Israël furieux que la captive âgée ait parlé de traitement humain de la part du Hamas

Les responsables de la propagande israélienne sont passablement perturbés, paraît-il, parce que Yocheved Lifshitz, une vieille dame israélienne a déclaré qu’elle avait été traitée correctement durant ses deux semaines de détention par le Hamas à Gaza.

 

Yocheved Lifshitz, une vieille dame israélienne a déclaré qu’elle avait été traitée correctement durant ses deux semaines de détention par le Hamas à Gaza.

Yocheved Lifshitz

 

 

Ali Abunimah, 24 octobre 2023

 

 

« J’entends des critiques émanant de sources qui traitaient de la hasbara  ces derniers jours. Le fait qu’on a permis à Yocheved Lifshitz de faire une déclaration dans une émission en direct était une erreur »,

a tweeté ce mardi Amichai Stein, un journaliste de Kan, le diffuseur national israélien.

« On n’est pas certain que l’on ait eu au préalable une discussion sur le sujet et qu’on ne soit posé toutes les questions. »

Hasbara est le mot hébreu utilisé pour décrire les efforts de propagande de l’État.

Yocheved Lifshitz, 85 ans, est l’une des deux Israéliennes remises lundi soir à la Croix-Rouge à la frontière de Rafah avec l’Égypte.

Le Hamas explique qu’un peu plus tôt, Israël avait refusé de reprendre les deux femmes.

Une vidéo diffusée par l’aile militaire du Hamas, les Brigades Qassam, montre certaines parties de la remise des otages. Juste avant de passer du côté de la Croix-Rouge, Y. Lifshitz s’arrête un instant, se retourne, saisit la main d’un des combattants de Qassam et lui dit « shalom ».

 

Interrogée mardi sur le pourquoi de cette action lors d’une conférence de presse à l’hôpital Ichilov de Tel-Aviv, Y. Lifshitz a déclaré : « Ils nous ont traités gentiment, ils nous ont procuré tout ce dont nous avions besoin. »

 

Nourriture et soins médicaux

Lifshitz a décrit sa capture initiale au kibboutz Nir Oz, une colonie israélienne près de Gaza, comme une épreuve effrayante.

« J’ai traversé l’enfer, quelque chose que des êtres humains n’infligeraient pas à d’autres, je pense »,

dit-elle dans la vidéo d’Al Jazeera postée au début de cet article.

« Je n’ai jamais connu quelque chose de pareil dans ma vie. »

« Ils sont arrivés au kibboutz et nous ont kidnappés pour nous emmener dans les champs avoisinants »,

rappelle Y. Lifshitz.

« Les jeunes hommes m’ont battue et m’ont blessée et ils m’ont pris ma montre et mes bijoux. Ils roulaient à moto et nous ont emmenés à l’entrée d’un tunnel. »

 

Mais, une fois arrivée à Gaza en compagnie d’autres Israéliens, la situation s’est améliorée.

« Quand ils sont arrivés, ils nous ont dit qu’ils croyaient au Coran et qu’ils ne nous feraient aucun mal »,

dit Y. Lifshitz de ses ravisseurs.

Elle explique avoir été emmenée dans « une toile d’araignée » de tunnels.

« Nous avons marché dans les tunnels et avons atteint une grande salle dans laquelle une vingtaine de personnes étaient rassemblées »,

dit-elle.

« Puis ils nous ont séparés et ont emmené un groupe dans une autre pièce. Il y avait un médecin avec nous, un autre est venu tous les trois jours, et une infirmière qui nous examinait et nous donnait les mêmes médicaments que nous prenons chez nous. »

« Ils nous ont procuré tout ce dont nous avions besoin et ils avaient peur que des maladies se répandent »,

ajoute-t-elle.

« Ils étaient également très aimables et partageaient leur nourriture avec nous. »

 

La vérité est incompatible

« La conférence de presse avec la description extensive et répétée par Y. Lifshitz des soins qu’elles et les autres otages ont reçus en captivité a été rapidement critiquée par certains professionnels et commentateurs israéliens des relations publiques qui ont vu là un grave faux pas israélien et une victoire de propagande pour le Hamas »,

s’est plaint amèrement The Times of Israel.

On comprend pourquoi le témoignage d’Y. Lifshitz a irrité les responsables israéliens et même certains journalistes : le message du gouvernement israélien, « Hamas = Daech », utilisé pour justifier le génocide israélien en cours à Gaza, dépend de la description des Palestiniens comme des bêtes démoniaques incapables de la moindre empathie.

 

Mais la mention par Y. Lifshitz du traitement humain – malgré les circonstances générales de sa captivité – n’est que le plus récent exemple d’un nombre croissant d’Israéliens parlant de ce genre d’expériences.

Selon le point de vue israélien, la vérité qui veut que les combattants palestiniens ne se sont pas mis tout de suite à tuer chaque Israélien qu’ils rencontraient n’est pas compatible avec le discours général.

 

Une Israélienne parle de son expérience avec les combattants du Hamas. (MEE)

Pendant ce temps, Israël a diffusé une propagande absolument dénuée de preuves sur les atrocités, y compris le fameux bobard, totalement démenti depuis, qui prétendait que les combattants du Hamas avaient décapité des douzaines de bébés juifs.

Il y a par contre de plus en plus de preuves que de nombreux civils israéliens ont été tués par les forces israéliennes qui ont attaqué sans discrimination aucune les combattants palestiniens et ces mêmes civils israéliens, prenant ainsi à leur compte une bonne partie des quelque 1 300 tués qu’a provoqués, selon Israël, l’offensive du Hamas.

La pleine vérité sur ce qui s’est passé le 7 octobre ou après pourrait être établie par une enquête indépendante, une chose que, très vraisemblablement, Israël ne permettrait jamais.

 

Les deux femmes sont « en bonne santé »

L’autre femme libérée lundi soir, en même temps que Yocheved Lifshitz, s’appelle Nurit Cooper, 79 ans, elle n’a pas fait de déclaration. On dit toutefois que les deux femmes étaient en bonne santé.

Leurs maris, Amiram Cooper, 84 ans, et Oded Lifshitz, 83 ans, font partie des 200 non-combattants israéliens et étrangers et membres du personnel militaire israélien toujours détenus à Gaza suite à leur capture lors de l’offensive du Hamas le 7 octobre et dans les jours qui ont suivi.

Saleh al-Arouri, un important responsable du Hamas, a déclaré que de nombreux civils avaient été amenés à Gaza depuis Israël, non pas par les combattants de Qassam, mais par des civils palestiniens qui avaient franchi la clôture frontalière alors que les défenses israéliennes s’étaient effondrées plus rapidement que prévu.

Hamas a déclaré qu’il prévoyait de relâcher tous les civils détenus quand les circonstances le permettraient.

Vendredi dernier, le Hamas avait relâché deux Américaines, une mère et sa fille, et c’étaient les deux premières civiles à rentrer de Gaza chez elles.

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Ali Abunimah, cofondateur et directeur exécutif de The Electronic Intifada, est l’auteur de The Battle for Justice in Palestine, paru chez Haymarket Books.

Il a aussi écrit : One Country : A Bold Proposal to end the Israeli-Palestinian Impasse

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Publié le 25 octobre 2023 sur The ElectronicIntifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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