Les attaques israéliennes déplacent à nouveau un cinquième de la population de Gaza

Ces derniers jours, dans la ville de Gaza, complètement fermée, Israël a soumis les Palestiniens à certaines des attaques les plus sévères qu’ils aient subies. La violence a provoqué une nouvelle vague de déplacement massif parmi une population déjà passablement épuisée et traumatisée.

 

 

Maureen Clare Murphy, 14 mai 2024

Environ un cinquième de la population de Gaza (2,3 millions d’habitants) a été déplacée, une fois de plus, cette dernière semaine, d’après l’ONU.

Entre-temps, la pénurie de carburant menace les services de santé et « provoque une augmentation des maladies infectieuses », en raison de l’accès limité à des installations sanitaires, a déclaré l’ONU.

L’ONG Oxfam a expliqué lundi que,

« depuis octobre, les attaques israéliennes ont provoqué pour au moins 210 millions de USD de dégâts aux infrastructures d’eau et d’assainissement de Gaza ».

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Le risque d’épidémie est en hausse du fait que l’invasion de Rafah est « un cocktail meurtrier composé de surpeuplement, d’eaux usées et de famine », a ajouté Oxfam.

« Le personnel d’Oxfam à Gaza a évoqué des monceaux de déchets humains et des rivières d’eaux usées dans les rues, entre lesquels les gens doivent sauter pour se déplacer »,

a déclaré l’ONG.

« Le personnel fait également état de gens obligés de boire de l’eau malsaine et d’enfants piqués par les insectes qui essaiment autour des eaux usées. »

 

Les passages restent fermés

Le passage de Rafah est resté fermé lundi et il n’y a « plus d’accès sécurisé et viable sur le plan logistique au passage de Kerem Shalom », a fait savoir l’ONU. Ces deux passages constituaient le hub des opérations humanitaires absolument nécessaires à Gaza et Israël les a fermés tous deux la semaine dernière.

L’armée israélienne a affirmé que des acheminements d’aide étaient entrés à Gaza par le check-point d’Erez jeudi et par celui de Zikim dimanche et que, dimanche également, 266 000 litres de carburant étaient entrés à Gaza par Kerem Shalom.

« Bien que du carburant et des cargaisons de vivres soient entrés à Gaza ces deux derniers jours, les livraisons d’aide restent largement insuffisantes »,

a déclaré lundi le Bureau de l’ONU pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA).

« Les conditions dominantes pourraient aggraver les niveaux déjà catastrophiques de la famine à laquelle est confrontée la population »,

a poursuivi l’OCHA, faisant remarquer que les efforts pour accroître la stabilisation alimentaire ont été « annihilés à Rafah », en raison des ordres d’évacuation et de l’escalade militaire imposés par Israël.

On rapporte que près de 200 Palestiniens ont été tués à Gaza entre le 9 et le 13 mai, portant à plus de 35 000 le nombre de Palestiniens tués dans le territoire depuis le 7 octobre. 78 800 autres ont été blessés et environ 10 000 sont portés manquants, restés entre autres sous les décombres, ont fait savoir les autorités locales de Gaza.

Cinq soldats israéliens, dit-on, ont été tués à Gaza entre le 10 et le 13 mai, ce qui porte à 272 le nombre de soldats tués à Gaza ou le long de la frontière depuis le début de l’offensive terrestre d’Israël fin octobre.

Des combats intenses ont eu lieu autour de la ville de Gaza, ces derniers jours.

Vendredi, l’Euro-Med Human Rights Monitor a déclaré que les « tueries aléatoires » dans le quartier de Zaytoun, dans l’est de Rafah, l’une des zones les plus densément peuplées de l’enclave, visaient à chasser les résidents et à détruire la ville.

Des drones quadricoptères israéliens ont ciblé et tué des civils à Zaytoun et l’armée a attaqué des personnes déplacées qui s’étaient réfugiés dans une école, « ce qui s’est traduit par de nombreuses victimes », selon l’Euro-Med Monitor.

L’organisation a déclaré qu’Israël étendait ses prétendues zones tampons

« afin de renforcer sa position militaire dans l’axe de Netzarim »

via lequel il contrôle le mouvement des Palestiniens entre le nord et le sud de l’enclave.

 

Israël pilonne Jabaliya

Dimanche, des chars israéliens sont retournés dans le nord de Gaza, que son armée avait déjà réduit en ruines et où, en janvier, il prétendait avoir démantelé les forces combattantes du Hamas dans la zone.

Samedi, Israël a ordonné aux personnes d’évacuer les zones de Jabaliya, de son camp de réfugiés et de Beit Lahiya, dans le nord de Gaza.

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Un survivant palestinien a dit que les corps de plus de 40 femmes et enfants avaient été retrouvés sous les ruines d’un immeuble résidentiel rasé par une frappe aérienne israélienne à Beit Lahiya. Les mains des enfants étaient toujours jointes les unes aux autres au moment où leurs corps ont été retirés des décombres, a expliqué l’homme à Al Jazeera.

Les Palestiniens de la zone ont rapporté plus de cent frappes aériennes contre Jabaliya durant le week-end.

« Nous pensions que les premiers jours [de la guerre] étaient le pire de tout, puis nous nous sommes dit que le pire était la faim, mais ces bombardements ne ressemblent à rien de ce que nous avons déjà vécu »,

a déclaré dimanche Hossam Shabat, un journaliste dans le nord de Gaza.

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Lundi, les forces israéliennes ont assiégé des écoles de l’UNRWA, dans l’est du camp de réfugiés de Jabaliya, affirme le Centre palestinien pour les droits humains (CPDH). Des milliers de personnes avaient cherché refuge dans les écoles administrées par l’UNRWA, l’Agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens, après avoir été déplacées d’autres zones de la partie nord de Gaza.

Les chars israéliens positionnés à l’entrée des écoles ont tiré des obus d’artillerie et « des drones quadricoptères tiraient sur tout ce qui bougeait », dit encore l’organisation de défense des droits.

« Les personnes déplacées ont été forcées de quitter les écoles au plus fort des tirs et un certain nombre d’entre elles ont été arrêtées. »

Au moins 20 Palestiniens ont été tués dans la zone et on dit que plusieurs personnes ont été piégées sous les décombres d’une maison ciblée par les frappes aériennes à Jabaliya.

La Société du Croissant-Rouge de Palestine (SCRP) a publié une vidéo montrant Ali Khalil, l’un de ses paramédicaux bénévoles, s’écroulant de chagrin après que les corps de ses petits-enfants ont été amenés à l’une des antennes médicales de l’organisation humanitaire à Jabaliya :

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Les Brigades Qassam, l’aile armée du Hamas, ont déclaré lundi que leurs combattants avaient affronté les forces ennemies à Zaytoun, près de la ville de Gaza, qu’elles avaient touché des chars Merkava à l’est du camp de réfugiés de Jabaliya, dans le nord de Gaza et qu’elles avaient également tiré des roquettes vers Israël depuis la zone de Jabaliya.

 

Rafah

Les Brigades Qassam ont également déclaré qu’elles avaient ciblé des forces terrestres israéliennes près du passage de Rafah, dans le sud de Gaza. Après s’être emparé de son contrôle la semaine dernière, Israël a transformé le passage de Rafah – qui, avant la guerre, était le principal point de sortie et d’entrée des gens à Gaza – en base militaire :

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L’organisation égyptienne Sinai for Human Rights (Le Sinaï pour les droits humains) a déclaré que des routiers transportant de l’aide avaient rapporté que d’importantes quantités de nourriture avaient été gâchées en attendant d’être déchargées dans le sud de Gaza.

Les autorités israéliennes ont déclaré que les roquettes tirées depuis Rafah vendredi soir avaient atterri à Bir al-Saba, la ville cosmopolite du désert purgée de ses résidents palestiniens en 1948 et connue désormais sous le nom hébreu de Beersheva.

Israël a ordonné la semaine dernière que les quartiers de la partie orientale de Rafah soient évacués et, dès lundi, quelque 360 000 Palestiniens avaient fui la zone, selon l’UNRWA.

Mais bien des Palestiniens à Rafah, déplacés d’autres zones de Gaza, n’ont pas les moyens de s’en aller et sont désormais privés d’accès aux soins de santé et à l’aide humanitaire.

Philippe Lazzarini, le directeur de l’UNRWA, a dit que la plupart des gens à Gaza « se sont déplacés à de multiples reprises : en moyenne, une fois par mois », cherchant désespérément « une sécurité qu’ils n’ont jamais trouvée ».

Balakrishnan Rajagopal, le rapporteur spécial de l’ONU sur le droit à un logement adéquat, a déclaré :

« En plus de trente ans d’étude et d’engagement avec les communautés affectées par des déplacements, je n’ai encore jamais vu une atrocité aussi choquante que celle-ci. »

Les responsables israéliens et américains ont caractérisé l’offensive à Rafah comme une opération plus limitée. Mais le Centre palestinien pour les droits humains (CPDH) a déclaré dimanche que ce qui se passait là « était une attaque militaire à grande échelle ».

L’organisation a dit qu’au moins 116 Palestiniens, dont 22 femmes et 38 enfants, avaient été tués depuis le début de l’offensive terrestre israélienne à Rafah sept jours plus tôt. D’autres encore ont été portés manquants, a ajouté le CPDH.

L’organisation a encore dit qu’Israël avait accru le nombre de ses attaques sans discrimination dans les zones qui n’avaient pas reçu d’ordre d’évacuation, et que plus de 50 Palestiniens avaient été tués dans la partie centrale de Gaza, parmi lesquels un médecin et son fils.

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« Israël poursuit sans ralentir le moins du monde sa campagne militaire génocidaire contre le peuple palestinien à Gaza »,

a déclaré le CPDH.

« Nous réitérons notre appel en faveur d’un cessez-le-feu immédiat. Ce génocide doit cesser à l’instant ! »

 

Des travailleurs de l’ONU tués

Lundi, après avoir fui Rafah, un employé de 53 ans de l’UNRWA a été tué par une frappe aérienne israélienne à Deir al-Balah, dans le centre de la bande de Gaza.

Sa mort porte à 189 le nombre de membres de l’UNRWA tués à Gaza depuis le 7 octobre.

Lundi matin, un membre de la sûreté et de la sécurité des Nations unies a été tué et un autre grièvement blessé quand leur véhicule de l’ONU s’est retrouvé sous les tirs alors qu’il se rendait vers l’Hôpital européen de Gaza, près de Khan Younis, au nord de Rafah.

Le personnel médical de l’Hôpital koweïtien de Rafah a reçu une ordre d’évacuation d’Israël, a rapporté lundi l’ONG britannique Medical Aid for Palestinians (MAP).

« C’était l’un des derniers hôpitaux restants à Rafah et il n’avait plus que 16 lits disponibles environ pour plus d’un million de personnes qui s’étaient réfugiées dans le secteur »,

a déclaré MAP.

« Si l’hôpital est forcé de s’arrêter, cela pourrait signifier l’effondrement complet du système déjà très limité des soins de santé à Rafah. »

L’ONG a ajouté que l’Hôpital européen de Gaza était tombé à court de carburant suite à la fermeture par Israël des passages dans le sud de Gaza et après qu’Israël avait coupé l’approvisionnement du territoire en électricité début octobre.

La fermeture du passage de Rafah

« continue de signifier que les patients ne peuvent être évacués médicalement »,

a déclaré MAP.

« Nous nous attendons à ce qu’il en résulte plus de morts inutiles de patients encore, puisqu’ils ne sont pas à même d’accéder à des traitements appropriés à Gaza. »

Volker Turk, le haut-commissaire de l’ONU pour les droits humains, a déclaré lundi que les ordres d’évacuation à Rafah ne peuvent se conformer aux mesures provisoires légalement contraignantes ordonnées par la Cour internationale de Justice.

Ces mesures comprenaient des demandes qu’Israël garantisse la livraison sans entrave de l’aide humanitaire et des services de base à Gaza.

Vendredi, Volker Turk a dit qu’il déplorait

« tout acte hostile qui mettait en danger l’entrée et la distribution à Gaza de l’aide humanitaire désespérément nécessaire ».

« Les quelques rares passages terrestres vers Gaza servent de ligne vitale pour l’approvisionnement en vivres, en médicaments, en carburant et autres marchandises nécessaires qui doivent pouvoir atteindre une population désespérée et terrifiée »,

a-t-il ajouté.

Lundi, une vidéo circulait sur les médias sociaux montrant des Israéliens en Cisjordanie en train de vandaliser la cargaison d’un camion d’aide qui faisait route vers Gaza :

https://x.com/BarakRavid/status/1790015282490101762?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E1790015282490101762%7Ctwgr%5E92ad6104aba01b466ed80eb421e40e9e6b5e533e%7Ctwcon%5Es1_&ref_url=https%3A%2F%2Felectronicintifada.net%2Fblogs%2Fmaureen-clare-murphy%2Fisraeli-attacks-newly-displace-one-fifth-gazas-population

 

« Cela a duré des heures, en présence des forces israéliennes qui ne sont jamais intervenues »,

a déclaré B’Tselem, une organisation israélienne de défense des droits humains.

B’Tselem d’ajouter que « cela va à l’encontre » des ordres de la Cour internationale de Justice.

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Maureen Clare Murphy est rédactrice en chef de The Electronic Intifada.

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