La Cour internationale ordonne à Israël de mettre un terme au génocide de Gaza

Une page d’histoire a été écrite vendredi à La Haye, quand la Cour internationale de justice – avec un panel de juges originaires du monde entier – a réclamé la prévention d’actes génocidaires à Gaza.

26 janvier 2024. Des Palestiniens fuient Camp Younis pour des zones situées plus loin encore dans le sud de la bande de Gaza.

26 janvier 2024. Des Palestiniens fuient Camp Younis pour des zones situées plus loin encore dans le sud de la bande de Gaza. (Photo : Abed Rahim Khatib / DPA)

 

Maureen Clare Murphy, 26 janvier 2024

Raji Sourani, le directeur du Centre palestinien pour les droits humains (CPDH), installé à Gaza, a déclaré que, avec cette décision,

« c’est la première fois que nous voyons Israël tenu responsable de ses crimes devant un tribunal international ».

Répondant aux allégations de génocide exprimées par l’Afrique du Sud, le tribunal suprême de l’ONU a décrété plusieurs mesures provisoires – applicables durant le temps qu’il passera à examiner toute l’affaire.

Il pourrait falloir des années à la cour avant de prendre une décision finale à propos de la plainte pour génocide déposée par l’Afrique du Sud contre Israël.

La décision provisoire a été lue par Joan Donoghue, la présidente de la CIJ, une juriste américaine qui a servi au département d’État des EU sous la présidence de Barack Obama.

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Certains avaient craint que Donoghue ne s’aligne sur l’actuelle position du département d’État américain sous Joe Biden, qui avait été le vice-président d’Obama.

Antony Blinken, l’actuel secrétaire d’État, avait rejeté la plainte de l’Afrique du Sud comme étant « sans mérite » et le porte-parole de la Maison-Blanche pour la sécurité nationale, John Kirby, l’avait qualifiée de « contreproductive et totalement dénuée du moindre fondement factuel ».

Le fait que Donoghue et d’autres juges ont agi indépendamment de leurs gouvernements a été perçu comme un coup de pouce positif à la réputation en lambeaux des lois internationales.

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Des mesures provisoires

Les décisions provisoires de la cour invitent Israël à « prendre toutes les mesures en son pouvoir » pour empêcher les violations des articles de la Convention de Genève, dont il est un État partie.

Ces actes comprennent

« tuer des membres du groupe ; causer de graves préjudices physiques ou mentaux aux membres du groupe ; infliger délibérément au groupe des conditions de vie calculées dans le but de provoquer sa destruction physique en tout ou en partie ; et imposer des mesures visant à empêcher les naissances au sein du groupe ».

Alors que la cour n’a pas réclamé spécifiquement un cessez-le-feu, sa deuxième mesure provisoire dit qu’Israël

« doit faire en sorte, avec effet immédiat, que son armée ne commette pas »

le moindre de ces actes.

L’absence d’un appel explicite au cessez-le-feu a provoqué une amère déception chez les Palestiniens de Gaza, qui attendent désespérément la fin des préjudices irréparables causés par Israël dans sa contre-offensive consécutive à l’opération militaire du Hamas, le 7 octobre dernier.

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Les 2,3 millions de Palestiniens qui vivent à Gaza ont enduré près de quatre mois de bombardements incessants, lesquels ont tué plus de 26 000 personnes et forcé à de multiples reprises le déplacement de la population. Israël a rasé des districts entiers tout en utilisant comme armes de guerre la nourriture, l’eau et autres denrées de base vitales.

L’Afrique du Sud a demandé à la cour d’ordonner à Israël de « suspendre immédiatement ses opérations militaires à et contre Gaza ».

Naledi Pandor, la ministre sud-africaine des Affaires étrangères, a déclaré qu’alors qu’elle avait espéré un cessez-le- feu explicite, la cour en avait effectivement ordonné un.

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« Pour appliquer l’ordre, il faut qu’il y ait un cessez-le-feu », a déclaré Pandor. « Sans cela, l’ordre ne peut fonctionner, en fait. »

De même, les organisations des droits humains et les experts juridiques ont déclaré vendredi que la seule façon pour Israël de se plier à la décision – qui est juridiquement contraignante, bien que la cour soit démunie de pouvoirs d’exécution – serait d’appliquer un cessez-le-feu immédiat.

Shawan Jabarin, le directeur de l’organisation palestinienne de défense des droits humain Al-Haq, a dit que la décision

« constitue un cessez-le-feu de facto, ordonnant à Israël de mettre un terme à ses actes de génocide, dont les tueries, avec effet immédiat ».

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Dans sa troisième mesure provisoire, la cour demande à Israël d’

« empêcher et punir les incitations directes et publiques à commettre un génocide en relation avec »

les Palestiniens à Gaza.

Quatrièmement, les juges demandent qu’Israël

« prenne des mesures immédiates et réelles afin de faciliter la livraison des services élémentaires et de l’assistance humanitaire nécessaires d’urgence ».

La cinquième mesure provisoire, demande à Israël de

« prendre des mesures réelles en vue d’empêcher la destruction et d’assurer la sauvegarde des preuves »

concernant les violations supposées de la Convention sur le génocide.

Enfin, la cour a demandé à Israël de lui soumettre dans un mois un rapport sur la façon dont il aura respecté les mesures provisoires décidées par la cour.

Les juges ont voté à une écrasante majorité en faveur de toutes les mesures provisoires, à l’exception de Julia Sebutinde, de l’Ouganda, qui en est actuellement à son deuxième mandat au tribunal et qui s’est opposée à chacune des décisions.

L’Afrique du Sud et Israël ont désigné chacun un juge censé délibérer autour de l’affaire. Le juge Aharon Barak, désigné par le gouvernement d’Israël, a voté contre quatre des six mesures.

Barak a voté en faveur des mesures relatives à l’incitation et à la livraison des services élémentaires et de l’aide.

La décision de la cour met également l’accent sur le fait que

« toutes les parties du conflit dans la bande de Gaza sont liées par les lois humanitaires internationales »

et par les appels en vue de

« la libération immédiate et inconditionnelle »

des captifs détenus à Gaza depuis le 7 octobre.

Jeudi, le Hamas a déclaré qu’il suivait les délibérations de la CIJ « avec un grand intérêt » et qu’il adhérerait à un cessez-le-feu si la cour exprimait un appel en ce sens, pour autant que ce cessez-le-feu soit également respecté par Israël.

Le Hamas a ajouté qu’il libérerait ses captifs si Israël libérait les prisonniers palestiniens. Il a également appelé à mettre un terme au blocus israélien imposé à Gaza depuis 2007 et il a réclamé l’entrée de l’aide humanitaire.


Un « devoir manifeste »

Al Mezan, une organisation palestinienne des droits humains installée à Gaza, a invité Karim Khan, le procureur principal de la Cour pénale internationale (CPI), à

« tenir compte de cette décision et à hâter les enquêtes sur les hauts dirigeants israéliens impliqués dans le génocide ou se livrant à des incitations en ce sens ».

La CPI, qui siège également à La Haye, est une institution séparée de la CIJ et elle a été accusée de partialité pour avoir traîné les pieds au sujet de l’enquête sur la Palestine, ouverte en 2001 par la prédécesseuse de Karim Khan.

Agnès Callamard, la directrice d’Amnesty International, a déclaré vendredi qu’il fallait exercer

« une pression unifiée » sur Israël, étant donné « son mépris flagrant des lois internationales ».

Faisant remarquer que la cour considère que « la survie des Palestiniens de Gaza est en danger », Callamard a ajouté que tous les États, y compris ceux qui n’ont pas soutenu la cause de l’Afrique du Sud,

« ont le devoir manifeste de s’assurer que ces mesures soient appliquées ».

Benjamin Netanyahou, le Premier ministre d’Israël, s’est déchaîné, après la décision de la CIJ, en rejetant l’accusation de génocide comme « scandaleuse », et il a accusé la Cour internationale de refuser à Israël « le droit fondamental de se défendre ».

Riyad al-Maliki, le ministre des Affaires étrangères de l’Autorité palestinienne, a déclaré que

« l’ordre de la CIJ constitue un important rappel de ce qu’aucun État n’est au-dessus des lois ».

Et d’ajouter qu’

« il devrait servir de signal d’alarme pour Israël et les acteurs qui ont favorisé son impunité bien ancrée ».

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Issam Younis, le directeur de l’organisation palestinienne de défense des droits humains Al Mezan, qui a son siège à Gaza, a déclaré que la décision provisoire

« marque un pas important vers la réduction de l’impunité perpétuelle accordée à Israël par ses alliés ».

Younis a ajouté que

« la responsabilité de mettre un terme au génocide en cours à Gaza repose désormais sur la communauté internationale ».

Selon la Convention sur le génocide, les États ont le devoir de prévenir les actes de génocide.

Au lieu d’empêcher que soit commis un génocide, les EU, qui sont un État partie de la convention, ont fourni des armes pour la campagne militaire d’Israël à Gaza. Ils ont également apporté leur soutien diplomatique en empêchant à maintes reprises tout appel à un cessez-le-feu au Conseil de sécurité de l’ONU.

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Une audience a eu lieu dans un tribunal fédéral en Californie, ce vendredi, dans le cadre d’un procès contre le président Joe Biden et ses secrétaires d’État et à la défense.

Les Palestiniens intentent un procès aux trois hommes pour n’avoir pas empêché ce que les plaignants décrivent comme un génocide en cours à Gaza, et pour leur complicité dans ce même génocide.

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Maureen Clare Murphy est rédactrice en chef de The Electronic Intifada.

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Publié le 26 janvier 2024 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine


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Lisez également cet interview de l’avocat Jan Fermon : La CIJ a ordonné à Israël de « prévenir » tout risque de génocide

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