Un adolescent palestinien affirme avoir été violé par un interrogateur israélien

Un enfant palestinien emprisonné a été violé par un interrogateur israélien, a-t-il dit à Defense for Children International Palestine (DCI-P).

 Des agents de la police israélienne des frontières arrêtent deux jeunes Palestiniens près de la porte de Damas dans la vieille ville de Jerusalem le 7 décembre, 2017. (Photo: Activestills / Oren Ziv)

Tamara Nassar, 19 février 2021

L’adolescent de 15 ans, dont l’identité est connue de DCI-P mais occultée pour des raisons de vie privée, a transmis son témoignage à l’organisation des droits humains.

Israël a placé l’enfant en résidence surveillée en novembre 2020.

Les forces israéliennes d’occupation l’ont ensuite emmené de son domicile, dans le quartier d’Issawiyeh, à Jérusalem-Est occupée, au milieu de la nuit du 13 janvier dernier. Il devait normalement comparaître au tribunal le même jour, paraît-il.

L’expérience d’une arrestation de nuit à elle seule est particulièrement traumatisante pour un enfant et les membres de sa famille.

Les forces israéliennes ont alors emmené le garçon au centre d’interrogatoire et de torture de la Mission russe (Russian Compound) de Jérusalem, où laissé dans un couloir, menotté et les yeux bandés, il a été agressé à plusieurs reprises par des gens qui passaient là.

« Toutes les deux ou trois minutes, quelqu’un s’amenait pour me gifler, me donner des coups de poing ou de pied », a dit l’ado à DCI-P.

Il a expliqué qu’il avait ensuite été conduit dans un local om il avait été interrogé par un homme qui s’était présenté comme le capitaine Kamel.

« Il m’a donné des coups de pied et de poing tout en criant et en disant que je devais lui dire ce que j’avais fait »,

s’est rappelé le garçon. Il était accusé d’avoir jeté des pierres et des cocktails Molotov.

« Chaque fois que je lui disais que je n’avais rien fait, il me battait plus violemment encore. Il m’a menacé de me faire subir des décharges électriques, mis je lui ai répété que je n’avais rien fait. »

Le garçon a affirmé que le même homme « l’avait projeté au sol alors qu’il avait les yeux bandés et qu’il l’avait violé avec un objet », a expliqué DCI-P. L’homme l’a menacé de poursuivre ces violences sexuelles tant que le garçon n’aurait pas avoué.

Le garçon a dit que l’homme l’avait ensuite poussé contre le mur et qu’il lui avait fait très mal à ses parties génitales.

« Il n’y a pas de mots pour décrire cela », a expliqué le garçon à DCI-P.

Le capitaine Kamel l’a également menacé de poursuivre les violences physiques et sexuelles si le garçon racontait à son avocat ce qui s’était passé.

Environ un quart d’heure après l’incident, le garçon a eu la permission de voir son avocat pendant cinq minutes.

Il a été de nouveau interrogé au cours des heures et des jours qui ont suivi et il a été soumis à des violences verbales, puis forcé de signer des documents en hébreu, une langue qu’il ne comprend pas.

Des agressions sexuelles à l’encontre des détenus

Alors que le témoignage du garçon est déjà choquant en lui-même, ces dernières années ont vu à tout moment apparaître des rapports faisant état de menaces et violences sexuelles émanant des interrogateurs israéliens à l’encontre d’enfants et d’adultes palestiniens.

En 2013, un garçon de 14 ans détenu à la Mission russe a affirmé qu’un interrogateur israélien avait menacé de le violer avec un manche de brosse à moins qu’il ne signe des aveux.

La même année, l’organisation israélienne des droits humains, B’Tselem, a rapporté que des enfants palestiniens détenus au bureau de police d’Etzion, dans une colonie israélienne en Cisjordanie occupée, avaient été régulièrement brutalisés et soumis à des tortures et, dans certains cas même menacés de violences sexuelles.

Plus de 60 témoignages émanant de Palestiniens, surtout des mineurs d’âge, emprisonnés dans la colonie entre 2009 et 2013, faisaient état de « graves violences physiques » qui, dans certains cas, équivalaient à de la torture.

Douze de ces comptes rendus comportaient des plaintes disant qu’un interrogateur israélien « les avait menacés, eux ou de proches parentes, d’agression sexuelle, telle que viol et violences génitales », affirmait B’Tselem.

Il s’avère en outre que la nature des menaces et des violences est une constante. Le cas le plus récent comporte des similitudes avec le compte rendu, pour des faits ayant eu lieu en 2007, d’un Palestinien de 23 ans et qui a paru dans une étude publiée en 2015 par le journal Sexual and Reproductive Health Matters (Problèmes de santé liés au sexe et à la reproduction).

« Ils m’ont enlevé mon pantalon et mes sous-vêtements et m’ont poussé un bâton dans le dernière », avait expliqué à l’époque le prisonnier (dont l’identité n’a pas été révélée) au Comité public contre la torture en Israël (PCATI).

« Ils se sont arrêtés quand quelqu’un est entré et leur a demandé ce qu’ils faisaient là », avait-il ajouté.

« Un peu plus tard, l’officier m’a emmené aux toilettes, a fermé la porte, m’a forcé à m’asseoir et m’a pissé sur le visage et le corps. »

L’étude a consulté la banque de données du PCATI couvrant les années 2005-2012 et a découvert que 60 des 1 500 témoignages collectés faisaient état de tortures et de mauvais traitements sexuels de la part des militaires, de la police, du personnel des renseignements et du personnel carcéral. 

Le cas de l’homme de 23 ans était le seul à impliquer nommément un viol – avec un objet – bien qu’il y en ait eu d’autres qui comprenaient des menaces d’agression sexuelle ou des simulacres d’agression sexuelle.

Aucun des 60 témoignages n’a débouché sur une condamnation – bien qu’un cas eût encore été en examen au moment de la rédaction de l’étude, en 2015.

La violence sexuelle à l’encontre de détenus constitue une forme de torture, avec des effets psychologiques à très long terme. Cette forme de violence comprend le harcèlement sexuel verbal, la nudité forcée et l’agression sexuelle physique, selon l’étude publiée par le journal.

La prévalence de la violence sexuelle perpétrée à l’encontre des prisonniers palestiniens par leurs ravisseurs israéliens est loin d’être universellement connue.

Qui plus est, l’étude ne s’appuyait que sur les seuls témoignages collectés par le PCATI.

La violence sexuelle est trop souvent négligée, dans les rapports, et elle ne l’est pas moins dans le cas des Palestiniens détenus par Israël.

Les Palestiniens peuvent être très peu disposés à transmettre leur témoignage, entre autres, par crainte d’un châtiment ou de représailles, ils peuvent hésiter à le céder à une organisation israélienne ou être dissuadés de le faire en raison des stigmates laissés généralement aux victimes de ce genre de violences.

En sus des dangers et des coûts psychologiques de ces violences, il y a les perspectives quasiment nulles d’obtenir un jour justice, alors qu’il va falloir supporter quand même les coûts émotionnels, financiers et la durée requis par le suivi d’une telle procédure.

On sait pertinemment bien que ces facteurs découragent la mention de délits sexuels auprès de nombreuses juridictions, mais qu’ils sont particulièrement lourds pour les Palestiniens dans un contexte où le système d’investigation militaire d’Israël n’est qu’une feuille de vigne destinée à camoufler l’occupation et qu’il n’accorde aux Palestiniens aucun accès à la justice.  

Torture, traumatisme et intimidation

Alors que la Cour suprême israélienne a prétendument interdit officiellement la torture en 1999, elle a également décidé que l’agence nationale de renseignement, le Shin Bet, pouvait, dans certaines circonstances rares et exceptionnelles du type « bombe à retardement » (autrement dit, de menace ou risque imminent, NdT), recourir à la torture dans ses enquêtes parmi les prisonniers palestiniens.  

La torture est absolument interdite, sur le plan international, et en quelque circonstance que ce soit, et il n’existe aucune exception.

Mais le Shin Bet a prétexté de la « bombe à retardement » pour torturer des centaines de Palestiniens, rapporte Amnesty International.

Cette échappatoire israélienne de la « bombe à retardement » a été reprise par la CIA pour justifier le recours à la torture par le gouvernement des Etats-Unis, a révélé en 2014 une enquête du Sénat américain.

OOO

Ali Abunimah a contribué à ce reportage.


Publié le 19 février 2021 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal

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