Les procureurs britanniques abandonnent le dossier créé contre l’universitaire Amira Abdelhamid

Au Royaume-Uni, le Service des poursuites judiciaires de la Couronne (CPS) a abandonné un dossier créé contre l’universitaire Amira Abdelhamid,  après que son employeur, l’Université de Portsmouth, l’avait dénoncée à Prevent pour une série de messages sur les réseaux sociaux et que, dans la foulée, des agents du contre-terrorisme avaient fait une incursion chez elle et confisqué son matériel électronique.

 

Amira Abdelhamid nie que ses messages sur X aient été antisémites et affirme que c'est un « soulagement » de voir que le dossier créé contre elle a été abandonné.

Amira Abdelhamid nie que ses messages sur X aient été antisémites et affirme que c’est un « soulagement » de voir que le dossier créé contre elle a été abandonné. (Photo : Avec l’aimable autorisation d’Amira Abdelhamid)

 

Areeb Ullah, 15 août 2024

Amira Abdelhamidest chargée de cours en relations internationales à l’Université de Portsmouth. L’an dernier, l’université l’a suspendue après qu’elle avait publié sur X une série de messages concernant les attaques du 7 octobre.

Au cours d’une réunion, à la mi-octobre, l’université avait déclaré qu’elle avait été suspendue et dénoncée au programme Prevent, sous l’accusation d’avoir jeté le discrédit sur l’université en soutenant une organisation proscrite.

Deux mois après sa suspension, la police du contre-terrorisme a effectué un raid au domicile d’Amira Abdelhamid, l’a arrêtée et a confisqué ses biens personnels, dont du matériel électronique tels ordinateur portable, téléphone, Kindle, outre un écriteau de protestation portant le mot « Palestine » écrit en arabe. Ont également été confisqués des carnets avec des notes en écriture arabe ainsi que de l’eye-liner en poudre.

Commentant ses expériences au cours de ces tout derniers mois, Amira Abdelhamid déclare que ç’a été un « soulagement » mais que ce n’était « rien du tout en comparaison avec ce que les Palestiniens subissent à Gaza ».

« Je savais que mon employeur m’avait renseignée à Prevent à la suite de l’article du Jewish Chronicle et après que des activistes m’avaient avertie que la police allait finalement débarquer »,

explique Amira Abdelhamid à Middle East Eye.

« Pendant des semaines, j’ai attendu la venue de la police. Et, après deux mois, je ne pensais plus qu’elle allait venir, mais elle est venue quand même »,

poursuit-elle.

« Ma première pensée, quand la police est venue, ç’a été : ‘Ai-je fait quelque chose de mal ?’

Ils ne sont certainement pas là à cause des tweets. Si cela s’était passé en Égypte, ce serait normal, mais je ne me serais jamais imaginé que ça puisse se passer ici ; c’était naïf de ma part. »

« La police a emmené tous les équipements informatiques qui se trouvaient chez moi, une pancarte de protestation avec le mot ‘Palestine’ écrit en arabe, des carnets avec des notes consignées dans une ‘écriture étrangère’, ainsi que mon eye-liner en poudre afin de le tester au labo parce qu’ils croyaient que c’était de la poudre à canon. »

 

Des agissements « antidémocratiques »

Amira Abdelhamid nie être antisémite, dans ses tweets, et déclare qu’elle doit encore récupérer les biens qu’on lui a confisqués, puisque cela l’a mise dans l’impossibilité d’enseigner et de poursuivre son travail de recherche.

Le Centre européen de soutien juridique (CESJ) a fourni son soutien à Amira Abdelhamid et à d’autres personnes impliquées dans des situations similaires.

Tasnima, un avocat et responsable de la communication au sein de la CESJ, a qualifié les accusations formulées à l’encontre d’Amira Abdelhamid, qui est originaire d’Égypte, de « disproportionnées » et de « politisées ».

« Le cas d’Amira Abdelhamid est un exemple frappant de la façon dont les lois sur le contre-terrorisme, qui étaient profondément antidémocratiques et ont longtemps nui aux sauvegardes juridiques et aux libertés civiles, sont utilisées de manière agressive afin de réprimer la dissension politique et réduire ainsi au silence les personnes qui remettent ces mêmes lois en question »,

a expliqué l’avocat à MEE.

« Les accusations portées contre elles sont largement disproportionnées et leur usage représente une tendance dérangeante à laquelle nous assistons depuis octobre : des pouvoirs de plus en plus draconiens sont utilisés contre des activistes propalestiniens de façon ouvertement politisée et sur simple demande des ministres. »

La section du sud-est de la police contre-terroriste a refusé tout commentaire sur l’arrestation d’Amira Abdelhamid après que MEE en a fait la demande.

Depuis le 7 octobre, la police britannique s’est servie de la Loi sur le terrorisme pour poursuivre et arrêter nombre d’individus soupçonnés d’exprimer leur soutien au Hamas, une organisation proscrite au Royaume-Uni.

En début de semaine, la police britannique a recouru à la législation anti-terroriste pour arrêter sept activistes propalestiniens de Palestine Action après qu’ils s’étaient introduits par effraction dans une usine d’Elbit Systems.

Depuis, six des sept activistes ont été accusés de désordres avec violence pendant l’action, et les procureurs prétendent qu’un fourgon de prison reconverti a servi pour défoncer la clôture avant que certains membres du groupe n’endommagent à coups de masse des équipements se trouvant dans les entrepôts.

L’un des activistes, Samuel Corner, 22 ans, a également été accusé de lésions corporelles graves pour avoir prétendument frappé un policier à l’aide d’un gros marteau et il a également été accusé de deux autres agressions ayant provoqué elles aussi des lésions corporelles.

En avril, Hanin Barghouti, de Hove, avait été accusée dans le cadre de la Loi contre le terrorisme d’avoir exprimé « une opinion ou une croyance » en guise de soutien à une organisation interdite, et ce, après un discours qu’elle avait délivré lors d’une marche propalestinienne à Brighton.

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Publié le 15 août 2024 sur Middle East Eye.
Traduction : Jean-Marie Flémal,  Charleroi pour la Palestine

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