Ce sont les colons qui portent le coup final de l’État

Les colons et l’État ne font qu’un, en travaillant la main dans la main pour coloniser la terre palestinienne.

 

1er août. Les soldats israéliens aux prises avec des Palestiniens protestant contre les colons qui ont dressé des tentes sur leurs terres du village de Halhul, près d’Hébron, en Cisjordanie occupée.

1er août. Les soldats israéliens aux prises avec des Palestiniens protestant contre les colons qui ont dressé des tentes sur leurs terres du village de Halhul, près d’Hébron, en Cisjordanie occupée. (Photo : Mamoun Wazwaz / APA images)

 

Maureen Clare Murphy, 14 août 2023

« Je suis le gouvernement, je suis l’État, je suis la police et l’armée »,

affirmait un colon juif armé alors qu’il occupait la maison d’un éleveur de moutons palestinien un peu plus tôt, ce mois-ci.

L’allégation du colon, aussi répugnante soit-elle, reflète la vérité : Les colons et l’État ne font qu’un, en travaillant la main dans la main pour coloniser la terre palestinienne.

L’État ne peut faire progresser son objectif qu’est le contrôle total entre le Jourdain et la Méditerranée sans que les colons ne terrorisent les Palestiniens jusqu’au moment où ils fuiront leur terre.

Quelques jours après que le colon armé susmentionné s’était trouvé dans la maison de Muhammad Hassan Abu al-Kabash, la communauté des bergers avait démantelé son campement à al-Qabun, au nord-est de Ramallah, le siège de l’Autorité palestinienne en Cisjordanie occupée.

Une douzaine de familles avaient vécu à al-Qabun pendant plus de vingt ans avant que les colons n’arrivent en février « et ne se mettent à nous créer des ennuis », explique Abu al-Kabash.

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Les colons ont soumis la communauté pastorale à des mois de harcèlement en

« déambulant autour de leurs habitations, en arrivant à dos de cheval ou avec des tracteurs tard la nuit afin de provoquer et d’intimider les familles »,

affirme B’Tselem, une organisation israélienne de défense des droits humains.

« Les colons se sont aussi emparés des champs des fermes de la communauté et ont empêché les bergers de faire paître leurs troupeaux sur leurs propres terres »,

ajoute B’Tselem.

 

Forcés de s’en aller

Mis dans l’impossibilité de travailler et craignant pour leur sécurité, les membres de la communauté ont été forcés de quitter leur terre, comme l’ont fait plusieurs autres communautés rurales en Cisjordanie ces derniers mois.

Des dizaines d’autres communautés d’élevage sont

« directement affectées par une recrudescence de la violence des colons israéliens et par les mesures adoptées par les autorités israéliennes »,

explique l’OCHA, l’organisation de contrôle des Nations unies.

« Dans les six premiers mois de 2023, l’ONU a répertorié 591 incidents impliquant des colons et se traduisant du côté palestinien par des pertes en vies humaines ou des dégâts aux propriétés, ou les deux à la fois »,

a déclaré l’OCHA.

« C’est une augmentation de 39 pour 100 de la moyenne mensuelle par rapport à 2022, une année durant laquelle on avait rapporté le nombre le plus élevé d’incidents impliquant des colons depuis 2006, c’est-à-dire l’année où l’ONU s’est mise à enregistrer ces données. »

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La déportation de communautés due à un environnement coercitif équivaut à un transfert forcé – « une infraction grave à la Quatrième Convention de Genève et, partant, un crime de guerre », estime l’OCHA.

B’Tselem déclare que les mesures israéliennes

« imposent des conditions impossibles aux résidents locaux afin de les pousser à s’en aller, préparant ainsi la voie vers l’accaparement de leurs terres et leur transfert dans des mains juives ».

Interdire aux Palestiniens de construire des maisons et des infrastructures, tout en permettant et finançant des colonies dont les résidents agressent les Palestiniens, constitue des mesures « visant à maintenir, sauvegarder et renforcer la suprématie juive », ajoute B’Tselem.

 

Recrudescence de la violence des colons

Depuis le début de l’année, près de 500 Palestiniens – dont plus d’une moitié d’enfants – ont été transférés de force en raison de la violence des colons et du manque d’accès à des terres de pâturage, estime l’OCHA.

Pendant ce temps, au cours des six premiers mois de 2023, Israël a hâté l’approbation de près de 13 000 unités de peuplement en Cisjordanie – « un chiffre record », a déclaré en juillet Peace Now, une association qui tient le peuplement à l’œil.

Ce n’est pas un hasard si c’est l’année au chiffre le plus élevé jamais enregistré pour la progression des unités de peuplement et des attaques de colons contre les Palestiniens et leurs propriétés.

Certaines de ses attaques ont été meurtrières.

L’actuel gouvernement israélien dirigé par Benjamin Netanyahou a accru la violence structurelle nécessaire à la création et au maintien d’un État juif en Palestine.

Les principes qui guident le gouvernement commencent par l’affirmation que « le peuple juif a un droit exclusif et incontestable sur toutes les régions de la terre d’Israël ».

C’est l’évolution naturelle d’une situation d’impunité qui a permis la colonisation rampante de la terre cisjordanienne, en violation manifeste des lois internationales, après la signature des accords d’Oslo par Israël et par l’Organisation de libération de la Palestine au milieu des années 1990.

Dans les années qui ont suivi, le prétexte du prétendu processus de paix a fourni à Israël une couverture pour consolider son contrôle et rendre permanente son occupation militaire en arguant de mesures de sécurité temporaires.

Les précédents gouvernements israéliens ont fait des efforts en vue de sauvegarder l’impression que l’État était d’une façon ou d’une autre séparé de l’entreprise de peuplement des terres palestiniennes et syriennes occupées, alors qu’en réalité, à peu près chaque facette de l’État, y compris la justice pour l’instant en difficulté, est impliquée dans le projet de colonisation.

 

Sans défense

Par contre, l’actuel gouvernement est transparent à propos de ses desseins maximalistes concernant la terre palestinienne et son soutien de la violence, tant des colons que de l’État, requise pour accomplir le « grand but » d’Israël, c’est-à-dire, pour reprendre les termes du ministre kahaniste de la sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir, « la terre d’Israël pour le peuple d’Israël ».

Plus tôt ce mois-ci, Ben-Gvir avait encensé comme « héros » les colons soupçonnés d’avoir tué Qusai Jamal Mutan à Burqa, une petite ville près de Ramallah, et avait dépeint cet acte de violence comme de l’autodéfense.

En attendant, il n’est pas permis aux Palestiniens de se défendre contre les attaques des colons telles celles que célèbre Ben Gvir, des attaques de provocation et de harcèlement sous la protection de l’armée.

Comme l’explique la journaliste israélienne Amira Hass,

« il n’est pas permis aux Palestiniens de se servir d’armes pour se défendre, ni de pierres ni de bâtons, et il ne leur est pas permis non plus de se précipiter pour la défense d’autres personnes ».

L’interdiction est imposée et appliquée par l’armée

« dans une atmosphère de suprématie juive (…) une matrice complexe dont chaque composante est liée à une autre et maintient le tout en place »,

déclare Amira Hass.

À l’instar des bergers d’al-Qabun, les Palestiniens savent qu’il n’y a pas grand-chose qui puisse les protéger des colons et de l’État, qui travaillent ensemble pour les dépouiller de leur terre et de leur mode de vie.

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Maureen Clare Murphy est rédactrice en chef de The Electronic Intifada.

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Publié le 14 août 2023 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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