Le dirigeant du Hamas Saleh al-Arouri tué dans une frappe à Beyrouth
Mardi soir, Saleh al-Arouri, le chef adjoint du bureau politique du Hamas, a été tué par une frappe dans un quartier résidentiel des faubourgs sud de Beyrouth.
Maureen Clare Murphy, 2 janvier 2024
Deux dirigeants de l’aile armée du Hamas, qui avait été cofondée par al-Arouri, ont également été tués dans ce qui pourrait constituer l’escalade régionale la plus significative depuis l’opération militaire de l’organisation de résistance le 7 octobre.
Les commandants des Brigades Qassam qui ont été tués s’appelaient Samir Fandi et Azzam al-Aqraa. Ont également été tués le cadre du Hamas Mahmoud Shaheen ainsi que Muhammad Bashasha, Muhammad al-Rayes et Ahmad Hamoud.
La guerre de Gaza a déjà pris une dimension régionale avant l’assassinat d’al-Arouri, quand, dimanche, l’armée américaine a attaqué et tué 10 activistes d’Ansar Allah qui tentaient de monter à bord d’un navire cargo. Depuis des semaines, l’organisation rebelle empêche les navires commerciaux internationaux de mettre le cap sur les ports israéliens, et ce, en guise de solidarité avec les Palestiniens sous agression militaire et en état de siège à Gaza.
La semaine dernière, un officier du Corps de la Garde révolutionnaire iranienne, Reza Mousavi, a été assassiné en Syrie. L’Iran a accusé Israël d’être responsable de la mort du proche confident de Qasem Soleimani, qui avait été tué par une frappe aérienne américaine en Irak, au début de l’année 2020.
Dans une déclaration attribuée à Izzat al-Rishq, un membre de son bureau politique, le Hamas a dit que ces « lâches » assassinats
« ne parviendront pas à briser la volonté et la détermination de notre peuple ».
Il ajoutait que l’assassinat ne prouvait qu’une chose : l’incapacité d’Israël à concrétiser le moindre de ses buts dans son agression contre Gaza.
Un responsable de la défense des États-Unis, resté anonyme, a dit au Washington Post qu’Israël, qui n’a pas l’habitude de commenter ses opérations d’assassinat à l’étranger, était responsable d’une frappe qui avait ciblé al-Arouri « et qu’une vérification destinée à savoir s’il avait bien été tué » était en cours.
Mark Regev, le porte-parole du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou avec les médias étrangers, a trébuché dans ses propos lors d’une interview avec la chaîne américaine MSNBC, en cherchant d’éviter qu’Israël revendique la responsabilité tout en défendant en même temps l’opération comme étant une attaque contre le Hamas et non contre le Hezbollah ou contre l’État libanais.
"מי שחיסל זה מי שרצה לפגוע בחמאס": הריאיון של דובר רה"מ אחרי החיסול – והגמגום@ShirazTikva pic.twitter.com/F1L3CfV60J
— כאן חדשות (@kann_news) January 2, 2024
Un risque d’escalade régionale
La semaine dernière, le secrétaire général de l’ONU António Guterres a déclaré qu’il était
« profondément inquiet à propos du « nouveau débordement » des hostilités entre Israël et le Hamas, « lequel pourrait avoir des conséquences dévastatrices pour toute la région ».
Le risque d’une « conflagration régionale élargie » restera tant que la guerre fera rage à Gaza,
« étant donné le risque d’escalade et de mauvais calculs de la part de plusieurs acteurs »,
selon une déclaration attribuée au porte-parole de Guterres.
La frappe meurtrière de Beyrouth a eu lieu le lendemain du jour où la marine de guerre américaine a annoncé que, dans les « prochains jours », le porte-avions USS Gerald R. Ford allait quitter la Méditerranée orientale, où il avait été envoyé suite à l’opération militaire du Hamas du 7 octobre.
Le New York Times, citant la marine, a rapporté qu’
« une force amphibie de trois navires, avec plus de 2 000 marines à bord, allait prendre le relais du Ford en Méditerranée orientale ».
Le chef du Hezbollah, Hasan Nasrallah, qui a prévu de prononcer un discours mercredi pour marquer le quatrième anniversaire de l’assassinat de Soleimani, avait déjà averti en août que le moindre assassinat sur le sol libanais ne serait pas toléré.
La résistance
« ne permettra pas que le Liban devienne le théâtre d’assassinats et nous n’accepterons pas de modifier les règles d’engagement existantes »,
avait déclaré Nasrallah.
« Les Israéliens devraient être très conscients de ce fait. »
Amal Saad, une spécialiste concernant l’organisation de résistance libanaise dirigée par Nasrallah, a déclaré dans les médias sociaux que l’assassinat d’al-Arouri constituait
« une grave escalade qui provoquera des représailles de la part du Hezbollah » et qu’« Israël avant délaissé les actuelles règles d’engagement en frappant Beyrouth ».
Elle a encore dit que la réponse du Hezbollah se situerait probablement en deçà d’une guerre totale et qu’en lieu et place,
« il riposterait sans doute d’une façon qui constituerait une intensification, laquelle égalerait la dimension de l’assassinat israélien et restaurerait l’équilibre de la dissuasion ».
Le Hezbollah prêt pour la guerre, sans toutefois la chercher
La semaine dernière, dans une interview à la BBC, Amal Saad a expliqué que le Hezbollah était prêt pour une guerre totale avec Israël mais qu’il ne la cherchait pas, puisqu’il ne souhaitait pas assister à une répétition des destructions qu’Israël avait infligées au Liban lors de la guerre de 2006.
Yoav Gallant, le ministre israélien de la défense, a averti le Hezbollah au Liban en disant :
« Ce que nous faisons à Gaza, nous pouvons le faire également à Beyrouth. »
En août, Gallant avait menacé de « renvoyer le Liban à l’âge de la pierre » au cours de la moindre confrontation totale avec l’organisation de résistance.
Les responsables de l’administration Biden ont paraît-il été critiques à l’encontre des menaces adressées par Gallant au Hezbollah et ils ont mis en garde Israël contre les tensions à la hausse le long de la frontière libanaise.
Amal Saad a déclaré que la seule façon pour Israël de lancer une guerre totale au Liban serait qu’il ait carte blanche de Washington pour le faire.
« Jusqu’à présent, nous avons vu que l’administration Biden est hésitante, parce que les EU savent pertinemment bien que, si Israël lance une attaque générale contre le Liban, la réponse du Hezbollah va être dévastatrice »,
a ajouté Amal Saad.
Cela impliquerait davantage d’autres acteurs aussi dans une guerre régionale, y compris Ansar Allah au Yémen et des organisations militantes en Irak et en Syrie.
Amal Saad a déclaré qu’Israël escomptait que Washington allait s’en mêler et elle a ajouté :
« C’est la première fois que nous avons vu les EU fonctionner comme co-belligérant dans une guerre d’Israël »
contre ses voisins ou le Hamas.
Netanyahou cherchait une victoire après l’échec de Gaza
L’analyste politique Elijah J. Magnier a déclaré qu’Israël avait assassiné al-Arouri de façon que Netanyahou puisse se vanter d’une victoire, étant donné qu’« il n’est arrivé à rien à Gaza au bout de 88 jours ».
Magnier a expliqué que Netanyahou cherchait à provoquer une réponse de la part du Hezbollah et à étendre la guerre afin de prolonger sa propre carrière politique.
Il a ajouté que Netanyahou cherchait à ramener l’USS Ford en Méditerranée orientale et à dire aux Américains que
« la guerre ne tournait pas autour de la cause palestinienne (…) mais bien autour de l’Iran et de ses alliés ».
L’analyste palestinien Abdel Bari Atwan a déclaré mardi que l’assassinat d’al-Arouri marquait une nouvelle phase de l’agression israélienne à Gaza, d’où Israël a retiré plusieurs brigades après les pertes à la hausse, aussi bien en personnel qu’en matériel roulant.
Atwan a également dit que l’assassinat d’al-Arouri
« reflète la faiblesse, la défaite et la frustration de l’occupation »
et qu’il ne fera que renforcer le Hamas, comme chacun des assassinats qui ont été perpétrés auparavant.
« Les jours à venir pourraient être très difficiles et marquer le commencement de la fin pour l’État occupant »,
a ajouté Atwan.
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Maureen Clare Murphy est rédactrice en chef de The Electronic Intifada.
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Publié le 2 janvier 2024 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine
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