Gaza : Plus d’un million de personnes dans des refuges

Pluies et vents se sont intensifiés dans la bande de Gaza depuis le 17 novembre. Les Palestiniens affrontent l’entrée de l’hiver sans vêtements, couvertures et abris décents.

 

27 novembre 2023. Des familles palestiniennes qui avaient rallié le voisinage de l’hôpital des Martyrs d’al-Aqsa en raison des attaques israéliennes doivent affronter des conditions météorologiques déplorables sous les tentes qu’elles ont montées de bric et de broc à Deir al-Balah, Gaza.

27 novembre 2023. Des familles palestiniennes qui avaient rallié le voisinage de l’hôpital des Martyrs d’al-Aqsa en raison des attaques israéliennes doivent affronter des conditions météorologiques déplorables sous les tentes qu’elles ont montées de bric et de broc à Deir al-Balah, Gaza. (Photo : Bashar Taleb / APA Images)

 

Amjad Ayman Yaghi, 27 novembre 2023

Le sentiment de peur est des plus palpables.

Malgré la trêve, les Palestiniens de Gaza ne peuvent retourner dans des maisons qui n’existent plus ni récupérer des biens qui ont été incinérés.

Les personnes déplacées continuent de surpeupler les refuges. Pas uniquement les écoles, mais les moindres espaces clos dans le sud de Gaza : boutiques, immeubles de bureaux et entrepôts.

À l’approche de l’hiver, les Palestiniens déplacés à Gaza désespèrent de pouvoir s’abriter du froid.

Iman al-Najjar, 39 ans, a été traumatisée par les lourdes pluies du 19 novembre.

Elle s’était abritée avec son mari, sa belle-mère et ses trois enfants dans le quartier de Tel Sultan, à Rafah, dans l’École des filles de Rafah, qui est gérée par l’UNRWA, l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens.

Après quelques heures de pluie, le toit de leur tente s’est effondré et l’eau a dégouliné partout dans la tente.

Quatre autres familles ont dû affronter les mêmes inondations. Toutes se sont réfugiées à l’intérieur de l’école, dans un couloir à l’arrière.

Iman al-Najjar n’avait pas de vêtements de rechange, ni pour elle, ni pour ses trois enfants.

La famille al-Najjar a été déplacée du quartier de Tel al-Hawa, à Gaza, le 25 octobre, après que les bombardements de la zone par Israël s’étaient intensifiés. La famille avait quitté sa maison sans pratiquement rien emporter et ne savait même pas où elle allait se rendre.

Tous ont parcouru à pied une dizaine de kilomètres vers Rafah, jusqu’au moment où un camion les a pris en charge.

Maintenant, à l’école, à Rafah, ils ont attendu des heures que l’intérieur de la tente sèche.

« Le froid s’intensifie toujours chaque soir à l’intérieur de la tente »,

dit-elle.

« Je me suis assise, j’ai regardé mes enfants et je me suis mise à pleurer, nous n’avons ni literie ni vêtements. »

Elle explique que chaque soir, ils organisent un « cercle de famille » et que

« chaque famille y rassemble ses enfants afin qu’ils aient un peu de chaleur ».

« Chaque matin, les enfants pleurent de froid », dit-elle.

« Mon fils Adam [5 ans] a eu la diarrhée pendant deux jours à cause de la pénurie d’eau et à cause du froid. »

Dix membres de la famille al-Najjar, y compris la mère d’Iman et quatre de ses frères et sœurs, ont été tués au cours des attaques israéliennes.

« Je ne puis donner libre cours à mon chagrin ni penser à tout cela en devant affronter ce froid », dit-elle. « Désormais, nous restons à l’intérieur de l’école de l’UNRWA et nous attendons l’aménagement du centre de refuge afin d’y trouver une place pour nous. »

 

« Tous, nous avons froid »

Ahmed Soboh, 50 ans, s’est réfugié dans la même école que la famille al-Najjar. Cela fait trois semaines qu’il a été déplacé en compagnie de sa famille depuis le camp de réfugiés de Jabaliya, dans le nord de la bande de Gaza.

Sa tente s’est écroulée deux fois, ces quelques derniers jours, à cause du grand vent.

Il a six enfants et sept petits-enfants, et tous ont un impérieux besoin de vêtements d’hiver, d’autant plus que les vêtements qu’ils portent pour l’instant sont pratiquement en lambeaux.

« Je n’ai pas de chaussettes et même ces sandales, qui ne me protègent pas du froid, sont complètement éculées »,

dit-il.

« Tous, nous avons froid. »

Ils remplissent des bouteilles d’eau de pluie, mais cela ne les empêche pas d’avoir toujours soif.

 

Tenter de subvenir aux besoins élémentaires

Plus d’un million de Palestiniens déplacés sont actuellement réfugiés dans 156 sites de l’UNRWA dans la bande de Gaza.

La famille Soboh, comme tant d’autres familles déplacées de force par les attaques israéliennes, n’avait pas envisagé qu’elle serait éloignée si longtemps de chez elle. Et elle n’a donc pas emporté de biens essentiels ni de vêtements d’hiver.

Bilal Atwa, 35 ans, n’a même pas eu le temps d’emballer des vêtements pour ses trois enfants quand sa famille a évacué. Ils ont quitté leur maison après le bombardement de la maison de leurs voisins.

Atwa et sa famille sont actuellement réfugiés dans une boutique vide de Khan Younis, en compagnie de 35 autres personnes. Tous ont été déplacés de force le 1er novembre par les attaques israéliennes contre le quartier d’al-Karama, à Gaza.

Quand les températures se sont mises à baisser, les familles ont cherché des vêtements supplémentaires pour avoir plus chaud. Mais les commerçants qui vendent des vêtements de seconde main leur ont dit qu’il y avait pénurie.

Il est malaisé de dormir, à cause du froid, déclare Atwa.

« Je tiens les mains de mes enfants chaque jour dans les miennes jusqu’à ce que cela leur donne un peu de chaleur, ou je les masse un peu de sorte qu’ils puissent sentir la chaleur. »

« Pour la première fois »,

dit-il,

« ma petite fille dit qu’elle a peur, même quand elle est avec moi. »

Tout ce que veut Atwa, c’est tout simplement satisfaire aux besoins élémentaires de ses enfants et les protéger de la faim et du froid.

*****

Amjad Ayman Yaghi est journaliste. Il vit et travaille à Gaza.

*****

Publié le 27 novembre 2023 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

Vous aimerez aussi...