Israël tue 40 personnes dans la « zone humanitaire » de Gaza

Mardi à l’aube, à al-Mawasi, à l’ouest de Khan Younis, Israël a massacré au moins 40 Palestiniens en bombardant des tentes qui hébergeaient des personnes déplacées venues d’autres régions de Gaza, a annoncé le bureau gouvernemental des médias dans le territoire.

 

Le résultat d'une frappe aérienne le 10 septembre à l'aube sur al-Mawasi, dans le sud de la bande de Gaza.

Le résultat d’une frappe aérienne le 10 septembre à l’aube sur al-Mawasi, dans le sud de la bande de Gaza. (Photo : Abid AlRahim Al-Khatib / UPI)


Maureen Clare Murphy
, 10 septembre 2024

Le ministère de la santé de Gaza a répertorié les décès de 19 personnes dont les corps ont été transportés dans des hôpitaux. Le bureau des médias a expliqué que ses chiffres de décès, plus élevés, incluaient 21 personnes dont les corps n’ont pas été retrouvés parce qu’ils ont été complètement anéantis par les lourds projectiles largués sur le site.

Des équipes étaient toujours à la recherche des personnes manquantes, a ajouté le bureau gouvernemental des médias. Une vidéo du résultat de la frappe à al-Mawasi montre un cratère d’une dizaine de mètres de profondeur dans le sable où se trouvaient avant cela des tentes.

Israël a prétendu sans preuve qu’il avait ciblé un centre de commandement appartenant au Hamas. De son côté, l’organisation de résistance a démenti la présence sur place ne fût-ce que d’un seul de ses combattants.

« C’est un mensonge manifeste qui cherche à justifier ces horribles crimes »,

a déclaré le Hamas. La résistance a nié à plusieurs reprises qu’aucun de ses membres ait pu se trouver parmi des rassemblements de civils ou utiliser ces endroits à des fins militaires.

 

L’ONU « déplore » l’attaque

La bureau des droits humains de l’ONU a déclaré qu’il « déplorait » l’attaque contre al-Mawasi, qu’Israël avait unilatéralement désigné comme « zone humanitaire ».

Au lieu de garantir la sécurité des Palestiniens déplacés, l’armée israélienne

« continue d’opter pour le recours à des armes aux effets très étendus dans ces zones à très haute densité de population (…) et cela suggère un mépris total pour la vie des civils palestiniens ».

La grande majorité de la population de Gaza, qui était de 2,3 millions d’habitants avant le début du génocide, a été déplacée de ses foyers. Bien des personnes ont été déplacées à de multiples reprises, sans endroit sûr où aller.

Même si les allégations israéliennes disant que les combattants du Hamas s’étaient retranchés dans le camp étaient vraies, a fait savoir le bureau de l’ONU, cela ne relèverait pas son armée de son obligation,

« lors de ses attaques, de respecter les principes fondamentaux du droit international humanitaire que sont le discernement, la proportionnalité et la prudence ».

En décrétant ses ordres d’évacuation dans d’autres zones de Gaza, Israël a ordonné aux civils de se rendre à al-Mawasi, une zone côtière ouverte sans la moindre infrastructure pour couvrir les besoins des personnes déplacées. Tout récemment, le 24 août, Israël a encore obligé des Palestiniens à évacuer vers al-Mawasi, a déclaré le bureau des droits humains de l’ONU.

En juillet, des bombardiers israéliens avaient déjà largué des bombes sur al-Mawasi, tuant des dizaines de Palestiniens. Israël avait prétendu qu’il ciblait Muhammad Deif, le chef des Brigades Qassam, l’aile armée du Hamas et en même temps de la section de Khan Younis de la brigade.

Hamas n’avait pas confirmé que Deif avait été tué. L’homme avait déjà survécu à plusieurs tentatives d’élimination, avant cela.

Des responsables américains peuvent avoir été impliqués dans ce massacre de juillet à al-Mawasi. Le moins dernier, The New York Times rapportait que les EU avaient participé à l’interception des communications du dirigeant du Hamas, Yahya Sinwar, et qu’ils avaient également

« fourni un géoradar (permettant de détecter des mouvements souterrains, NdT) à Israël afin d’aider à le traquer, lui et d’autres commandants du Hamas ».

 

Dans le nord, des attaques contre des refuges

À maintes reprises, Israël a frappé des sites utilisés comme refuges pour les personnes déplacées de Gaza, prétendant souvent sans la moindre preuve qu’ils étaient utilisés comme centres de commandement par le Hamas et par d’autres organisations de résistance, en dépit des vastes réseaux de tunnels dont se servent les combattants palestiniens.

Le 7 septembre, l’armée israélienne a attaqué l’école Halima al-Sadia qui hébergeait des centaines de Palestiniens déplacés à Jabaliya al-Nazla, dans le nord de Gaza. L’attaque, qui a eu lieu sans le moindre avertissement, a tué quatre personnes et en a blessé plusieurs autres, rapporte l’Euro-Med Human Rights Monitor (Euro-Med).

Le même jour, quatre Palestiniens, dont un enfant, ont été tués lorsque l’aviation israélienne a bombardé l’école Amr Ibn al-Aas, dans la partie nord de la ville de Gaza. L’école servait elle aussi de refuge.

« Depuis le début août, l’armée d’occupation israélienne a bombardé 16 écoles utilisées comme refuges dans la bande de Gaza »,

a déclaré Euro-Med. Toutes ces écoles ciblées, sauf une, se trouvent dans la partie nord de l’enclave.

Plus de 215 Palestiniens ont été tués lors de ces attaques et des centaines d’autres ont été blessés, a ajouté l’organisation des droits humains, en faisant remarquer qu’Israël a intensifié ses ciblages de civils dans la ville de Gaza et dans les gouvernorats du nord du territoire.

La destruction délibérée des infrastructures civiles du nord de Gaza, dont des sites faisant office de refuges, fait partie de la stratégie israélienne cherchant à créer un environnement coercitif dans le but de transférer de force la population vers le centre et le sud de la bande de Gaza, estime Euro-Med.

 

Le plan israélien en vue de dépeupler le nord de Gaza

L’organisation de défense des droits a mis le doigt sur des articles publiés dans les médias israéliens à propos d’un plan élaboré par des commandants et recrues de réserve de l’armée israélienne en vue de dépeupler le nord de Gaza.

Le projet, dont on dit qu’il a été présenté au cabinet israélien et à d’autres hauts responsables, a été élaboré sous la direction de Giora Eiland, un major-général à la retraite, proche conseiller du ministre israélien de la Défense et qui réclamait que l’on crée des conditions en vue de propager des épidémies à Gaza, en guise de guerre biologique, en quelque sorte.

Il demande que l’on évacue quelque 300 000 civils, estime-t-on, du nord de Gaza et en une semaine seulement, après quoi la zone sera assiégée et les combattants du Hamas seront forcés de se rendre ou de se faire tuer.

Selon Aluf Benn, rédacteur en chef de Haaretz, le quotidien de Tel-Aviv, Israël est entré dans la deuxième phase de sa guerre, phase au cours de laquelle

« il va s’efforcer de parachever sa conquête du nord de la bande de Gaza ».

Benn a ajouté que le gouvernement d’extrême droite du Premier ministre Benjamin Netanyahou voulait soumettre les Palestiniens du nord de Gaza au même

« sort que les Arméniens du Nagorny Karabakh : Ils ont été chassés de la région il y a un an, de nuit, au cours d’une opération d’une extrême rapidité, par le président de l’Azerbaïdjan, Ilham Aliyev, un proche allé d’Israël ».

D’après Benn, les démarches entreprises vers cette nouvelle phase incluent la désignation récente par Israël d’un colonel à la tête de l’équivalent gazaoui de l’Administration civile en Cisjordanie, ainsi que l’ordre donné par Netanyahou à l’armée de se préparer à distribuer de l’aide en lieu et place des organisations humanitaires.

« La motivation est évidente : toute personne qui distribue les vivres et les médicaments a la main sur le bouton du pouvoir »,

a déclaré Benn.

Et d’ajouter que

« la renonciation par Netanyahou au retour des otages israéliens »

a pour but de priver Sinwar d’un levier dans les négociations. Entre-temps, la prolongation de leur captivité à Gaza va fournir

« à Israël une justification de sa poursuite de la guerre, du siège et de l’occupation ».

À leur tour, la guerre et le siège en cours forceront les Palestiniens à quitter Gaza pour de bon, prévoit Benn.

Yoav Gallant, le ministre israélien de la Défense, a déclaré mardi que l’armée avait presque terminé ses opérations à Gaza et qu’elle allait bientôt se concentrer sur le nord pour affronter le Hezbollah.

On assiste à une faille croissante entre Gallant et Netanyahou. Le premier soutient un accord négocié en vue de libérer les captifs et mettre un terme à la guerre à Gaza. Le second, lui, insiste sur une « victoire totale » contre le Hamas.

 

Israël percute un convoi de l’ONU avec ses chars et un bulldozer

Euro-Med a accusé Israël d’avoir

« très gravement compromis la campagne de vaccination contre la polio à Gaza ».

Mardi, Israël a bombardé un stand de vivres à proximité de

« trois centres hors conflit et désignés comme sûrs »

pour la campagne de vaccination contre la polio dans le quartier d’al-Tuffah, près de la ville de Gaza. Cinq personnes ont été tuées.

Euro-Med a déclaré avoir également répertorié dans le sud de Gaza des attaques qui avaient entravé la campagne de vaccination.

L’UNRWA, l’agence de l’ONU pour les réfugiés de Palestine, a déclaré que, lundi, pendant plus de huit heures, les forces israéliennes avaient bloqué un convoi faisant route vers le nord de Gaza.

« Le personnel du convoi était en route pour déployer la campagne de vaccination contre la polio pour les enfants dans le nord »,

a déclaré l’agence.

« Cet incident significatif est le dernier en date de toute une série de violations perpétrées contre le personnel de l’ONU »,

a ajouté l’UNRWA.

Stéphane Dujarric, porte-parole du secrétaire général de l’ONU, a déclaré que les déplacements du convoi avaient fait l’objet d’une coordination préalable avec l’armée israélienne.

Mais, quand le convoi auquel participaient 12 membres de l’équipe a atteint le checkpoint d’al-Rashid,

« les hommes ont été informés que les forces israéliennes voulaient retenir deux membres de l’équipe de l’ONU participant au convoi afin de les interroger ».

Les troupes israéliennes ont encerclé le convoi et ont tiré des coups de feu avant que les chars et un bulldozer de l’armée israélienne

« ne percutent les véhicules de l’ONU par l’avant et par l’arrière, compactant ainsi le convoi avec tout le personnel de l’ONU à l’intérieur ».

Dujarric a ajouté que

« le bulldozer avait laissé tomber des débris sur le premier véhicule, dans le même temps que les soldats israéliens menaçaient les hommes du convoi et les privaient de toute possibilité de sortir sans encombre des véhicules ».

Le convoi est resté sous la menace des armes pendant que

« des hauts responsables de l’ONU contactaient les autorités israéliennes dans un effort en vue de désamorcer la situation ».

Selon Dujarric,

« deux membres de l’équipe ont été interrogés par les forces israéliennes et nous ont été renvoyés ensuite après sept heures et demie d’attente au checkpoint ».

Le convoi est retourné à sa base sans avoir accompli sa mission, a ajouté Dujarric.

L’armée israélienne a prétendu

« avoir reçu des informations disant que des terroristes pouvaient s’être dissimulés au sein de la caravane »,

a fait savoir The Jerusalem Post.

Mardi, Tedros Adhanom Ghebreyesus, le directeur de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), a déclaré que

« les vaccins, les marqueurs de doigt et les équipements de la chaîne froide avaient été acheminés vers le nord »

de Gaza ce lundi.

Il a ajouté que l’agence tentait de livrer plus de carburant encore de façon que les vaccinateurs puissent atteindre les enfants et que les hôpitaux puissent

« continuer d’assurer les services essentiels ».

Les agences de l’ONU et le ministère de la santé à Gaza ont entamé la campagne de vaccination ce mois-ci, après qu’un bébé de 10 mois, dont une jambe aujourd’hui est paralysée, a été répertorié comme le premier cas de polio dans le territoire depuis 25 ans.

Près d’un demi-million d’enfants ont été vaccinés au cours des neuf premiers jours de la campagne.

« Les enfants de Gaza méritent une paix durable, et pas uniquement des vaccins contre la polio »,

a encore dit Ghebreyesus.

Au moins 41 020 Palestiniens ont été tués à Gaza depuis le 7 octobre 2023 et quelque 94 925 autres ont été blessés, estime le ministère de la santé du territoire.

Des milliers d’autres encore ont été portés manquants et un nombre inconnu de personnes sont mortes à la suite du blocus israélien et des attaques systématiques contre les hôpitaux et les infrastructures de l’eau et de son assainissement à Gaza.

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Maureen Clare Murphy est rédactrice en chef de The Electronic Intifada.

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Publié le  10 septembre 2024 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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