Israël déchaîne un « bain de sang sans précédent » en Cisjordanie

Il n’y a pas eu de répit, dans les raids militaires meurtriers d’Israël en Cisjordanie occupée.

 

Le 3 juin, des Palestiniens examinent du sang dans la cage d'escalier d'un immeuble après que les forces israéliennes ont encerclé une salle de mariage lors d'un de leurs raids militaires dans le camp de réfugiés de Balata, près de la ville de Naplouse, en Cisjordanie.

Le 3 juin, des Palestiniens examinent du sang dans la cage d’escalier d’un immeuble après que les forces israéliennes ont encerclé une salle de mariage lors d’un de leurs raids militaires dans le camp de réfugiés de Balata, près de la ville de Naplouse, en Cisjordanie. (Photo : Mohammed Nasser APA images )

Tamara Nassar, 7 juin 2024

 

Les Palestiniens de la région sont « soumis jour après jour à un bain de sang sans précédent », a déclaré cette semaine Volker Türk, le haut-commissaire de l’ONU pour les droits humains.

Plus de 500 Palestiniens ont été tués en Cisjordanie occupée depuis le 7 octobre, dont au moins 490 par les troupes israéliennes, rapporte l’organisation de contrôle de l’ONU, l’OCHA.

Les colons israéliens ont tué au moins 10 Palestiniens, et sept autres ont été tués soit par l’armée israélienne soit par des tirs de colons. Plus de 5 100 Palestiniens ont été blessés, dont au moins 800 enfants.

Les forces israéliennes ont effectué 29 opérations militarisées, durant cette période, a déclaré le haut-commissaire de l’ONU. Cela a impliqué

« des frappes aériennes par engins volants sans équipage (UAV) ou par des avions et le tir de missiles terre-terre contre les camps de réfugiés et autres zones densément peuplées ».

Ces opérations militaires ont tué 164 Palestiniens, dont 35 enfants. Ce chiffre représente un tiers des homicides israéliens de Palestiniens en Cisjordanie au cours de ces huit derniers mois.

Depuis le début de l’année, les forces israéliennes ont tué près de 200 Palestiniens en Cisjordanie occupée. C’est presque le double et quatre fois les chiffres enregistrés pour les mêmes périodes, respectivement de l’an dernier et de 2022, a mis en garde Türk.

Les forces israéliennes « ont souvent utilisé la force létale en premier recours » en réponse aux Palestiniens qui jetaient des pierres, des cocktails Molotov artisanaux ou des pétards contre les véhicules blindés israéliens.

« La prévalence de Palestiniens morts après avoir été abattus dans la partie supérieure du corps, en même temps qu’un modèle de refus d’assistance médicale aux personnes blessées, suggèrent une intention de tuer en violation du droit à la vie »,

a ajouté Türk.

Le haut-commissaire des droits humains de l’ONU a demandé à Israël de cesser « immédiatement » ces tueries, cette destruction et ces violations des droits humains.

 

Meurtres, assassinats et autres homicides

Le 3 juin, des agents infiltrés israéliens ont tué un jeune Palestinien dans le camp de réfugiés de Balata, dans le nord de la Cisjordanie occupée. Il s’agissait apparemment d’une exécution.

Adam Salah Farraj, 23 ans, a été tué en plein jour par une coalition d’agents de la Police israélienne, la brigade Shomron et le bataillon Nahshon, un groupe de l’infanterie opérant avec l’armée israélienne et qui patrouille du côté de Naplouse.

Les agents israéliens agissaient en fonction de « renseignements précis » émanant du Shin Bet, a dit une source de la police à i24 News, afin de tuer « l’individu recherché » – dont il apparaît qu’il s’agissait de Farraj, bien que la police israélienne ne l’ait pas nommé.

« Les infiltrés ont neutralisé la cible avec succès, bien qu’ils aient dû affronter une résistance significative »,

a ajouté la source de la police, insistant sur l’importance de

« poursuivre activement et de neutraliser les menaces ».

La force israélienne avait encerclé un événement où elle avait situé Farraj et où avait lieu le mariage de sa sœur.

Farraj avait repéré la présence de la force israélienne et avait essayé de fuir l’endroit par le toit d’un immeuble, selon i24 News, mais il avait été abattu par les agents.

Une photo montre une demi-douzaine environ de soldats israéliens qui entourent le corps ensanglanté de Farraj sur ce qui s’avère être le toit d’un immeuble. Un officier israélien s’approche et saisit un pistolet qui se trouve près du corps incapable de bouger de Farraj, alors que d’autres agents le traînent par les pieds et l’emmènent dans une structure intérieure.

Le Hamas, l’organisation politique et armée palestinienne a déploré la mort de Farraj, qui semble donc avoir été un de ses membres.

Précédemment, les forces israéliennes avaient lancé un raid contre la maison de la famille Farraj, dans l’intention de l’arrêter, et elles avaient saccagé les biens familiaux. À l’époque, les armes aux yeux, sa mère avait raconté la « monstruosité » des forces israéliennes aux médias locaux.

Le même jour que Farraj, un deuxième Palestinien, Mutaz al-Nabulsi, a lui aussi été tué par les forces israéliennes à Naplouse. Après sa mort, sa photo a beaucoup circulé sur les médias en langue arabe

Entre-temps, le département d’État américain a annoncé des sanctions contre l’organisation du Lions’ Den, une organisation palestinienne de résistance armée issue d’une alliance entre divers partis et qui a fait son apparition à Naplouse au cours de ces toutes dernières années.

« Les États-Unis condamnent tout acte de violence commis en Cisjordanie, quels qu’en soient les perpétrateurs »,

a déclaré le porte-parole du département d’État, Matthew Miller.

On ne voit pas très bien lesquelles de ces sanctions pourraient effectivement punir les petites milices en Cisjordanie, puisqu’on peut présumer en toute certitude qu’elles ne s’occupent d’aucune transaction matérielle qui puisse être affectée par une interdiction américaine.

Il semble que la démarche constitue un effort en vue d’apaiser Israël après que le département d’État américain avait annoncé des sanctions contre une poignée de colons israéliens ces derniers mois. Il s’agissait en fait d’une tentative apparente de détourner l’attention de la complicité américaine dans le génocide israélien des Palestiniens de Gaza.

Bien qu’elle ait été un geste absolument creux, la démarche avait particulièrement irrité les dirigeants israéliens d’extrême droite.

Ces sanctions donnent faussement l’impression que la violence des colons est provoquée par quelques pommes pourries et qu’elle contourne le fait que la politique illégale d’Israël, dirigée par l’État, est intrinsèquement violente.

Les colons n’agissent pas en tant qu’individus mais au nom de l’État dont le but réside dans le vol et le contrôle total de toute la terre de la Cisjordanie.

Les colons constituent la piétaille de l’État et de sa politique expansionniste – et si un quelconque pays ayant participé à des sanctions contre quelques-uns d’entre eux montrait quelque intérêt à vouloir punir la colonisation qu’ils promeuvent, les sanctions viseraient Israël et ses dirigeants, et non pas quelques individus.

 

Des slogans génocidaires à Jérusalem

Entre-temps, cette semaine, des milliers de ressortissants juifs israéliens ont organisé leur « marche des flambeaux » annuelle lors de ce qu’ils appellent la Journée de Jérusalem, une fête inventée par les Israéliens dans le but de célébrer l’occupation et la colonisation de la ville en 1967.

Cet événement a fini par être connu comme une provocation majeure et un festival de la haine, où les marcheurs inlassablement vocifèrent des slogans génocidaires, y compris « mort aux Arabes » et « puisse ton village brûler » – et les deux ont été abondamment répétés cette année.

Le logo de l’organisation extrémiste Kach était visible partout, lors de la marche de cette année, selon le journaliste Nir Hasson, du quotidien de Tel-Aviv Haaretz, qui tient de près à l’œil ces marches et y assiste afin de les commenter.

Le logo, une étoile avec un poing qui émerge au centre, peut être vu sur un drapeau agité par deux hommes au-dessus. Kach est un parti politique israélien fondé par feu le rabbin archi-raciste Meir Kahane. Kach a été catalogué comme organisation terroriste par les États-Unis.

Cette vidéo montre une foule prenant d’assaut le magasin d’un tailleur palestinien, pendant que la police israélienne ne fait qu’un strict minimum d’efforts afin de la contenir.

Les années précédentes avaient vu des participants juifs à la marche réclame qu’on « efface » la Palestine, tout en lui promettant une deuxième Nakba.

Cette année n’a guère été différente et a été accompagnée d’une grande incitation et d’un important soutien de la part des membres d’extrême droite du gouvernement israélien.

Les extrémistes juifs ont défilé dans la quartier musulman de la Vieille Ville, ce qui constituait une provocation intentionnelle envers les autochtones palestiniens de la ville.

Une photo a été largement partagée dans les médias sociaux. Elle dépeint une foule de ressortissants juifs israéliens qui entourent, harcèlent et assaillent un journaliste palestinien portant une vareuse de presse.

Une autre photo largement partagée montre Nir Hasson qui tente de protéger son homologue palestinien de la foule violente.

« La marche de mercredi a été l’une des plus violentes et des plus laides auxquelles j’ai assisté – et je les ai vues toutes ces 16 dernières années »,

a écrit Hasson dans Haaretz.

« Ils repoussaient, insultaient, couvraient de crachats, menaçaient et assaillaient les passants et les journalistes palestiniens. »

 

Tuer des enfants

Entre-temps, les forces et les colons israéliens ont tué 49 enfants palestiniens depuis le début de cette année, y compris deux citoyens américains.

Le 1er juin, deux adolescents palestiniens se dirigeaient vers une zone de parking pour voitures confisquées à des Palestiniens dans le camp d’Aqbat Jabr, situé au sud-ouest de Jéricho, dans la vallée du Jourdain de la Cisjordanie occupée. Aqbat Jabr est le plus vaste camp de Cisjordanie, sur le plan de la superficie.

Les garçons ont remarqué qu’il y avait des soldats israéliens à une distance de 50 à 80 mètres, les renseignements pris sur le terrain par Defense for Children International – Palestine (DCI-P). Les forces israéliennes ont ouvert le feu sur eux, tuant Ahmad Ashraf Hmaidat, 16 ans, d’une balle dans le dos et Muhammad Musa al-Bitar, 17 ans, d’une balle dans la tête tirée par derrière.

Israël a emmené les deux corps vers une destination inconnue et n’ont restitué Ahmad que plusieurs heures plus tard, et Muhammad le lendemain.

« L’impunité systémique crée un contexte ultra-permissif dans lequel les forces israéliennes ne connaissent aucune retenue et tirent habituellement pour les tuer sur des enfants palestiniens et ce, dans des circonstances où il n’y a pas la moindre menace de mort imminente »

a déclaré Ayed Abu Eqtaish, directeur du programme de responsabilisation de DCI-P.

« Ce sont des crimes de guerre sans conséquence. »

Le 26 mai, les forces israéliennes ont abattu et tué un adolescent palestinien de 17 ans qu’elles accusaient d’avoir tenté de poignarder un soldat israélien près de la ville de Sair, au nord-est de Hébron, dans le sud de la Cisjordanie occupée.

Les forces israéliennes ont abattu Majd Shaher al-Aramin d’une balle dans la tête et l’ont laissé sur le sol pendant une heure et demie, jusqu’à ce qu’il soit exsangue, avant d’emmener son corps et de le retenir.

Des agents israéliens des renseignements ont convoqué le père de Majd et lui ont montré une photo de son fils gisant sur le sol afin qu’il puisse l’identifier, mais ils retiennent toujours la dépouille mortelle de l’adolescent.

« Les enfants palestiniens ne peuvent même pas reposer en paix dans la mort, puisque les autorités israéliennes continuent de confisquer leurs corps et d’en priver indéfiniment leurs familles »,

a déclaré Ayed Abu Eqtaish.

Entre-temps, jeudi après-midi, des forces israéliennes, à bord de véhicules civils, ont infiltré le camp de réfugiés de Jénine, dans le nord de la Cisjordanie occupée et ils y ont tué trois Palestiniens, dont un enfant, et en ont blessé plusieurs autres.

Des véhicules blindés et des bulldozers israéliens ont également envahi le camp, pendant qu’Israël se servait d’hélicoptères Apache de fabrication américaine pour sillonner le ciel et tirer lourdement en direction de Jénine et de son camp. Les forces israéliennes ont tiré avec un fusil une grenade antichar contre l’une des maisons.

Des Palestiniens armés du camp ont affronté les envahisseurs israéliens.

Les soldats israéliens dans un lourd véhicule blindé ont poursuivi un adolescent palestinien et son ami alors qu’ils roulaient à mot devant chez eux à Jénine. Les soldats ont « poursuivi » et abattu mortellement Issa Nafez Jallad, 16 ans, et Ibrahim al-Saadi, à courte distance, c’est-à-dire à pas plus de cinq mètres, a rapporté DCI-P.

« Avant de quitter les lieux, les forces israéliennes se sont approchées et ont confirmé que leurs blessures étaient fatales »,

a encore rapporté DCI-P.

« Les États-Unis doivent cesser d’envoyer des armes à l’armée israélienne, qui les utilise pour tuer des enfants palestiniens sans restriction, que ce soit à Gaza ou à Jénine »,

a déclaré Ayed Abu Eqtaish.

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Publié le 7 juin 2024 sur The Electronic Intifada
Traduction  : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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