« C’est une terreur insupportable »

 

9 septembre 2024. Des Palestiniens fuyant leurs maisons se réfugient dans une école de l'UNRWA à la suite des violentes attaques israéliennes contre Deir al Balah, dans la partie centrale de Gaza.

9 septembre 2024. Des Palestiniens fuyant leurs maisons se réfugient dans une école de l’UNRWA à la suite des violentes attaques israéliennes contre Deir al Balah, dans la partie centrale de Gaza. (Photo : Omar Ashtawy / APA images)

 

Abubaker Abed, 12 septembre 2024

 

Pour Anas Daher, 24 ans, la situation de ce dernier mois dans la ville de Deir al-Balah, dans la partie centrale de Gaza, a été « terrifiante ».

Daher est infirmier à l’hôpital des Martyrs d’Al-Aqsa Martyrs et, début septembre, Israël a bombardé l’entrée de l’hôpital de même que le camp établi sur son pourtour.

« Des quadricoptères survolaient étroitement l’hôpital plusieurs jours déjà avant l’incursion, tout en produisant des sons bizarres »,

dit-il,

« comme des aboiements de chiens. Le jour où nous avons dû fuir [le 25 août], un sniper avait pris position tout près et il tirait sur les personnes qui s’enfuyaient. »

Depuis, Daher est retourné à son travail à l’hôpital, mais il explique que les quadricoptères et les hélicoptères Apache continuent à le survoler.

« Nos hôpitaux sont ciblés »,

dit-il.

« Nous adressons un appel au monde pour qu’on les protège. Nous avons vraiment besoin de toute urgence qu’on mette fin à cette guerre. »

Près d’un million de personnes ont été déplacées vers les 15 kilomètres carrés de la municipalité de Deir al-Balah, et les gens cherchent refuge partout où ils le peuvent, sur les terrains, sur les terrains des hôpitaux et des écoles.

Pourtant l’armée israélienne continue d’attaquer la zone, et ses opérations militaires se sont intensifiées depuis le début septembre. La zone a subi des destructions sans précédent, des bâtiments ont été anéantis par des missiles, d’autres ont été rasés par les bulldozers.

Et, maintenant, voilà qu’on annonce que les quadricoptères qui survolent la zone font également entendre des enregistrements inaudibles de chiens qui aboient et d’armes qui tirent sur Deir al-Balah, surtout pendant la nuit.

Les dernières perturbations de ce genre avaient été rapportées à Middle East Eye en avril 2024, au camp de réfugiés de Nuseirat, et elles ont toujours lieu à ce jour.

 

« C’est une terreur insupportable »

Shadi Abdul Jawwad, 19 ans, a été forcé de quitter sa maison de la rue Salah al-Din quand les troupes israéliennes ont entamé leurs opérations terrestres à Deir al-Balah même.

Après avoir enduré des fusillades et des explosions incessantes, ainsi que le survol permanent des avions de combat, il a cherché refuge au domicile de son oncle, dans la partie centrale de Deir al-Balah.

Même si la maison se trouvait dans une zone désignée comme « sûre » par Israël, les forces d’occupation ont bombardé le bloc de maisons et ont causé des dégâts à plusieurs d’entre elles, dont la sienne.

Pendant ce temps, et après, des quadricoptères ont continué à vrombir autour des bâtiments. Abdul Jawwad et les six membres de sa famille ont dès lors été forcés d’aller dormir dans un abri.

« Nous pouvions clairement entendre leur bruit »,

dit Abdul Jawwad.

« Mais ils diffusaient également des aboiements de chiens et de fausses détonations afin de nous intimider. »

« Nous nous sommes précipités pour voir les chiens dès les premiers sons, mais aucun chien n’était présent. Même quand nous entendons les quadricoptères qui tirent sans arrêt, et ils le font impitoyablement, nous comprenons bien vite que ce n’est pas réel. »

« Je ne vois pas très bien pourquoi ils font cela. C’est tout simplement inconcevable »,

dit-il.

Après cela, ils sont restés à l’intérieur et n’ont plus ouvert les portes ni les fenêtres, parce qu’ils étaient certains de se faire tirer dessus par les quadricoptères ou les snipers, s’ils le faisaient.

« La nuit, nous ne pouvons même pas dormir »,

dit-il.

« C’est une terreur insupportable… Non seulement les drones nous effraient, mais également les attaques massives de l’armée israélienne, les fausses fusillades, les aboiements de chiens diffusés par les quadricoptères et autres tirs d’obus des hélicoptères Apache. »

Abdul Jawwad explique que les gens se familiarisent avec ces tactiques tels les enregistrements audio, mais tout cela a quand même un effet écrasant.

« Voilà 11 mois que cela dure. Nous sommes épuisés mentalement. Nous prions pour en voir la fin »,

dit-il.

 

La panique de nuit

Les quadricoptères ont également survolé l’appartement loué des dernières semaines par Khuloud al-Ramlawi à Deir al-Balah, et cela les a empêchés de dormir, elle et les membres de sa famille.

L’un de ses quatre enfants souffre de paralysie cérébrale et, dernièrement, il a été terrifié par les bruits des chiens qui aboyaient. Depuis, Khuloud al-Ramlawi a vu ces quadricopères illuminés survolant l’environ la nuit et elle a fini par se rendre compte que c’étaient eux, la source de tous ces bruits.

« Je me lève en panique quatre fois par nuit »,

dit-elle.

« Ces bruits sont alarmants. Ils sont trompeurs et attirent notre attention avec des aboiements de chiens. Toutefois, il n’y a absolument rien, dehors, sauf ces quadricoptères. Parfois même, nous nous levons à la suite de bruits de fusillade acharnée. Et c’est la même chose : ce sont des bruits enregistrés, qu’ils diffusent. »

« Aucune mère ne devrait vivre cela »,

dit-elle.

« C’est infernal et cauchemardesque. Je ne sais pas ce qu’il y aura après. Mais je ne puis supporter la vue de mes enfants terrifiés en permanence. »

Tout ce qu’elle souhaite, c’est de pouvoir faire en sorte que ses enfants se sentent à nouveau en sécurité.

« Nous avions notre vie, avant cela. Israël a détruit tout ce que nous avions. Mon rêve est tout simplement que cette guerre se termine et que je puisse retourner dans ma maison détruite à Gaza. »

 

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Abubaker Abed est journaliste et traducteur. Il est originaire du camp de réfugiés de Deir al-Balah à Gaza.

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Publié le 12 septembre 2024 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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