Au Royaume-Uni, le lobby pro-israélien vise une professeure d’université palestinienne
Une université britannique a suspendu une étudiante diplômée et l’empêche de donner cours suite à une campagne de diffamation orchestrée par des partisans d’Israël.
Nora Barrows-Friedman, 22 janvier 2022
Shahd Abusalama, une activiste de longue date qui collabore également à The Electronic Intifada, prépare actuellement un doctorat à l’Université Hallam de Sheffield.
Shahd Abusalama a pas mal écrit sur ses expériences dans la bande de Gaza, où elle est née et a grandi sous l’occupation, le siège et les offensives militaires d’Israël.
Elle a également écrit sur l’horreur de devoir être séparée des membres de sa famille à Gaza au moment où ils vivaient sous les bombardements israéliens en 2014.
La campagne menée contre elle ressemble aux tactiques utilisées l’an dernier contre David Miller, un professeur à l’Université de Bristol.
David Miller a été licencié de son emploi, même après avoir été innocenté de toutes les accusations de racisme antijuif à l’issue de deux enquêtes indépendantes commanditées par l’Université de Bristol.
Shahd Abusalama avait récemment été engagée comme professeure associée à l’Université Hallam de Sheffield, dans le nord de l’Angleterre.
Zionist racist publications/trolls have renewed online #bullying to discredit my academic reputation, protesting my recent appointment as an Associate Lecturer at SHU. Meanwhile, I'm getting creepy emails about people trying to hack my twitter. Don't let them silence #Palestine. pic.twitter.com/hturWy64HG
— Dr. Abusalama (@ShahdAbusalama) January 19, 2022
Elle se préparait à enseigner à sa première classe le 21 janvier quand un administrateur l’a informée, la veille au soir, que son cours était annulé et que ses étudiants en seraient avisés.
L’employé a ajouté qu’une plainte avait déclenché une enquête et qu’en raison des réglementations de l’université, il ne lui serait pas permis d’enseigner tant que l’enquête n’aurait pas livré ses conclusions.
À plusieurs reprises, dans le passé, Shahd Abusalama a déjà subi des attaques d’organisations et publications hostiles aux Palestiniens.
Elle et sa famille sont des réfugiés – des Palestiniens qui ont fait l’objet d’un nettoyage ethnique chez eux, dans ce qui est aujourd’hui Israël, par les milices sionistes en 1948. Comme tous les autres réfugiés palestiniens, ils sont empêchés de retourner dans leurs foyers originaux, du fait qu’ils ne sont pas juifs.
Shahd Abusalama est une militante bien connue des droits palestiniens depuis qu’elle a débarqué au Royaume-Uni comme étudiante.
Elle a été l’une des organisatrices de la campagne contre l’adoption de la définition de l’antisémitisme par l’IHRA, qui confond par erreur les critiques à l’encontre d’Israël et le sectarisme antijuif et, en 2019, elle a également participé à l’organisation du boycott de l’Eurovision.
La définition controversée de l’IHRA est régulièrement utilisée par les lobbys pro-israéliens pour diffamer et censurer les partisans des droits palestiniens.
Shahd Abusalama a déclaré que son activisme dans ces deux campagnes avait été une cible d’attaques par des lobbys et publications pro-israéliens.
Elle a expliqué à The Electronic Intifada que les dernières calomnies avaient débuté en décembre, quand Jewish News et le groupe de lobbying pro-israélien Campagne contre l’antisémitisme l’avaient accusée d’avoir activé la haine à l’égard des juifs.
Précédemment, Joe Glasman, le responsable des « enquêtes politiques » de la Campagne contre l’antisémitisme, s’était arrogé au nom de son organisation le crédit de la défaite électorale du Parti travailliste, en décembre 2019, lorsque le parti était encore dirigé par Jeremy Corbyn. À la suite de cette défaite, Corbyn avait annoncé qu’il allait démissionner de son poste de chef de parti.
« La bête a été liquidée », s’était vanté Joe Glasman dans une vidéo qu’il allait tenter plus tard de supprimer d’Internet. Corbyn avait été « massacré », disait la vidéo.
Fervent supporter des droits palestiniens, Corbyn – et ses partisans de la masse – a été la cible durant de longues années d’une campagne de diffamation l’accusant faussement de sectarisme antijuif.
Glasman avait prétendu que lui et ses associés avaient battu Corbyn par le biais d’une campagne coordonnée recourant à des méthodes qui impliquaient entre autres « nos espions et nos renseignements ».
On peut voir ici la vidéo que Glasman avait tenté d’effacer.
Le chef exécutif de la Campagne contre l’antisémitisme, Gideon Falter, est vice-président du Fonds national juif du Royaume-Uni (JNF UK), qui collecte de l’argent pour les projets israéliens de colonisation en terre palestinienne.
Des comptes rendus sur JNF UK montrent que l’organisation fournit un soutien financier à des campagnes de recrutement en faveur de l’armée israélienne ainsi que d’Ein Prat, un groupe qui met au point des cours de formation destinés à des Nord-Américains désireux de rejoindre cette armée.
Des allégations spécieuses
Ces accusations de mauvaise foi lancées par des partisans du colonialisme de peuplement israélien constituent clairement des tentatives de harceler et d’intimider des activistes et des universitaires comme Shahd Abusalama dans l’intention de les réduire au silence.
Shahd Abusalama a uniquement découvert que l’université avait potentiellement examiné ses messages dans les médias sociaux en lisant les calomnies semées contre elle par la Campagne contre l’antisémitisme et le journal Jewish News.
L’université n’avait pas communiqué avec elle pas plus qu’elle ne lui avait donné l’opportunité de réfuter les allégations diffamatoires à son égard, a-t-elle dit.
Ensuite, le 19 janvier, le Jewish Chronicle, une publication antipalestinienne notoire traînant derrière elle une longue histoire d’esclandres, de calomnies et de diffamations, a adressé un courriel à Shahd Abusalama pour l’informer qu’il prévoyait de publier un article sur sa nomination en tant que professeure.
Le Jewish Chronicle a établi une sélection de ses messages dans les médias sociaux, sélection qu’il prévoyait d’inclure dans son article.
Shahd Abusalama a répondu en expliquant le contexte de chaque message dans les médias sociaux et a ajouté qu’elle comprenait très bien que les intentions de la publication étaient de continuer de la diffamer et de l’intimider afin de protéger Israël de toute critique.
Toutefois, samedi, le Jewish Chronicle n’avait pas encore publié son article.
Légitimation des attaques racistes
On ne sait pas encore clairement qui – ou quelle organisation – a introduit la plainte qui a déclenché sa suspension en tant qu’enseignante. Shahd Abusalama dit que l’université ne lui a pas encore donné la moindre information.
Mais elle a quand même estimé qu’il était honteux que l’université légitime les attaques en traitant la plainte comme si elle était crédible et digne de faire l’objet d’une enquête.
Shahd Abusalama a déclaré qu’elle était choquée
« que l’université s’engage et corresponde avec de telles publications racistes et qu’elle leur ait confirmé qu’elle allait faire une enquête sur moi sans approcher le membre de sa propre communauté d’abord ».
« Les atteintes à la réputation provoquées par des publications racistes de cet acabit constituent davantage une priorité que l’obligation de diligence avec les membres de sa propre communauté »,
a-t-elle ajouté.
Pendant ce temps, des lettres de soutien affluent dans les boîtes de messagerie de l’administration, exigeant que l’université protège l’emploi de Shahd Abusalama et comprenne les motivations racistes et politiques des calomnies.
Et l’University & College Union mobilise pour sa défense.
« Je ne suis pas la première à être visée et je ne serai pas la dernière non plus », a conclu Shahd Abusalama.
« C’est pourquoi la résistance contre ces gens-là est une nécessité incontournable, afin de ne pas les laisser stéréotyper les Palestiniens comme antisémites uniquement parce qu’ils osent rêver de liberté, de justice et d’égalité pour leur peuple. »
°°°°°
Publié le 22 janvier 2022 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine
°°°°°
Répondez à l’appel de Shahd Abusamala
Sur sa page FB, Shahd Abusalama écrit :
Il existe diverses façons d’apporter son soutien, dès à présent :
1- Partager cet article
2- Adresser une lettre de soutien à l’Université Hallam de Sheffield (Hallam University)
. Écrivez-moi si vous avez besoin de savoir comment et à qui adresser vos courriels.
3- Demandez à vos amis et à votre réseau de faire la même chose.
4- Utilisez l’hashtag: #InSupportofShahd (en soutien de Shahd).