Gaza « est devenu un cimetière pour enfants », dit l’UNICEF
La campagne israélienne de massacre, de déplacement forcé, de destruction et d’affamement systématiques dans le nord de Gaza en est aujourd’hui à sa dixième semaine, dans le même temps que les frappes aériennes et les massacres se succèdent sans interruption dans toutes les zones de l’enclave côtière.
Nora Barrows-Friedman, 12 décembre 2024
Durant la semaine écoulée, les Palestiniens du nord de Gaza ont subi de nouvelles vagues de déplacement forcé, du fait que les forces israéliennes ont ordonné à quelque 5 500 personnes logées dans des écoles de Beit Lahiya de se rendre dans la ville de Gaza.
Le journaliste Ibrahim al-Khalili, actif dans le nord de Gaza, a expliqué que les gens avaient été forcés de s’en aller, le 5 décembre, au beau milieu des tirs des chars israéliens.
Les Nations unies disent que, depuis fin novembre, environ 8 000 personnes ont été déplacées de force des régions du nord vers Gaza.
Le 11 décembre, une attaque israélienne contre Beit Lahiya a tué au moins 20 personnes vivant dans la maison à plusieurs étages de la famille Abu Tarabish.
Mardi, l’armée israélienne a bombardé un immeuble résidentiel à Beit Hanoun, dans le coin du nord-est de Gaza. 25 personnes ont été tuées, des dizaines d’autres blessées.
Le bureau gouvernemental des médias de Gaza a déclaré que
« l’armée d’occupation savait que cet immeuble résidentiel hébergeait des dizaines de civils déplacés et que la majorité d’entre eux étaient des enfants et des femmes qui avaient été déplacés de leurs maisons et des quartiers résidentiels habités par des civils ».
À Beit Lahiya, ces derniers jours, les forces israéliennes ont perpétré une série de massacres à l’hôpital Kamal Adwan et dans ses environs immédiats.
Vendredi 6 décembre, Israël a lancé une autre attaque contre l’hôpital même, entre autres, en tirant directement sur une ambulance qui se trouvait à proximité du site hospitalier.
Des équipes de terrain d’Euro-Med Human Rights Monitor (Euro-Med) ont rapporté que les troupes israéliennes utilisaient des prisonniers palestiniens comme boucliers humains,
« les obligeant à avertir le personnel de l’hôpital que toutes les personnes déplacées et autres accompagnant les patients devaient quitter les lieux et se rendre dans des zones contrôlées par les forces israéliennes. Un grand nombre de ces personnes ont été arrêtées à leur arrivée, alors que d’autres étaient forcées de se rendre à un check-point dans la zone de l’Administration civile [une institution de l’armée israélienne] et de gagner ensuite la ville de Gaza ».
Israël a bombardé les voisinages de l’hôpital tout en ordonnant au personnel médical et aux patients de s’en aller, d’après Euro-Med. Le siège a duré plusieurs heures, laissant entre 30 et 50 personnes tuées dans les rues et les maisons avoisinantes.
Une délégation de chirurgiens venue d’Indonésie a elle aussi été évacuée de force de l’hôpital par l’armée israélienne, laissant l’hôpital sans un seul chirurgien.
D’après le directeur de l’hôpital, le Dr Hussam Abu Safiya, quatre membres de son personnel médical ont été tués et bien d’autres blessés.
Le Dr Abu Safiya a ajouté que les forces israéliennes avaient visé les générateurs d’oxygène et n’avaient laissé sur place que deux chirurgiens inexpérimentés pour traiter les cas critiques. Malgré leur expérience limitée, les deux hommes avaient pratiqué des interventions afin de sauver une vingtaine de personnes grièvement blessées.
Moins de 24 heures après que les drones israéliens avaient bombardé l’hôpital Kamal Adwan, les forces israéliennes l’ont de nouveau attaqué, tuant Mahmoud Abu al-Aish, un jeune de 16 ans en chaise roulante, alors qu’ils se rendait au département de radiologie, a expliqué le ministère de la santé de Gaza.
Samedi 7 décembre, Israël a une fois de plus ciblé l’hôpital. La vidéo que voici a été réalisée par le journaliste Anas al-Sharif à l’intérieur même de l’hôpital.
Le Dr Hussam Abu Safiya, le directeur de l’hôpital, a rapporté samedi qu’Israël avait visé l’unité des soins intensifs (USI) et les sections de chirurgie, ainsi que les départements d’ingénierie et d’entretien. Les attaques ont blessé trois enfants, dont deux étaient déjà hospitalisés, a-t-il dit.
Il a qualifié cette attaque de barbare.
S’adressant au ministère de la santé de Gaza, le Dr Abu Safiya a expliqué que l’hôpital avait été touché par plus d’une centaine de gros projectiles, entre autres tirés par des drones quadricoptères, qui avaient visé chaque fenêtre de la façade ouest de l’hôpital.
Durant la première semaine de décembre, l’hôpital Kamal Adwan a subi plus d’une dizaine d’attaques directes, qui ont fait 22 blessés, dont du personnel médical.
Durant la semaine écoulée, les forces israéliennes ont attaqué à maintes reprises l’Hôpital indonésien, situé également à Beit Lahiya, blessant trois membres du personnel médical ainsi que six patients le 8 décembre.
Le 10 décembre, le ministère de la santé a lancé un appel urgent au nom du personnel et des patients de l’Hôpital indonésien, disant que 60 patients blessés risquaient de mourir en raison du manque de nourriture et d’eau.
« La situation humanitaire à l’intérieur de l’hôpital est devenue extrêmement dangereuse, du fait que les blessés manquent de choses essentielles, ce qui accroît leurs souffrances dans les conditions difficiles imposées par les forces d’occupation »,
a ajouté le ministère de la santé.
Des Palestiniens déplacés brûlés vifs à al-Mawasi
Le 4 décembre, à al-Mawasi, qui s’est mué en ville de tentes dans les dunes de sable de la côte de Gaza, Israël a de nouveau bombardé des personnes déplacées, dont bon nombre ont été brûlées vives.
Selon Euro-Med, 22 Palestiniens, dont des enfants, ont été tués dans l’attaque, et près d’une vingtaine ont été blessés par brûlure.
Vers 18 heures, des avions et hélicoptères de combat israéliens
« ont tiré plusieurs missiles sur les tentes des personnes déplacées à Mawasi Khan Younis, une zone dont Israël prétend qu’il s’agit d’une zone humanitaire sûre. Des personnes déplacées ont été brûlées vives dans leurs tentes délabrées, a déclaré Euro-Med.
Selon des détails collectés par l’équipe de terrain de l’organisation, l’armée israélienne
« a délibérément ciblé des civils ».
Euro-Med explique :
« Israël a d’abord ordonné l’évacuation d’une partie de la zone et un hélicoptère israélien a lancé un missile sur les personnes déplacées au moment où elles évacuaient. Les raids se sont par la suite répétés sur une zone de 700 mètres, frappant directement les tentes des personnes déplacées et les incendiant. »
La directeur pour Gaza de Medical Aid for Palestinians a déclaré que l’attaque contre al-Mawasi
« avait prouvé une fois de plus qu’aucun endroit à Gaza n’est à l’abri des attaques de l’armée israélienne. Les personnes sur place ont été laissées dans un état permanent de peur et de détresse psychologique, et sont obnubilées par le fait qu’elles ne peuvent se mettre à l’abri nulle part ».
Des attaques incessantes contre la partie centrale de Gaza
Dans la partie centrale de Gaza, Israël a ciblé nombre de zones à Nuseirat, al-Bureij et Deir al-Balah.
Au moins cinq Palestiniens ont été tués le 11 décembre à Nuseirat et à Deir al-Balah lorsque l’aviation israélienne a bombardé le centre de la bande de Gaza.
L’ONU a fait savoir que, le 6 décembre, 34 Palestiniens, dont au moins six enfants, avaient été tués lors d’une attaque israélienne contre un immeuble résidentiel du camp de réfugiés de Nuseirat.
Le 8 décembre, au moins 11 Palestiniens, dont des enfants, ont été tués et des corps ont été déchiquetés au moment où Israël a bombardé une maison à al-Bureij.
À Nuseirat, le 4 décembre, quatre enfants – trois garçons et une fille âgés de 5 à 11 ans – ont été tués à proximité d’un point de distribution de vivres, alors qu’ils faisaient la file pour un repas, a fait savoir l’UNICEF.
L’agence pour les enfants a déclaré :
« Jour après jour, semaine après semaine et ce depuis près de 14 mois, Gaza n’est rien de moins qu’un enfer sur terre. Aucun enfant ne devrait subir ce genre d’atrocités et de carnages, aucun père ou mère ne devrait enterrer son enfant. »
« Gaza est devenu un cimetière pour enfants et pour familles entières »,
a ajouté l’UNICEF.
« La réponse humanitaire générale à Gaza est au bord de l’effondrement total. Les existences de la quasi-totalité des enfants sont en danger ou ont été brisées par des traumatismes, des pertes et des privations inconcevables. Leur sécurité et leur accès à l’aide humanitaire essentielle ne sont pas facilités comme le requièrent explicitement les lois internationales. »
Dimanche matin, des attaques contre Deir al-Balah et ses environs ont tué cinq membres d’une même famille, alors qu’ils dormaient dans un camp pour personnes déplacées.
Et, lundi, quatre enfants ont été tués à Magahzi, alors qu’ils jouaient en face de chez eux.
Notre contributeur Abubaker Abed a fait état d’attaques répétées des avions de combat, hélicoptères et chars israéliens contre Maghazi, Nuseirat, al-Bureij et autour de Deir al-Balah au cours de ces derniers jours.
Et dimanche, à Rafah, dans le sud de Gaza, Israël a attaqué un groupe de Palestiniens qui faisaient la file pour acheter de la farine. Il y a eu dix tués.
La famine s’intensifie
Les Nations unies ont déclaré que la combinaison des refus d’accès à l’aide et des
« hostilités en cours, de l’effondrement de l’ordre public et de la sécurité, et de l’absence totale d’arrivée de marchandises commerciales, ainsi que du prix exorbitant des quelques rares denrées de base toujours disponibles sur les marchés a contribué dans l’ensemble à la détérioration de la diversité alimentaire »
à Gaza.
En novembre, le pain et les légumineuses dominaient dans les menus des ménages depuis deux mois consécutivement et la consommation de légumes, de viande et d’œufs avait pratiquement disparu, a ajouté l’ONU.
Une étude récente menée par l’UNICEF, l’agence de l’ONU pour les enfants, a révélé que près de 100 pour 100
« des enfants de 6 à 23 mois et des femmes enceintes et de celles qui allaitent à Gaza, Deir al-Balah et Khan Younis, n’ont pas accès à la diversité alimentaire minimale », qui consiste à « recevoir des aliments d’au moins quatre groupes alimentaires sur sept ».
Cette semaine, l’agence de l’ONU pour les droits sexuels et reproductifs a publié un rapport disant que près de 50 de ses camions chargés d’équipement et de fournitures de santé reproductive, dont des médicaments qui préviennent les hémorragies chez les femmes pendant l’accouchement, des tentes, des serviettes hygiéniques jetables, des kits d’hygiène et des générateurs, sont bloqués à la frontière, attendant de pouvoir entrer à Gaza.
Certains camions sont à l’arrêt depuis début septembre, déclare l’ONU. Seulement 41 pour 100 des mouvements d’aide planifiés par l’ONU ont été facilités en novembre ; aucun n’a eu le feu vert pour se rendre dans le nord de Gaza.
Mise en évidence de la communauté
Finalement, comme nous le faisons chaque fois, nous avons voulu partager des images de personnes exprimant leur défi et leur résilience face à la campagne israélienne de destruction.
Cette semaine, Translating Falasteen (Traduire la Palestine) et le Sameer Project, des médias sociaux locaux et des organisations d’aide, ont honoré les travailleurs sanitaires dans le nord de Gaza.
Ces travailleurs sont surtout des volontaires, ils sont payés chichement et de façon irrégulière, et Translating Falasteen et le Sameer Project ont distribué des enveloppes d’argent liquide. Le narrateur déclare :
« Nous en sommes aujourd’hui au 430e jour de guerre. Et, malgré les circonstances difficiles, ils engendrent l’espoir. Et, en nettoyant nos rues à Gaza, si Dieu le veut, Gaza sera encore plus belle qu’elle ne l’était auparavant. Les travailleurs sanitaires sont ceux qui engendrent l’espoir après 400 jours. »
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Cet article est tiré de la revue des infos présentée au cours du livestream du 11 décembre. Vous pouvez visionner la totalité de l’émission ICI.
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Publié le 12 décembre 2024 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine