Victoire au tribunal pour les « Huits d’Elbit » qui ont perturbé le commerce d’armes d’Israël

Cette semaine, un jury britannique a livré un verdict de non-culpabilité pour neuf des trente-deux chefs d’accusation imputés à huit activistes – connus sous l’appellation collective des « Huit d’Elbit » – qui protestaient contre Elbit Systems, la plus grosse entreprise privée d’armement d’Israël.

 

Les « Huit d’Elbit » célèbrent une importante victoire contre l’industrie israélienne de l’armement.

Les « Huit d’Elbit » célèbrent une importante victoire contre l’industrie israélienne de l’armement. (Photo : Mohamed Elmaazi)

 

Mohamed Elmaazi, 23 décembre 2023

Deux des accusés ont été acquittés de toutes les charges pesant contre eux, alors que les six autres ont été acquittés de certaines des accusations portées à leur encontre.

Les Huit d’Elbit ont mené leurs actions directes sous la bannière de Palestine Action afin de tenter d’interrompre l’afflux vers Israël de drones et autres équipements militaires.

L’affaire s’est terminée le 22 décembre, à l’issue d’un procès de six semaines qui s’est tenu à la Cour royale de Snaresbrook, à East-London.

Le Service des poursuites de la couronne du Royaume-Uni peut décider de rejuger les accusés sur les charges autour desquelles le jury a été incapable de dégager un verdict. La décision à ce propos est attendue le 18 janvier.

« Comment pouvons-nous être des criminels alors que les perpétrateurs de (…) [ce que] nous qualifions désormais de génocide (…) sont libres d’en tirer profit et que nous allons devoir passer des semaines et des semaines au tribunal pour une action que nous avons entreprise il y a trois ans ? »,

s’interroge Nicola Stickells, une mère de deux enfants qui a été élevée dans une famille de la classe ouvrière dans le comté anglais de Kent.

« Quand vous tentez de lutter pour les droits humains, vous devenez des criminels. Ce n’est pas juste ! »

L’accusation répertoriait 13 chefs séparés qui comprenaient des charges de déprédations criminelles, de violation de propriété dans l’intention de provoquer ces mêmes déprédations (cambriolage), de détention de matériel dans l’intention de provoquer des déprédations criminelles, d’incitation d’autrui à commettre des déprédations criminelles et de menaces de perpétration de dommages criminels.

Aucun des accusés n’était confronté au même nombre de chefs d’accusation.


« Prémonitoires »

« Je ne me sens absolument pas coupable dans aucune de mes actions »,

a déclaré Genevieve Scherer, une travailleuse sociale retraitée de 77 ans, qui a été acquittée des deux chefs d’accusation de cambriolage qui lui étaient imputés.

« Je pense qu’elles étaient vraiment prémonitoires, étant donné les circonstances dans lesquelles nous vivons. »

« La seule raison de l’existence d’une entreprise comme Elbit est de maintenir en place un régime de violation des droits humains, de commettre un génocide contre le peuple palestinien »,

a déclaré Caroline Brouard, une herboriste médicale, qui a été déclarée non coupable de détention de matériel destiné à commettre des déprédations criminelles.

« Il est injustifiable que cette entreprise soit autorisée à manufacturer des armes ici même, au Royaume-Uni. »

La plupart des accusations se concentraient sur les protestations à l’extérieur et à l’intérieur de l’immeuble de bureaux dans lequel est situé le quartier général d’Elbit, dans le centre de Londres. Les accusés avaient aspergé le site à l’aide de ce qu’ils ont décrit comme de la « peinture pour enfants soluble à l’eau », rédigeant au pochoir des messages comme « Fermez Elbit ! » et scandant des slogans du genre « Vos bénéfices sont entachés de sang palestinien ».

D’autres protestations avaient visé des usines appartenant au fabricant d’armes.

« Elbit Systems est en quelque sorte le muscle même qui rend ce génocide possible »,

a déclaré Jocelyn Cooney, qui avait dû quitter son emploi dans un refuge pour sans-abri au Canada pour retourner au Royaume-Uni et comparaître au procès.

« Ainsi donc, j’estime qu’en tant qu’êtres humains, nous avons tous la responsabilité de nous dresser et d’entreprendre des actions directes afin d’empêcher cette entreprise de produire des armes destinées à tuer des êtres humains »,

a-t-elle ajouté.

Jocelyn Cooney a été acquittée de la seule accusation portée contre elle : détention de matériel dans l’intention de commettre des déprédations criminelles.

Outre les neuf acquittements prononcés par le jury, il y a eu quatre acquittements formels dès le départ du procès.

Richard Barnard a été acquitté d’une allégation d’agression après que le ministère public a été incapable de fournir la moindre preuve de la chose.

Robin Refualu, Caroline Brouard et Jocelyn Cooney ont été officiellement acquittés pour un chef d’accusation prétendant qu’ils avaient encouragé d’autres personnes à commettre des déprédations criminelles.

Mardi, Huda Ammori et Richard Barnard – cofondateurs de Palestine Action – ont été unanimement acquittés du premier chef par le jury.

Une précédente accusation, qui comprenait une charge de chantage, a également été annulée par le tribunal dès le début du procès.

Le jury a livré un seul verdict de culpabilité.

Cette unique condamnation a été prononcée contre Richard Barnard et elle concernait une accusation de déprédations criminelles impliquant de la peinture projetée sur le mur d’une usine appartenant à une succursale d’Elbit, Ferranti Technologies. Elbit avait annoncé l’an dernier qu’il avait revendu Ferranti, une usine située à Oldham, dans le comté du Grand Manchester.

Cette annonce était venue après 18 mois d’action directe ininterrompue.

L’un des chefs d’accusation sur lesquels le jury n’a pas été en mesure de se prononcer impliquait une occupation, trois jours durant, de l’usine de drones UAV Engines, d’Elbit, située à Shenstone, près de Birmingham, en septembre 2020.

Cinq membres des Huit d’Elbit étaient accusés de déprédations criminelles en rapport avec leur rôle dans l’occupation de Shenstone.

Une discussion lors d’un podcast de The Electronic Intifada concernant l’occupation de Shenstone et dans laquelle Huda Ammori était apparue, a été diffusée à plusieurs reprises par la partie qui l’a utilisée comme référence.

« Ce procès ne nous concerne pas, il ne concerne même pas Palestine Action, à mon avis »,

a déclaré Robin Refualu, dont la mère est hollandaise et dont le père est venu en Europe comme réfugié des Moluques, après sa naissance sur un navire lors de la Seconde Guerre mondiale.

« Cela concerne ce qui se passe à Gaza en ce moment et sur ce qui s’est passé en Palestine au cours des 75 dernières années. »

« Je souhaite qu’il y ait un verdict [pour toutes les charges], quel qu’il puisse être »,

a ajouté Refualu.

« Mais, de toute façon, quoi que nous ressentions et quel que soit notre sort, ce n’est rien comparé à ce que les Palestiniens endurent quand ils sont pris dans le système des tribunaux militaires de l’oppresseur, c’est-à-dire, de toute évidence, Israël ! »

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Mohamed Elmaazi est journaliste. Il vit et travaille au Royaume-Uni et contribue à de nombreuses publications, dont Jacobin, The Dissenter et Consortium News.

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Publié le 23 décembre 2023 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

 

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