Pourquoi l’UE fait-elle toujours équipe avec les entreprises technologiques israéliennes ?
L’UE a approuvé un projet sur la technologie des puces informatiques impliquant cinq entreprises israéliennes, au cours de l’actuel génocide.
David Cronin, 24 septembre 2024
Pour peu qu’on puisse se fier aux gros titres des infos, les relations entre Israël et l’Union européenne (UE) seraient au plus mal.
Josep Borrell, le chef de la diplomatie européenne, est aujourd’hui un personnage détesté, aux yeux du gouvernement de Tel-Aviv. Récemment encore, Israel Katz, le ministre israélien des Affaires étrangères, a taxé Borrell d’antisémitisme – une accusation sans fondement – pour avoir fait remarquer qu’une attaque contre une école de Gaza violait les lois internationales.
Les gros titres ne racontent pas la totalité de l’histoire.
En réalité, Borrell se montre accommodant envers Israël depuis la majeure partie de son mandat de cinq ans (qui se terminera en novembre prochain). Il a effectivement donné le feu vert à la destruction totale de Gaza telle qu’elle a été initiée en octobre 2003, et ce, en qualifiant de défensive la violence tous azimuts de l’État d’Israël.
En tout cas, en dehors de Borrell, la bureaucratie bruxelloise dispose de nombreux collaborateurs gérant les liens avec Israël. De nombreux fonctionnaires ont continué à traiter avec Israël sur une base habituelle, bien que la Cour internationale de Justice ait jugé plausible une affaire de génocide contre cet État.
Une chose a échappé à l’attention des médias traditionnels : L’UE a approuvé un projet sur la technologie des puces informatiques impliquant cinq entreprises israéliennes, au cours de l’actuel génocide.
L’absence d’intérêt des médias a quelque chose d’intrigant étant donné que ce projet est très onéreux. Il s’est vu allouer 109 millions de dollars, dont près d’un quart en provenance de l’UE.
Appelé 10ACe, le projet est manifestement destiné à « repousser les limites de la conception des semi-conducteurs ».
Le projet se déroule dans le cadre d’un effort plus important de l’UE en vue de renforcer son prétendu « leadership technologique ».
Israël est un membre à part entière du partenariat dirigé par l’UE en matière de puces. Le partenariat associe les autorités publiques et des entreprises privées.
Faire équipe avec Israël est moralement répréhensible. Mais la chose est également suspecte, d’un point de vue plus dur.
L’économie israélienne connaît un déclin manifeste en conséquence directe de la belligérance de l’État durant l’année écoulée. Ses dégradations répétées par les agences de notation de crédit sont peut-être la manifestation la plus visible de ce déclin.
L’attractivité d’Israël pour l’industrie technologique a diminué.
L’entreprise américaine Intel a lourdement investi en Israël durant plusieurs décennies et elle a fait savoir l’an dernier que ses activités de fabrication de puces allaient bientôt s’y développer. Toutefois, les plans d’expansion ont été gelés, presque à coup sûr en raison de la situation actuelle.
Le déclin économique est susceptible de s’aggraver si Israël s’obstine dans sa guerre contre Gaza, la Cisjordanie et le Liban. Et il existe une possibilité distincte de voir Israël finalement se muer en paria international, de la même façon que l’Afrique du Sud de l’apartheid, en son temps.
Dans ce contexte, l’approche inchangée de l’Union européenne à l’égard d’Israël est à la fois répugnante et insensée.
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David Cronin est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont Europe Israël : Une alliance contre-nature (Ed. La Guillotine – 2013) et Europe’s Alliance With Israel: Aiding the Occupation (Pluto Press, 2011 – L’Alliance de l’Europe avec Israël contribue à l’occupation). Il a participé à la rédaction du rapport “The israeli lobby and the European Union”.
Son dernier livre est : Balfour’s Shadow: A Century of British Support for Zionism and Israel (Pluto Press – Londres 2017).
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Publié le 24 septembre 2024 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine