Un escadron de la mort israélien assassine trois Palestiniens dans un hôpital

Un escadron de la mort israélien, dont les membres étaient déguisés en Palestiniens, a fait irruption dans un hôpital de Cisjordanie occupée et y a assassiné trois hommes, dont un patient partiellement paralysé.

 

 

Tamara Nassar, 31 janvier 2024

Une prise de vue d’une caméra de surveillance montre une douzaine d’hommes des forces spéciales israéliennes faisant irruption mardi dans l’hôpital Ibn Sina de Jénine, dans le nord de la Cisjordanie occupée. Ils étaient habillés comme des docteurs palestiniens, des infirmières et des femmes en civil et étaient armés de carabines tout en se déplaçant dans les corridors.

Un soldat israélien a poussé un patient en chaise roulante « afin d’avoir accès au troisième étage de l’hôpital, alors qu’un autre portait un sac pour bébé » contenant une arme, a déclaré le Réseau euro-méditerranéen de contrôle des droits humains (REMDH), qui siège à Genève.

Arrivées au troisième, les forces israéliennes sont entrées dans la chambre du patient blessé Basel Ghazzawi, 18 ans, où il était accompagné de son frère de 23 ans, Muhammad Ghazzawi, et d’un de leurs amis, Muhammad Jalamneh, 27 ans.

 

Recourant à des armes équipées de silencieux, les soldats ont froidement exécuté les trois hommes et ont ensuite quitté l’hôpital. L’opération a duré une dizaine de minutes.

Basel, dit-on, a été abattu d’une balle dans la tête. L’image d’un oreiller ensanglanté avec un impact de balle au milieu a été diffusée dans les médias sociaux.

L’armée israélienne a déclaré qu’il s’agissait d’une opération menée conjointement avec l’agence intérieure d’espionnage et de torture, le Shin Bet.

 

 

Le REMDH a décrit les assassinats comme des « exécutions extrajudiciaires », et c’est ce qui a également été par le Bureau des Nations unies pour les droits humains, qui les a qualifiés d’« apparemment planifiés ».

 

« Une scène à laquelle nous sommes habitués »

Les médias israéliens ont dit que l’opération avait été possible « grâce à des renseignements précis obtenus antérieurement à l’activité », suggérant que les informations provenaient d’un collaborateur palestinien.

Des agents israéliens sous le manteau – mistaravim, en hébreu – s’habillent en Palestiniens pour infiltrer des groupes de civils, souvent au cours des manifestations contre l’occupation militaire israélienne.

Dans le passé, Israël a déjà recouru à ces mistaravim pour kidnapper et tuer des Palestiniens à l’intérieur d’hôpitaux.

« C’est une scène à laquelle nous sommes habitués : Les soldats israéliens déguisés en civils font irruption dans un hôpital pour arrêter des blessés »,

a déclaré le Dr Tawfiq Shawbaki, le responsable de l’unité chirurgicale d’Ibn Sina.

« Cette fois, ç’a été différent. Ils étaient déguisés en médecins et en membres du personnel médical. »

Muhammad Ghazzawi était l’un des fondateurs de la Brigade de Jénine, une organisation militante qui s’était constituée dans le camp de réfugiés de Jénine et qui est associée aux Brigades Quds, l’aile militaire de l’organisation de résistance du Djihad islamique.

Son jeune frère Basel avait été soigné à l’hôpital après avoir été blessé par un drone de l’armée israélienne le 25 octobre, près d’un cimetière dans le camp de réfugiés de Jénine.

Basel avait été renseigné comme adolescent, au moment de sa blessure, selon le Bureau de l’ONU pour les droits humains.

La même attaque israélienne avait tué trois enfants palestiniens.

Muhammad Jalamneh était membre des Brigades Qassam, l’aile armée de l’organisation palestinienne de résistance du Hamas, avait confirmé ce dernier dans une déclaration. L’armée israélienne a prétendu que Jalamneh prévoyait une attaque « immédiate inspirée des événements du 7 octobre ».

L’armée israélienne a publié une photo du pistolet qu’elle prétend avoir trouvé sur les lieux.

L’armée israélienne a également prétendu que des Palestiniens « recherchés » se cachaient dans les hôpitaux qu’ils utilisaient « comme base pour planifier des activités terroristes », tout en citant cela comme un exemple d’utilisation « des hôpitaux comme refuges et comme boucliers humains ».

Itamar Ben-Gvir, le ministre de la sécurité nationale d’Israël, a salué l’exécution extrajudiciaire en la qualifiant d’« héroïque ».

Un peu plus tôt, ce mois-ci, Ben-Gvir a visité une base de la Police des Frontières en Cisjordanie occupée et a posé en compagnie d’agents israéliens sous le manteau, déguisés en Palestiniens. Le ministre israélien de l’Intérieur les a encouragés à « abattre » des Palestiniens.

« Vous avez absolument tout mon soutien. Quand votre vie est en danger ou quand vous voyez un terroriste – même s’il ne met pas votre vie en danger – tirez. Je vous soutiens. »

 

« Un crime complexe »

« Les forces israéliennes ont commis un crime complexe dans lequel figures de multiples violations des réglementations des lois internationales »,

a déclaré le REMDH.

L’organisation a déclaré que les hommes « ne constituaient de danger pour personne » et que

« l’un d’eux était une personne grièvement blessée, et ce, à un moment où les perpétrateurs auraient pu être arrêtés pour les crimes susmentionnés ».

Le père de Muhammad Jalamneh, Walid Jalamneh, a déclaré que les forces israéliennes avaient intimidé la famille, qu’elles avaient fait irruption dans leur maison et qu’elles l’avaient arrêté, lui, Walid, ainsi que le frère de Muhammad, afin de mettre la pression sur ce dernier afin qu’il se rende.

Un officier israélien qui avait interrogé Walid Jalamneh l’avait menacé de mettre son fils sur une liste de personnes à abattre.

« L’officier des renseignements l’a dit : « Ton fils figure maintenant sur la liste des arrestations. S’il ne se rend pas, il va se retrouver sur la liste des assassinats »,

a expliqué Walid Jalamneh aux médias dans la foulée de l’assassinat de son fils.

« C’est ainsi que je leur ai dit : ‘Vous êtes un État, que puis-je faire, dans ce cas ?’ »,

a-t-il poursuivi.

« Il a quitté la maison et il n’est pas revenu. Si vous le voulez, dans ce cas, toute la ville de Jénine est là devant vous. Cherchez-le et prenez-le. »

Le département d’État américain a défendu l’opération israélienne à l’hôpital Ibn Sina.

« Les hôpitaux perdent certaines de leurs protections, s’ils sont utilisés (…) pour la préparation d’opérations terroristes, pour l’exécutions d’opérations terroristes »,

a expliqué Matthew Miller au journaliste Matt Lee, d’Associated Press, qui l’interrogeait sur l’incident.

Miller a nié que des civils palestiniens aient été blessés. Quand on lui a demandé comment il le savait, il a dit que c’était parce que

« il n’y a pas eu de rapports mentionnant que des civils auraient subi le moindre préjudice dans cette opération ».

Le Dr Shawabki a expliqué que les forces israéliennes avaient cogné sur des docteurs et des infirmières, lors de leur irruption dans l’hôpital.

 

« Nous pensons qu’il est approprié qu’ils aient la capacité de traduire en justice les membres du Hamas »,

a déclaré Miller à un autre journaliste, Said Ereikat, qui lui demandait si ce genre de conduite était digne d’un État.

Depuis le 7 octobre, Israël a pris l’habitude de mener des raids prolongés dans des villes, localités et camps de réfugiés de toute la Cisjordanie dans le but de tenter d’étouffer la résistance armée. Les forces israéliennes ont également provoqué des dégâts considérables à l’intérieur des camps de réfugiés – rues, maisons, quartiers commerçants, infrastructures de l’eau, de l’électricité et voirie, tout cela a subi des dévastations suite aux raids israéliens successifs dans ces zones.

Les troupes israéliennes ont tué au moins 360 Palestiniens en Cisjordanie occupée, depuis le 7 octobre et huit au moins ont été tués par des colons, a rapporté l’organisation de contrôle de l’ONU, l’OCHA.

Parmi les tués, 95 étaient des enfants.

Les militaires et les colons israéliens ont blessé près de 4 400 Palestiniens en Cisjordanie depuis le 7 octobre, dont 660 enfants.

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Publié le 31 janvier 2024 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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