L’Université Columbia complice de l’arrestation voulue par Trump du leader étudiant Mahmoud Khalil

Mise à jour
Lundi après-midi, un juge fédéral de New York a émis une décision disant que le gouvernement ne pouvait pas déporter Mahmoud Khalil « sauf au cas où la Cour en déciderait autrement, et pas avant ».

Le juge de district américain Jesse M. Furman a fixé une audience le mercredi 12 mars à propos de la demande d’habeas corpus de Khalil – une contestation judiciaire de la légalité de son arrestation. En attendant, Khalil reste en garde à vue fédérale.

Mahmoud Khalil. (Photo : Avec l'aimable autorisation de Writers Against the War on Gaza – Écrivains contre la guerre à Gaza)

Mahmoud Khalil. (Photo : Avec l’aimable autorisation de Writers Against the War on Gaza – Écrivains contre la guerre à Gaza)


Ali Abunima
h, 10 mars 2025


L’article original


Lundi matin, Mahmoud Khalil a été incarcéré dans un bâtiment fédéral de l’immigration, en Louisiane.

Samedi soir, le tout récent diplômé de Columbia se trouvait à l’intérieur de son appartement (dont l’université est propriétaire) à New York quand des agents de l’Immigration and Customs Enforcement (ICE – Contrôle de l’immigration et des douanes) sont entrés chez lui et l’ont arrêté, a déclaré à Associated Press Amy Greer, son avocate.

Alors qu’il languit dans une cellule, loin de chez lui et de sa famille, ses amis étudiants dénoncent le silence et l’apparente complicité de Columbia dans son arrestation.

Dimanche, le département américain de la Sécurité intérieure a confirmé l’arrestation de Khalil, prétendant qu’elle avait eu lieu en raison d‘« activités s’alignant sur le Hamas ».

L’arrestation de Khalil est la toute dernière escalade de la répression par l’administration Trump des partisans des droits palestiniens sous le prétexte de combattre l’« antisémitisme » et le soutien au « terrorisme ».

Bien connu et respecté sur le campus, Khalil a dirigé les négociations entre les responsables de l’université et les étudiants au cours de l’occupation du campus l’an dernier pour protester contre le génocide israélien en Palestine et contre la répression en cours.

Citoyen algérien d’origine palestinienne et résident permanent légal des États-Unis, Khalil est nanti d’une carte verte censée lui accorder toutes les protections constitutionnelles de la liberté de parole dont bénéficient les citoyens américains.

 

Une arrestation arbitraire

Selon Greer, les agents de l’ICE ont également menacé d’arrêter la femme de Khalil, une citoyenne américaine enceinte de huit mois.

« Greer a dit qu’elle s’était entretenue par téléphone avec l’un des agents de l’ICE qui avait participé à l’arrestation. L’homme lui avait dit qu’ils avaient agi sur les ordres du département d’État afin de révoquer le visa d’étudiant de Khalil »,

a rapporté Associated Press.

« Informé par le procureur que Khalil séjournait aux États-Unis en tant que résident permanent titulaire d’une carte verte, l’agent a déclaré qu’ils révoquaient cette dernière, en lieu et place, d’après l’avocate. »

Dimanche, sur Twitter/X, le secrétaire d’État Marco Rubio a partagé un article d’AP traitant de l’arrestation de Khalil, tout en promettant :

« Nous allons révoquer les visas et/ou les cartes vertes des partisans du Hamas en Amérique, de façon à pouvoir les déporter. »

Alors que les détenteurs de carte verte comme Khalil peuvent perdre leur résidence sous certaines conditions, leur statut ne peut être annulé arbitrairement par le gouvernement.

La résidence permanente ne peut être révoquée que par un juge de l’immigration s’appuyant sur des critères spécifiques établis dans la loi et suite à un procès en bonne et due forme, absolument inexistant dans le cas de Khalil.

Au cours de l’arrestation, l’un des agents « a montré à Khalil que ce qu’il voulait, c’était un mandat sur son téléphone », selon un communiqué de presse émanant de l’organisation de solidarité Écrivains contre la guerre à Gaza.

La femme de Khalil est alors allée récupérer la carte verte de son mari, pendant que les agents attendaient avec lui.

« Quand elle est revenue pour les aviser du statut juridique de Khalil et qu’elle leur a présenté sa carte verte, l’un des agents a visiblement été confus et a dit au téléphone : ‘Il a une carte verte’ »,

toujours selon le communiqué de presse.

La femme de Khalil a alors appelé l’avocate qui s’est entretenue avec les agents mais, quand l’avocat a réclamé une copie du mandat, l’agent, paraît-il, a raccroché.

Greer a introduit une requête en habeas corpus – une contestation judiciaire d’urgente de la validité de l’arrestation de Khalil.

Le procureur a expliqué au Washington Post que l’arrestation de Khalil

« suit la répression ouverte, par le gouvernement des États-Unis, de l’activisme et du discours politiques estudiantins, ciblant particulièrement les étudiants de l’Université Columbia en raison de leurs critiques à l’égard de l’offensive israélienne contre Gaza ».

Les agents fédéraux ont également tenté d’arrêter un autre étudiant international à Columbia, ce fameux week-end.

« Selon les Student Workers de Columbia, un syndicat d’étudiants diplômés représentant la femme, trois agents de l’ICE ont rendu visite à leur résidence (propriété de l’université) vendredi soir et ont tenté d’entrer sans mandat »,

a rapporté Associated Press.

« À juste titre, les agents ont été refoulés à la porte »,

a déclaré le syndicat.

 

Indignation et solidarité

Lundi matin, une requête en ligne réclamant la libération de Khalil avait récolté plus d’un million de signatures.

La communauté palestinienne et les organisations de solidarité ont réclamé un rassemblement d’urgence à l’extérieur du bâtiment fédéral à New York.

La Comité américano-arabe contre la discrimination a condamné l’arrestation de Khalil en tant qu’

« acte extrémiste et flagrant de représailles politiques pour son plaidoyer protégé par le Premier Amendement ».

FIRE, une organisation juridique d’avocats, qui défend la liberté d’expression sur les campus, a mis en garde :

« De même que les étudiants et autres manifestants sont obligés de respecter les règles de conduite légales, notre gouvernement est tenu de respecter le Premier Amendement. »

Les membres du Parti démocrate au Congrès, Pramila Jayapal et Rashida Tlaib, et le candidat à la mairie de New York Zohran Mamdani ont également dénoncé l’arrestation de Khalil comme une attaque contre la liberté d’expression et les droits fondamentaux.

 

La complicité de Columbia

Alors que l’alarme croît contre la censure et la répression exercées par le présent gouvernement, il y a également une colère considérable contre le silence et l’apparente complicité de l’Université Columbia, qui a mené une répression sévère contre les partisans des droits palestiniens et ce, dans une tentative en vue d’apaiser les donateurs et hommes politiques pro-israéliens.

Vidéo EI : Les étudiants de l’Université Columbia parlent des répressions les plus récentes du Département de police de New York (NYPD) contre les protestations propalestiniennes. Vidéo visible sur TouTube.

Cet effort a été totalement futile, puisque, la semaine dernière, l’administration Trump a annulé 400 millions de dollars en subventions fédérales à Columbia en guise de représailles pour l’incapacité de l’université a réprimer suffisamment les protestations contre le génocide perpétré par Israël.

« Malgré la brutalité de son arrestation et la menace qui pèse sur sa vie et sa liberté, l’Université Columbia – une institution qui s’enorgueillit de sa liberté académique et de sa poursuite de la justice – est restée étrangement silencieuse »,

a déclaré lundi la Coalition de solidarité de Columbia avec la Palestine.

« Ce silence n’est pas seulement une incapacité à défendre quelqu’un de son bord, mais un soutien à une arrestation injuste, anti-palestinienne et politiquement motivée. »

L’université n’a pas répondu aux questions d’un journaliste qui voulait savoir si elle était au courant à l’avance des activités de l’ICE autour du campus ou de l’arrestation de Khalil, mais elle s’est contentée en lieu et place d’aiguiller le journaliste vers une déclaration générale.

Mais, selon le Columbia Spectator, un journal du campus, c’est samedi que les étudiants ont remarqué l’activité de l’ICE autour du campus.

« Trois agents de sécurité des logements sur le campus ont confirmé au Spectator que, samedi, ils avaient reçu de la part de leurs superviseurs un avis de la présence de l’ICE autour du campus »,

a rapporté la publication – c’est un signe que les responsables de l’université peuvent très bien en avoir été prévenus à l’avance.

« L’Université Columbia a publié des directives sur la meilleure façon de collaborer avec les forces de l’ordre fédérales, y compris en conseillant aux enseignants et au personnel « de ne pas interférer » avec les agents de l’ICE, même si ces agents sont incapables de présenter le moindre mandat »,

selon Écrivains contre la guerre à Gaza.

La politique de l’université confirme que

« des circonstances exigeantes peuvent permettre l’accès aux bâtiments de l’université à des gens sans mandat ».

Ceci contraste avec les autres institutions académiques, telles l’Université de New York (NYU), dont les propres directives stipulent que

« si les fonctionnaires de l’application de la loi désirent entrer dans les bâtiments de la NYU à des fins ayant trait à l’immigration, ils doivent avoir un mandat judiciaire ou une assignation pour le faire ».

« C’est l’acquiescement continu de Columbia aux agences fédérales et aux institutions partisanes de l’extérieur qui a rendu cette situation possible »,

a déclaré Écrivains contre la guerre à Gaza.

« Un étudiant palestinien, membre de la communauté, a été enlevé et incarcéré sans la preuve physique d’un mandat ou de charges officiellement déposées. »

« À l’instar de bien d’autres étudiants arabes et musulmans, Khalil a été la cible de diverses campagnes sionistes de harcèlement, alimentées via le doxing de sites comme Canary Mission »,

a ajouté l’organisation.

Khalil fait également partie d’un certain nombre d’étudiants faisant l’objet d’une enquête par l’université même, dans le cadre de l’actuelle répression du discours favorable aux droits palestiniens.

« J’ai environ 13 présomptions contre moi, dont la plupart sont des posts sur des médias sociaux avec lesquels je n’avais rien à voir »,

avait expliqué Khalil à Associated Press la semaine dernière.

« Ils veulent juste montrer au Congrès et aux hommes politiques de droite qu’ils font quelque chose, quels que soient les enjeux pour les étudiants »,

avait ajouté Khalil.

Ce n’est pas une surprise si les lobbyistes pro-israéliens ont bien accueilli l’arrestation de Khalil et qu’ils ont même insisté pour que la répression soit plus large encore.

La Ligue anti-diffamation, un lobby pro-israélien qui se fait passer pour une organisation des droits civiques, a publié un post sur Twitter/X à propos de l’arrestation de Khalil réclamant

« des conséquences rapides et sévères pour ceux qui accordent leur soutien matériel aux organisations terroristes étrangères, incitent à la violence en soutien d’activités terroristes, ou masquent leur identité afin de harceler et intimider des personnes juives ».

Telle est la litanie habituelle des accusations générales et non fondées du lobby pro-israélien contre les activistes de la solidarité avec la Palestine, afin de les diaboliser et d’inciter le gouvernement à la répression.

Des appels ont été lancés afin que les étudiants et les professeurs de Columbia annulent les cours afin de protester contre la complicité de l’université dans l’arrestation de Khalil et contre la répression anti-palestinienne mise sur pied par l’administration Trump.

Dans une apparente tentative en vue d’empêcher de telles actions de solidarité, les administrateurs ont diffusé un courriel lundi matin qui affirmait que

« les cours et les examens se poursuivraient comme d’habitude, en présentiel ».

Le même courriel y allait aussi d’un avertissement :

« Rappelons également que les professeurs doivent assumer tous les cours prévus. »


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Publié le 10 mars 2025 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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