Israël le nez dans son échec, une fois de plus

Vendredi, l’attaque surprise d’Israël contre Gaza s’est étendue sur une quatrième journée et le nombre de morts palestiniens s’élève désormais à 33.

 

Des Palestiniens s’encourent après qu’un appartement a été ciblé par Israël à Gaza, le 12 mai.

Des Palestiniens s’encourent après qu’un appartement a été ciblé par Israël à Gaza, le 12 mai. (Photo : Atia Darwish / APA images)

 

Maureen Clare Murphy et Ali Abunimah, 12 mai 2023

Les efforts en vue d’un cessez-le-feu sont restés dans une impasse, ce vendredi, puisqu’Israël a quitté – temporairement, du moins – les pourparlers dirigés par les Égyptiens, après que l’organisation de résistance du Djihad islamique a tiré depuis Gaza des roquettes en direction de la région de Jérusalem, rompant ainsi une accalmie qui avait duré 13 heures.

Alors que la journée de vendredi touchait à sa fin, l’armée israélienne se préparait au lancement de roquettes à longue portée en provenance de Gaza, suite à l’assassinat du sixième dirigeant du Djihad islamique depuis mardi.

Il semble que le Djihad islamique ait adopté une approche en douceur de la dernière escalade entamée par Israël mais qui, insiste la résistance, se terminera selon ses propres termes.

Cette innovation tactique, qu’elle soit imposée par la nécessité ou décidée intentionnellement, semble tenir le camp israélien dans l’expectative suite aux pressions internationales en coulisse afin que soit mis un terme à la toute dernière vague de tirs transfrontaliers.

Tout en faisant des déclarations sur l’unité de la résistance à Gaza, le Hamas continue d’attendre sur le côté, malgré les appels de certaines personnes frustrées de Gaza, qui voudraient le voir se joindre aux combats.

Un important facteur expliquant les réticences du Hamas est qu’il est probablement conscient que son engagement déclencherait une escalade dont il serait bien plus malaisé de s’extirper alors qu’en premier lieu il ne visait pas du tout ce genre d’escalade.

Le Hamas est très certainement sensible aussi à la réalité de ce que le système des soins de santé de Gaza, déjà aux abois, lutte pour faire face au nombre actuel de pertes en vies humaines et à l’impact humanitaire très sévère de la fermeture par Israël des principaux passages d’accès et de sortie du territoire.

Israël semble également très désireux d’éviter l’entrée en lice du Hamas, puisque son porte-parole militaire a dit vendredi que le parti politique islamiste

« n’est pas impliqué dans les combats et ne fournit pas d’assistance logistique. Nous nous concentrons sur le Djihad [islamique] ».

Il s’agit d’un changement de ton remarquable, de la part d’Israël qui, habituellement, insiste pour dire que le Hamas est responsable de tout ce qui se passe à Gaza.

Les organisations de résistance palestiniennes, qui ont insisté à diverses reprises sur leur unité dans la stratégie et le processus décisionnel, peuvent envisager de pouvoir atteindre des réalisations concrètes en forçant Israël à faire des concessions en échange d’un cessez-le-feu – sans en arriver à un conflit élargi même plus coûteux encore.

 

Le dilemme de Netanyahou

L’escalade a été lancée par Israël, mais il semble bien que le Premier ministre Benjamin Netanyahou ne voie pas d’échappatoire au gâchis qu’il a créé lui-même.

Netanyahou est incapable de répondre en même temps aux exigences de son ministre d’extrême droite de la sécurité publique, Itamar Ben-Gvir, d’une part, et du Djihad islamique à Gaza, d’autre part.

L’organisation de résistance demande que soit mis un terme à la politique rénovée d’assassinat des dirigeants de la résistance – rénovée par Netanyahou qui a capitulé face à Ben-Gvir afin de préserver sa fragile coalition au pouvoir.

Les conditions du Djihad islamique concernant un cessez-le-feu comprennent également le transfert du corps de Khader Adnan, le prisonnier politique palestinien décédé un peu plus tôt ce mois-ci à l’issue d’une très longue grève de la faim, et l’annulation de l’annuelle « Marche aux drapeaux » ultranationaliste d’Israël, la semaine prochaine, à Jérusalem.

Netanyahou et son ministre de la Défense, Yoav Galant, ont prononcé un discours en public, cette semaine, disant qu’Israël avait atteint ses objectifs militaires à Gaza.

Mais ce message doit paraître creux au public israélien après qu’on lui a promis de porter des coups dévastateurs à la capacité de la résistance lors de chaque épisode de confrontation directe, qui se produit sur une base de plus en plus fréquente, et qui n’aboutit qu’à une chose, c’est qu’à l’issue de chaque opération, les organisations armées de Gaza tirent davantage de projectiles encore et à portée de plus en plus grande.

Amos Harel, un journaliste du quotidien de Tel-Aviv Haaretz, s’interrogeait :

« Israël a mené pas moins de quinze opérations militaires contre la bande de Gaza depuis qu’il s’est désengagé de l’enclave en 2005. Qu’ont donc rapporté toutes ces campagnes, depuis ‘Première Pluie’ à ‘Gardien des Murs’ ? »

Et Harel d’ajouter que

« le public israélien ne semble aucunement gagné par l’excitation hyperbolique [de Netanyahou] (…) Si les opérations avaient vraiment été des réussites, nous n’aurions pas besoin d’en avoir une chaque année en moyenne, à des intervalles de plus en plus courts ces quelques dernières années ».

De même, Alon Pinkas, un ancien haut diplomate, s’est interrogé :

« Combien de fois peut-on infliger ‘un coup sans précédent dont elles pourraient ne jamais se relever’ à ces organisations terroristes, s’il faut recommencer l’opération 18 mois plus tard ? »

Sans aucun doute, Israël retient son immense capacité militaire à semer la mort et la destruction. Mais, comme semblent l’accepter ces commentateurs, sa capacité à imposer sa volonté politique par la force s’érode, dans un environnement régional et géopolitique qui se transforme rapidement.

Vendredi, dans un discours télévisé, Hasan Nasrallah, le chef de la formidable organisation de résistance libanaise du Hezbollah, a loué la performance et l’unité de la résistance palestinienne au cours de l’actuelle confrontation.

« Netanyahou ne peut mentir à la société israélienne en disant qu’il a restauré la dissuasion, puisque la résistance à Gaza reste forte et qu’elle a contrecarré le but de l’ennemi, qui était précisément de restaurer la dissuasion »,

a déclaré Nasrallah.

« La bataille de Gaza est importante et ses effets ne se limitent pas à l’enclave, mais s’étendent plutôt à toute la région »,

a ajouté Nasrallah.

Il a ensuite déclaré que le Hezbollah était en contact permanent avec la résistance palestinienne et qu’il

« n’hésiterait pas à fournir de l’assistance à tout moment si une telle responsabilité s’imposait ».

Ces commentaires sont susceptibles de secouer les nerfs, du côté des dirigeants israéliens.

Alors qu’Israël refuse d’accepter les revendications de la résistance, il a fait part à plusieurs reprises ces derniers jours de son ardent désir de mettre fin à l’escalade qu’il a lui-même enclenchée – mais avec une trêve établie selon ses propres conditions.

Le mois dernier, le ministre de la Défense Yoav Galant a cité une raison clé de ce désir : la probabilité de voir une importante escalade dans une région se muer rapidement en une guerre sur plusieurs fronts.

« C’est la fin de l’époque des conflits limités »,

a déclaré Galant.

« Nous sommes confrontés à une nouvelle ère sécuritaire dans laquelle il pourrait très bien y avoir une menace réelle dans toutes les arènes en même temps. »

Pour Tel-Aviv, la pire menace est le Hezbollah, qui avait humilié l’armée israélienne lorsqu’elle avait envahi le Liban en 2006.

À l’instar des organisations de la résistance armée palestinienne, le Hezbollah est soutenu par l’Iran, de plus en plus confiant en lui-même grâce à ses grandes capacités technologiques.

« L’Iran est la force motrice dans la convergence des arènes »,

a déclaré Galant.

« Il transfère des ressources, une idéologie, des connaissances et des formations »

vers les organisations de résistance, a-t-il ajouté.

Il s’avère que c’est la même crainte qui motive les pressions américaines sur Israël afin qu’il mette un terme à l’escalade actuelle.

« L’administration Biden est inquiète de ce que les combats à Gaza puissent s’étendre en un conflit à fronts multiples comprenant des lancements de missiles sur Israël à partir du Liban ou de la Syrie, comme cela est arrivé le mois dernier »,

a rapporté jeudi le quotidien de Tel-Aviv, Haaretz.


« Futilité »

Les 20 dernières années ont prouvé qu’il n’y avait pas de solution militaire pour Israël à Gaza et que cela a été de la folie que de rejeter les propositions répétées du Hamas en faveur d’une trêve à long terme soumise à la condition de la levée du siège imposé au territoires ainsi qu’à d’autres conditions.

Vu cet échec, c’est de « futilité » que certains observateurs plus sobres d’Israël ont qualifié la dernière escalade – un « préambule de la prochaine vague de combats », a estimé Alon Pinkas.

En effet, le Djihad islamique a tiré près de 1 000 roquettes sur Israël en réponse à l’assassinat de trois de ses dirigeants jeudi à l’aube. Les sirènes contre les raids aériens ont envoyé les résidents dans les abris de Tel-Aviv et de la zone de Jérusalem, ainsi que dans ceux des communautés plus proches de Gaza.

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Vendredi, l’armée israélienne a déclaré que plus de la moitié des 750 roquettes qui avaient franchi la frontière de Gaza avaient été interceptées par son système de défense antimissile. Près de 200 roquettes défectueuses étaient retombées à l’intérieur de l’enclave, d’après l’armée, qui a ajouté qu’elle avait frappé environ 250 « sites appartenant au Djihad islamique », encore que, une fois de plus, ce soient des immeubles résidentiels qui semblent bien avoir été les principales cibles des bombardements.

12 mai. Des Palestiniens évacuent une personne blessée après qu’un immeuble à appartements a été ciblé par Israël à Gaza.

12 mai. Des Palestiniens évacuent une personne blessée après qu’un immeuble à appartements a été ciblé par Israël à Gaza. (Photo : Atia Darwish / APA images)

 

Iyad al-Hassani, un commandant militaire du Djihad islamique tué vendredi lors d’une frappe aérienne contre un immeuble résidentiel de Gaza, est la sixième personnalité importante de l’organisation à être assassinée depuis mardi.

Al-Hassani avait remplacé, paraît-il, Khalil al-Bahtini, tué en même temps que sa femme et leur fillette de 4 ans lors du bombardement surprise d’Israël mardi à l’aube. Deux sœurs âgées de 19 et 17 ans, qui vivaient dans une maison voisine, avaient été tuées au cours de la même frappe que celle qui avait tué la famille al-Bahtini.

Le Centre palestinien pour les droits humains (CPDH) a déclaré vendredi après-midi, heure de Gaza, que six Palestiniens avaient été tués dans le territoire ce jour-là et que tous étaient membres d’organisations armées.

L’organisation de défense des droits a expliqué que, des 31 Palestiniens tués entre mardi matin et le moment de rédiger ce rapport, 15 étaient des civils, dont six enfants et quatre femmes. Parmi certaines des personnes tuées figurent probablement celles qui ont été blessées suite aux projectiles tirés depuis Gaza et qui sont retombés bien avant d’atteindre leurs cibles en Israël.

L’UNRWA, l’agence de l’ONU, a déclaré qu’au moins 11 des tués depuis mardi étaient des réfugiés.

Plus de 100 Palestiniens à Gaza ont été blessés. Parmi eux, 32 enfants et 17 femmes.

Une femme de 80 ans tuée jeudi par un tir de roquette palestinienne depuis Gaza est la seule victime mortelle en Israël jusqu’à présent. Israël a déclaré que la femme était morte après qu’une défectuosité technique avait empêché son système d’interception des missiles de toucher la roquette qui avait frappé sa maison à Rehovot, près de Tel-Aviv.

Des personnes en deuil assistent aux funérailles d’Abdelhalim Najjar, 22 ans, tué lors d’une frappe d' Israël à Jabaliya, dans le nord de Gaza

Des personnes en deuil assistent aux funérailles d’Abdelhalim Najjar, 22 ans, tué lors d’une frappe israélienne à Jabaliya, dans le nord de Gaza (Photo : Atia Darwish / APA)

Après l’assassinat, jeudi après-midi, du dirigeant du Djihad islamique Ahmad Abu Daqqa à Khan Younis, un bombardement israélien à l’est de Gaza a tué Hussein Yousif Dalloul, 23 ans, et Muhammad Suleiman Dader, 31 ans, tous deux membres de la résistance armée.

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Jeudi soir, un missile israélien a tué un autre Palestinien, Abdelhalim Jawdat al-Najjar, 22 ans, à l’est de Jabaliya, dans le nord de l’enclave. Un autre homme, Elayyan Ata Abu Wadi, 38 ans, est mort vendredi matin des blessures subies au cours de la même frappe.

Le membre de la résistance Udai Riyad al-Louh, 25 ans, a été tué par une frappe de drone israélien dans le centre de Gaza au cours de la même nuit.

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Israël a détruit 13 maisons depuis mardi et en a endommagé des centaines d’autres, estime Al Mezan, une organisation des droits humains installée à Gaza.

 

La crise du carburant

Pendant ce temps, l’impact humanitaire de la fermeture par Israël des passages de Gaza s’est encore durci, en empêchant des patients d’avoir accès à des traitements médicaux en dehors du territoire et en réduisant plus encore la fourniture d’électricité de la seule centrale électrique de l’enclave en raison d’un blocage des importations de carburant.

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Le blocage de l’entrée du carburant à Gaza menace de mettre complètement à l’arrêt la centrale électrique,

« mettant ainsi en danger la continuité des services élémentaires, tels les soins médicaux et la livraison d’eau potable aux familles »,

a déclaré Al Mezan.

Même lorsque la centrale électrique fonctionnait à capacité réduite, les services de santé à Gaza

« luttaient pour faire face à l’afflux de blessés en pleine pénurie chronique de médicaments essentiels et autres fournitures »,

en raison des 16 années du blocus imposé par Israël, a expliqué vendredi l’ONG britannique Medical Aid for Palestinians.

L’ONG a ajouté que la fermeture par Israël du check-point d’Erez dans le nord de Gaza depuis mardi avait empêché près de 450 patients, dont la plupart traités pour des cancers, d’accéder aux hôpitaux en Israël et en Cisjordanie.

« Vingt-sept de ces patients ont absolument besoin d’un traitement censé les maintenir en vie »,

a ajouté Medical Aid for Palestinians.

Certains patients ratent des rendez-vous pour des soins médicaux indisponibles à Gaza suite à des années de retard dans les permis provoqués par les autorités israéliennes.

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Jeudi, Al Mezan et trois autres organisations des droits humains installées en Israël, ont adressé un appel aux autorités israéliennes afin qu’elles cessent de nuire à la population civile de Gaza et qu’elles rouvrent immédiatement les check-points d’Erez et de Kerem Shalom, afin de permettre le mouvement des personnes et des marchandises.

« Du fait que Kerem Shalom reste fermé, les denrées de base ne sont plus entrées à Gaza depuis trois jours d’affilée »,

ont déclaré les organisations.

« Israël a enfreint de façon flagrante les lois internationales en attaquant des civils et des maisons, en empêchant le mouvement des personnes, dont des patients médicaux, et en bloquant la livraison de marchandises essentielles, ce qui a donné naissance à une suspicion de crimes de guerre »,

ont ajouté les organisations.

« Et tout cela s’est fait dans une impunité pour ainsi dire totale. »

 

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Maureen Clare Murphy est rédactrice en chef de The Electronic Intifada.

                                        

 

 

Ali Abunimah, cofondateur et directeur exécutif de The Electronic Intifada, est l’auteur de The Battle for Justice in Palestine, paru chez Haymarket Books.

Il a aussi écrit : One Country : A Bold Proposal to end the Israeli-Palestinian Impasse

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Publié le 12 mai 2023 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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