Être à la hauteur de l’histoire : l’ULB en temps de génocide

Une carte blanche des membres des corps académique, scientifique et administratif de l’ULB qui a été publiée le 28 juin 2024 sur le Vif.

 

Dimanche 23 juin, un Festival Intifada organisé par les étudiant.e.s a rassemblé des centaines de personnes. Le lendemain matin à 6 h, la police a brutalement expulsé les occupant.e.s

Dimanche 23 juin un Festival Intifada organisé par les étudiant.e.s a rassemblé des centaines de personnes. Le lendemain matin à 6 h, la police a brutalement expulsé les occupant.e.s (Photo : Samidoun Bruxelles)

 

 

Les universités ne se sont jamais privées de prises de position publiques lorsque des questions sociales, politiques, économiques ou éthiques étaient en jeu. Ce fut le cas de l’ULB dans sa longue histoire d’engagements en faveur de l’émancipation des femmes, de la lutte contre le fascisme et l’extrême-droite ou contre l’occupation de l’Ukraine. Face à ces situations historiques, le principe de neutralité n’a jamais été invoqué. Pourquoi alors semble-t-il central pour l’ULB lorsqu’il s’agit de la colonisation de la Palestine et des violations des droits fondamentaux des Palestinien.ne. s ?

Depuis octobre 2023, un mouvement global de solidarité avec la Palestine s’est mobilisé dans le monde entier, dans les rues et par l’occupation des campus universitaires pour exiger: la fin de la violence génocidaire contre la population à Gaza, de l’impunité d’Israël pour son occupation militaire et ses politiques d’apartheid, de la destruction du système d’éducation palestinien et de la répression des étudiant·es et du corps enseignant.

Cette solidarité internationale de longue date avec la Palestine répond aussi à l’appel lancé par la société civile palestinienne en 2004 pour le boycott des universités israéliennes qui sont structurellement impliquées dans l’entreprise coloniale et la violation des droits humains.

À l’ULB, les occupations ont été historiquement au cœur d’une démocratisation de nos instances universitaires et de l’expression politique des dissidences et des mouvements sociaux. Cette pratique n’est donc pas étrangère à notre université depuis 1968 jusqu’aux occupations plus récentes pour la défense des droits des migrant·es (2003, 2009, 2021, 2024) ou pour contester les politiques de privatisation (2004, 2006, 2009, 2017, 2018, 2019).

Dans la continuité de cette tradition, le 7 mai 2024, un large mouvement d’étudiant·es a décidé d’occuper le bâtiment B du campus Solbosch pour obtenir la rupture des liens financiers et institutionnels avec les universités israéliennes impliquées dans les violations du droit international. En réponse à cet élan salutaire de solidarité et de justice, les actions étudiantes ont été systématiquement décrédibilisées et leurs propos diffamés, sans pouvoir instaurer un véritable dialogue sur les demandes formulées. Pourtant, le comité de soutien à l’occupation a témoigné à plusieurs reprises de la qualité démocratique des débats organisés et de la lutte des occupant·es contre toute forme de racisme et de discrimination.

En dehors de timides prises de positions des autorités de l’ULB, la pression étudiante a permis que le 27 mai 2024 le Conseil Académique (CoA) sorte finalement de son silence et de son inaction. Le CoA a décidé de suspendre les accords et projets de recherche impliquant des universités israéliennes. Cependant, par une décision unique au monde, la suspension de projets d’accord avec des universités palestiniennes a également été décrétée, appliquant ainsi une fausse équivalence entre une puissance coloniale et une population colonisée.

Pour défendre cette décision consternante, la communication de l’ULB invoque le libre examen et la culture du débat. Pourtant, les procédures ayant mené à cette résolution nous semblent contraires à ces principes et peu démocratiques. En effet, aucun document n’a été envoyé aux membres du CoA avant la séance du 27 mai, les mettant ainsi dans l’impossibilité de prendre connaissance et d’analyser la motion avant de la voter. Enfin, ce CoA s’est déroulé à huis clos, c’est-à-dire sans rédaction du procès-verbal des débats. Nous interrogeons donc les procédures de vote pour l’adoption de cette motion et le refus de transparence sur une décision qui engage publiquement notre institution.

Malgré les lettres de protestation des étudiant·es, du syndicat des professeur·es et des employé·es de l’Université Palestinienne de Birzeit, et d’une partie de la communauté universitaire de l’ULB, les autorités ont refusé de réouvrir un espace de débats dans les instances concernées.

Boycotter les universités palestiniennes est inacceptable à l’heure où le système d’enseignement de Gaza a été complètement détruit. Allons-nous accepter d’être la seule université au monde à cibler les universités palestiniennes au moment où Israël fait l’objet de plusieurs ordonnances de la Cour internationale de justice et de la Cour pénale internationale pour la violence et son acharnement contre la population palestinienne ?

Jusqu’à ce qu’Israël se conforme au droit international, nous demandons à l’ULB de se rallier aux voix des étudiant·es, des membres des communautés universitaires en Belgique et dans le monde qui ont rompu sans ambiguïté leurs liens institutionnels avec les universités israéliennes. Pour cela, nous demandons à l’ULB de revenir sur cette décision honteuse car nous ne pouvons accepter qu’universités palestiniennes et israéliennes se voient renvoyées dos à dos dans un simulacre de neutralité.

Ce 25 juin 2024 à 6 h du matin, les autorités de l’ULB ont fait appel aux forces de l’ordre pour expulser violemment les occupant·es de l’université populaire de Bruxelles sans notification de l’ordonnance d’expulsion. La communication des autorités de l’ULB à ce jour, illustre encore une fois la volonté de décrédibiliser le mouvement et passe sous silence la violence de l’expulsion (étudiant·es réveillé·es par des coups de pied dans les portes, poussé·es dans les escaliers, blessé·es pour certain·es). Malgré la répression, cette occupation historique a réussi en 49 jours à mettre notre université devant ses responsabilités face à un génocide en cours et à son devoir de protection des droits fondamentaux.

La fin de l’occupation ne marque pas la fin de notre combat, c’est pourquoi, nous, membres de la communauté universitaire, aux côtés des étudiant·es, continuerons à lutter pour que notre université reste ouverte à la critique constructive, au dialogue, à la transparence et à la publicité des débats. Et nous veillerons à ce que notre institution respecte ses valeurs fondamentales et se situe à la hauteur de l’Histoire.

 
Comité de soutien de l’ULB à l’occupation étudiante

 
Signataires : membres des corps académique, scientifique et administratif

Richaud Lisa, Smeets Sybille, Adam Pauline, Ait Bouhtaine Zohayr, Ali Farah Ismail, Ali Zhara, Arnulf Fanny, Argenta Fiona, Avanzi Raphael, Baniasadi Azadeh, Barrier Thomas, Baudrihaye-Gérard Laure, Beaugendre Amaury, Belenger Flore, Ben Hayoun Anas, Berns Hannah, Beylat Magali, Biot Valérie, Bolle Francine, Bonomelli Veronica, Boubacar Barry, Brisbois Marie, Broedersen Meike, Brosteaux Déborah, Brown Owen, Bruno Premoselli, Carboni Maestri Gregorio, Carbonelle Sylvie, Charly Fillon, Chassagne Aurélien, Clavie Arno, Clette-Gakuba Véronique, Cornez Victoria, Corten Hugo, Cottin Lise, Dawant Marie, De Baets Salomé, De Brabandère Louise, De Cock de, Rameyen Jade, De Lannoy Claire-Constance, Deligne Chloé, De Souza Xavier Olivier, De Visscher Boris, Debailleul Corentin, Degay Edouard, Deting Adeline, Diaz Macarena, Djebara Sarah, Domingo David, Dubois Zoé, Dubus Benoît, Dubreucq Anne, Enk Markus, Eyraud Fiona, Fadia Panosetti, Fallas Arthur, Faucheux Amélie, Fery Leila, Fleurine Hermand, Fontaine Maxime, Gagliolo Matteo, Gall David, Gelain Riccardo, Gemander Ariane, Ghys Morgane, Gibril Suzan, Gilles Germain, Giordano Chiara, Gloriozova Ekaterina, Gobin Corinne, Godinot Isabelle, Hajjat Abdellali, Hammaly Said, Hellenbosch Julie, Hausmann Thomas, Hüni Jules, Hurwitz Heinz, Hussain Samara, Iacobino Serena, Ibrahim el boujdaini, Illi Jean, Janssen Doriane, Jean-Michel Decroly, Jeanne Cosyn Oger, Jihan Safar, Joiris Daou Véronique, Joukovsky Anastasia, Julien, Rippinger, Juliette Hodayé, Kempenaers Jeanne, Khachaturova Anita, Kheda Djanaralieva, Lannoy Pierre, Largo Dounia, Lazzarotto Paul, Lebeer Guy, Lebrun William, Leclercq Arno, Léonard Brice, Lindsay Van, Lou Plateau, Louis Vande Perre, Lucic Mathilde, Maarawi Elsa, Manuel Lambert, Marage Pierre, Marjolein Visser, Maskens Maïté, Mathieu Van Criekingen, Mathilde du Jardin, Mativa Clara, Maughan Noémie, May Xavier, Mejed Hamzaoui, Mellal Lamia, Michel Dylan, Michel Roland, Michel Staszewski, Millaire Chloe, Mohamed Yacine Bouzaienne, Mona Aviat, Mora Youri, Moriau Jacques, Mouhib Leila, Nagels Carla, Neumann Theo, Newman Anneke, Oberlin Julia, Oli Clavie, Omar Jabary Salamanca, Orban Aline, Ouali Nouria, Ouhnaoui Hania, Pauline Grippa, Personat Frédéric, Périlleux Hugo, Piret Cécile, Prince Brice, Procacci Alberto, Puleo Leonardo, Querton Lara, Quitterie de Labbey, Rangoni Sacha, Rey Bernard, Roblain Antoine, Roland Elsa, Ruyffelaere Marie, Sacco Muriel, Rousseau Sarah, Safar Rayane, Sarciat Elenie, Scalia Damien, Scheer David, Sepulchre Douglas, Servais Jean, Siroux Jean-Louis, Skiadas Ioanna, Sofia Stimmatini, Stengers Isabelle, Strale Mathieu, Swartwaeger Florence, Thomas Castel, Toffin Etienne, Van Dyck Barbara, Van Hamme Gilles, Vanden Berghe Chloé, Vandermotten Christian, Vandevelde Noam, Vanhakendover Romane, Van Herstraeten Zoé, Vassalos Yiorgos, Vercauteren Drubbel Maëlle, Verlinden Elodie, Vermeulen Béatrice, Vuilet Andreas, Vuillet Josepha, Waiengnier Maëlys, Wanschoor Sean, Watteyne Simon, Wei Allan, Wieser Matthieu, Wiseur Gaspard, Wolff Eléonore, Zaghlal Abdellah

 

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Communiqué de l’université populaire de Bruxelles (ULB occupée)

 

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