préliminaire en faveur d’un amendement afin d’appliquer la règle de la loi de continuité à l’Ordonnance concernant les Sociétés coopératives.

Si l’amendement devait franchir le cap des deuxième et troisième lectures, il permettrait l’extension des comités d’admission d’Israël à des zones exposées à l’expansion et l’annexion coloniales permanentes. L’application du projet de loi inclut les zones situées dans les collines du sud de Hébron, le Néguev de la vallée du Jourdain et la Galilée.

Les comités d’admission peuvent refuser ou accepter les demandeurs d’unités de logement – selon l’amendement 8, en vigueur depuis 2011 – estime Adalah, le Centre juridique pour les droits des Arabes et des minorités en Israël.

« Les Comités comprennent un représentant de l’Agence juive ou de l’organisation sioniste mondiale, des entités quasi gouvernementales »,

a expliqué le centre juridique.

« Dans la pratique, les Comités éliminent par filtrage les demandeurs palestiniens arabes et autres personnes en provenance de groupes marginalisés. »

Ces comités se sont focalisés sur la Galilée et le Néguev, deux régions à l’intérieur des frontières d’Israël 1948 qui comprennent toujours d’importantes populations palestiniennes. Ce nouveau projet de loi étendrait les pouvoirs discriminatoires de ces communautés à la Cisjordanie occupée et permettrait par décret judiciaire la facilitation d’une plus grande majorité démographique des colons juifs.

« La loi sur les comités d’admission est l’un des documents de législation les plus racistes que la Knesset ait adoptés »,

a déclaré le député Ahmad Tibi lors du rassemblement parlementaire de lundi.

« Une large part de la législation raciste à la Knesset n’a pas été adoptée par l’aile fasciste, mais plutôt par le Mapai et ses semblables »,

a-t-il expliqué, faisant référence au groupe historiquement de gauche et indiquant que le récent changement n’était pas seulement dû aux groupes spécifiquement de droite, mais également à la totalité du spectre politique israélien, de la « gauche » à la droite.

« C’est toujours une loi raciste et, quand les deux camps juifs unissent leurs forces, ma tâche est plus difficile », a ajouté Tibi.

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Mariam Barghouti est la principale correspondante de Mondoweiss sur la Palestine. 

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Publié le 21 mars 2023 sur Mondoweiss
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

 

 

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