Un tribunal invalide l’interdiction décrétée par l’Allemagne contre le Dr. Ghassan Abu Sitta

L’Allemagne a intensifié sa répression à l’égard des Palestiniens et de leurs partisans, en même temps qu’elle continue de soutenir le génocide d’Israël à Gaza

 

Le Dr Ghassan Abu Sitta prend la parole lors d'une manifestation devant l'ambassade d'Allemagne à Londres, après avoir été expulsé par les autorités allemandes alors qu'il se rendait à Berlin pour participer à une conférence sur la Palestine, le 12 avril. La police allemande avait arrêté la conférence en recourant à la violence.

Le Dr Ghassan Abu Sitta prend la parole lors d’une manifestation devant l’ambassade d’Allemagne à Londres, après avoir été expulsé par les autorités allemandes alors qu’il se rendait à Berlin pour participer à une conférence sur la Palestine, le 12 avril. La police allemande avait arrêté la conférence en recourant à la violence. (Photo : Raşid Necati Aslım / Anadolu Images)

 

Ali Abunimah, 15 mai 2024

Un tribunal allemand a invalidé l’interdiction de voyager en Europe imposée par les autorités allemandes au Dr Ghassan Abu Sitta, le chirurgien anglo-britannique qui, au début de l’actuel génocide perpétré par Israël, avait consacré plusieurs semaines à sauver des vies à Gaza.

Dernièrement, le Dr Abu Sitta a été empêché d’entrer en France et aux Pays-Bas afin de prendre la parole sur les crimes de guerre israéliens auxquels il a assisté au cours des 43 jours pendant lesquels il a travaillé comme médecin sous les bombardements sauvages et sans discrimination de l’armée israélienne.

Les deux pays font partie d’un régime d’octroi de visas commun avec l’Allemagne et connu sous l’appellation d’« espace Schengen ».

Réunissant une grande partie des États de l’Union européenne, l’espace Schengen comprend également plusieurs pays non européens, dont la Suisse, supposée neutre. Il n’y a pas de contrôles frontaliers, à l’intérieur de cet espace Schengen.

L’interdiction allemande, particulièrement sévère, constituait

« une grave infraction à la liberté de mouvement et d’expression en Europe et, cette fois, un juge a décidé que l’interdiction de voyager devait être invalidée »,

ont déclaré le Centre international de justice pour les Palestiniens (CIJP) et le Centre européen d’assistance juridique (CEAJ), qui assistaient à l’audience.

« C’est une victoire significative pour la liberté d’expression et un tournant important dans la contestation d’un environnement dissuasif au sein duquel doivent opérer nombre d’avocats des droits humains palestiniens »,

ont ajouté les deux organisations de défense des droits civiques.

L’interdiction qui frappait le Dr Abu Sitta s’est également attiré les critiques de Human Rights Watch, qui affirmait que les «

tentatives de l’empêcher de partager son expérience dans le traitement des patients à Gaza risquent de saper l’engagement de l’Allemagne dans la protection et la facilitation de la liberté d’expression, ainsi que dans la non-discrimination ».

 

Répression par la violence

L’interdiction s’est dévoilée d’abord en avril, au moment où, venant du Royaume-Uni, le Dr Abu Sitta a tenté d’entrer en Allemagne pour une conférence sur la Palestine qui devait se tenir à Berlin.

La conférence a débuté le matin du 12 avril, mais a fait l’objet d’une incursion violente de la police allemande, qui y a brusquement mis un terme, une heure environ après son ouverture.

La veille, le Dr Abu Sitta avait été intronisé comme recteur de l’Université de Glasgow, une fonction pour laquelle il avait été élu par les étudiants, avec 80 pour 100 des voix et une participation record.

Selon les médias allemands, plusieurs autres participants palestiniens ont également été confrontés à des interdictions de fait ou potentielles de la part de l’Allemagne.

Le jour de la conférence, le magazine Stern a révélé que

« les autorités ont sorti des interdictions d’entrée visant plusieurs des orateurs prévus »,

selon des informations que le magazine avait reçues.

« Effectivement, les interdictions concernaient Salman Abu Sitta et Ghassan Abu Sitta. »

Le rapport ajoutait que

« Ali Abunimah, un journaliste palestino-américain, est actuellement perçu pour faire l’objet d’une interdiction d’entrée. Ali Abunimah est un cofondateur de The Electronic Intifada, un site d’information propalestinien, et il soutient également la campagne BDS (Boycott, Désinvestissement et Sanctions) ».

Bien que, depuis lors, ni Salman Abu Sitta, un historien palestinien renommé et un survivant de la Nakba, ni votre serviteur n’aient tenté de se rendre en Allemagne, on ne voit pas clairement si l’interdiction d’entrée était ou est toujours d’application.

L’Allemagne a également imposé une interdiction d’entrée à Yanis Varoufakis, l’homme politique grec de gauche, ancien ministre des Finances de son pays, qui devait également prendre la parole lors de la conférence sur la Palestine à Berlin.

Fait plus choquant encore, Berlin a interdit à Yanis Varoufakis, un citoyen de l’UE, de se livrer à la moindre activité politique dans le pays, l’empêchant ainsi, potentiellement, de faire campagne pour son parti européen, MERA25, lors des élections au Parlement européen prévues le mois prochain.

Selon Yanis Varoufakis, les autorités allemandes ont invoqué la « sécurité nationale » comme raison de refuser de fournir à ses avocats la moindre explication concernant la portée ou l’autorité juridique de l’interdiction.

Yanis Varoufakis attaque en justice le gouvernement allemand dans le but d’invalider l’interdiction.

L’escalade dans la répression

Ces derniers mois, l’Allemagne a intensifié sa répression à l’égard des Palestiniens et de leurs partisans, en même temps qu’elle continue de soutenir le génocide d’Israël à Gaza, allant même jusqu’à criminaliser le slogan « Du fleuve à la mer, la Palestine sera libre ! » – un appel à mettre un terme au système israélien – soutenu et armé entre autres par l’Allemagne – d’occupation, de colonialisme de peuplement, d’apartheid et de génocide qui affecte les Palestiniens dans chaque partie de leur patrie historique.

Pour son soutien au génocide en cours, l’Allemagne fait également l’objet d’un dossier traité actuellement à la Cour internationale de Justice (CIJ) et introduit par le Nicaragua.

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Ali Abunimah, cofondateur et directeur exécutif de The Electronic Intifada, est l’auteur de The Battle for Justice in Palestine, paru chez Haymarket Books.

Il a aussi écrit : One Country : A Bold Proposal to end the Israeli-Palestinian Impasse

Publié le 15 mai 2024 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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