Les calomnies d’Israël contre Amnesty ne peuvent cacher l’apartheid

Bien qu’Israël et ses partisans ripostent avec fermeté, leurs calomnies et leurs déviations sont incapables de cacher le fait qu’Israël est bel et bien un régime d’apartheid.

Amnesty International est la toute dernière des organisations de défense des droits à décrire la maltraitance des Palestiniens par Israël comme de l’apartheid. (Photo : Mamoun Wazwaz / Polaris)

Michael F. Brown, 2 février 2022

Mark Dubowitz, CEO de la Fondation pour la défense des démocraties, une organisation pro-israélienne, a rejeté énergiquement le nouveau rapport d’Amnesty International sur l’apartheid israélien en le taxant d’antisémitisme.

Il n’y a rien de surprenant à cela : L’homme se faisait l’écho de la ligne prônée depuis plusieurs jours par le gouvernement israélien et son lobby.

L’organisation de Dubowitz a travaillé en étroite collaboration avec les efforts cachés du gouvernement israélien en vue de calomnier tous ceux qui le critiquaient où que ce soit dans le monde.

Il vaut la peine de mettre en évidence le fait que Dubowitz a tenté d’utiliser la prétendue définition de l’antisémitisme de l’IHRA (Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste) afin de prétendre que critiquer la politique d’Israël en s’appuyant sur des faits équivalait à de judéophobie.

Mardi, Dubowitz tweetait :

« Amnesty est antisémite. Ses insultes contre l’État juif correspondent à la définition de l’antisémitisme de l’IHRA, laquelle est reconnue internationalement. »

Et d’ajouter :

« Cessez de dire ‘Israël n’est pas ci ou ça’. Dites plutôt : ‘Amnesty est une organisation dirigée par des antisémites’. »

La définition de l’IHRA, mise en avant par Israël et ses groupes de pression, confond la critique à l’égard d’Israël et de son idéologie d’État, le sionisme, d’une part, avec le sectarisme antijuif, d’autre part.

Elle est devenue l’un des principaux outils de censure dans la poignée de pays occidentaux où elle a été adoptée.

Du fait qu’Israël ne dispose d’aucun moyen de justifier ses crimes contre les Palestiniens – et l’apartheid est l’un des crimes les plus graves qu’il y ait contre l’humanité –, les critiques calomnieuses, tel le terme « judéophobe », constituent la dernière arme de l’arsenal de la propagande israélienne.

Lara Friedman, présidente de la Fondation pour la paix au Moyen-Orient, a critiqué la formulation de Dubowitz.

« Le nouveau rapport d’Amnesty est une excellente opportunité pour les opposants aux critiques à l’égard d’Israël d’illustrer le fait que, en effet, délégitimer les critiques factuelles à l’égard d’Israël constitue le véritable objectif de la définition de l’antisémitisme utilisée par l’IHRA »,

a tweeté Friedman.

Les responsables du gouvernement israélien y sont allés d’une approche pesante avant la publication du rapport ce mardi, en essayant de prendre les devants sur ce même rapport. Leur inquiétude est compréhensible.

Amnesty est peut-être l’organisation des droits de l’homme la plus connue au monde. Avec des sections dans des dizaines de pays, elle n’a pas simplement sorti un rapport sur l’apartheid israélien, mais a également lancé une campagne mondiale en vue d’y mettre un terme.

L’organisation a consenti d’énormes efforts en vue de présenter ses conclusions d’une façon claire et accessible. Israël ne peut tout simplement pas venir à bout de toute cette montagne de preuves, de sorte que tout ce qu’il peut encore faire, c’est attaquer le messager qui les apporte.

On pouvait prévoir que le ministre israélien des Affaires étrangères, Yair Lapid, allait qualifier le rapport d’Amnesty de « faux, partial et antisémite » – une ligne qui a été reprise par bien d’autres responsables et groupes de pression.

Mais, pour finir, leurs fausses allégations n’auront servi qu’à faire plus de publicité encore autour du rapport d’Amnesty et à élargir la discussion sur la façon dont Israël se rend coupable d’apartheid.

 

Les États-Unis soutiennent l’Israël de l’apartheid

Lors du briefing de presse du département d’État ce mardi, Matt Lee, de AP, a interpellé le porte-parole Ned Price à propos des deux poids et deux mesures pratiqués par les États-Unis quand ils acceptent fréquemment les positions d’Amnesty sur d’autres problèmes des droits humains, mais rejettent l’analyse de l’organisation quand elle en vient aux violations par Israël des droits palestiniens.

Price avait déclaré plus tôt :

« Nous rejetons le point de vue disant que les actions d’Israël sont de l’apartheid. »

Interrogé à propos du fait que les responsables israéliens avaient qualifié le rapport d’antisémite, Price avait fait objection en disant :

« Nous rejetons certainement l’étiquette qui lui a été apposée. »

Mais, la seconde d’après, il revenait au langage de l’IHRA en suggérant que critiquer Israël, qui reçoit chaque année pour des milliards de dollars d’armes de Washington, pourrait bien constituer un recours à deux poids et deux mesures et, de ce fait, constituer un signe de sectarisme.

Il laisse les Palestiniens et l’égalité des droits pour ces derniers en dehors de l’équation. Une fois de plus, la racisme antipalestinien crève les yeux.

« Nous pensons qu’il est important, puisqu’il s’agit du seul État juif au monde, que le peuple juif ne puisse se voir refuser son droit à l’autodétermination, et nous devons faire en sorte qu’on ne recoure pas ici à deux poids et deux mesures. »

Tom Nides, l’ambassadeur des États-Unis en Israël, n’a pas tenté de se servir de l’accusation d’antisémitisme comme arme. Il a tout simplement tenté de rejeter le rapport d’Amnesty comme étant bien évidemment ridicule.

« Allons donc, c’est absurde. Ce n’est pas le genre de langage que nous avons utilisé et nous ne l’utiliserons d’ailleurs pas »,

a-t-il tweeté.

Nides n’a rien dit du fait qu’Amnesty devenait la troisième organisation majeure des droits à publier un rapport concluant qu’Israël commettait bel et bien le crime d’apartheid, et ce, depuis l’élection du président Joe Biden.

Ces organisations et les nombreux Palestiniens qui, depuis des décennies, ont montré comment Israël se rendait coupable d’apartheid, ne sont pas des voix que l’ambassadeur des États-Unis est disposé à entendre.

Mais son collègue John Kerry, actuellement envoyé spécial des États-Unis pour le climat, avait soulevé à nouveau le problème de l’apartheid israélien – du moins en tant que possibilité future – à l’époque où il était secrétaire d’État sous l’administration Obama.

À l’époque, Philip Weiss avait posé une question :

« Combien de temps vous sera-t-il permis d’émettre des prédictions sur un futur apartheid alors qu’il y a, depuis 47 ans d’occupation, deux systèmes de lois pour les différentes ethnies soumises à la souveraineté israélienne (et différents systèmes de lois en Israël même dès le début) ? »

Trois rapports majeurs plus tard, les responsables américains refusent toujours d’affronter la triste réalité. On ne peut qu’en conclure que ce sont des racistes antipalestiniens qui sont à la tête des partis politiques, tant démocratique que républicain.

Un jour, ils encensent l’archevêque Desmond Tutu à la suite de son décès et, un mois plus tard, ils rejettent en les qualifiant d’absurdes les accusations d’apartheid proférées contre Israël tout en ne prenant pas à cœur les observations mêmes de Tutu concernant Israël.

Les hommes politiques américains ont fait montre de toute une variété de réactions, y compris celle de la candidate au Congrès Huwaida Arraf, cofondatrice de l’International Solidarity Movement (ISM).

 

 

On ne sera nullement surpris de constater que les gens niant la réalité de l’apartheid étaient également présents en force.

Et la superstar de tennis Martina Navratilova a fortement contredit la congressiste Shontel Brown, une démocrate, à propos de sa négation de la réalité de l’apartheid.

 

Le silence des médias

The New York Times, de son côté, avait simplement ignoré le rapport d’Amnesty jusqu’à mercredi – même s’il a été largement commenté depuis dimanche.

Le site Internet de la BBC a publié un article sur le rapport d’Amnesty – laissant le dernier mot au ministre israélien des Affaires étrangères, Yair Lapid, afin de le calomnier.

Mais, à l’instar du New York Times, l’émission phare de la BBC, News at Ten, a omis de mentionner ce même rapport d’Amnesty, bien qu’elle ait eu de la place pour un passage de Wordle – le jeu de mot de 5 lettres en ligne, dont le succès est devenu planétaire.

Bien sûr, APARTHEID ne convient pas vu la limite de cinq lettres qui est imposée à ce jeu. CENSEUR non plus, d’ailleurs.

The Washington Post, au contraire, y est allé d’un bon article.

Et la journaliste Miriam Berger a clairement fait remarquer que les Palestiniens parlent d’apartheid depuis bien plus longtemps que Human Rights Watch, Amnesty International et l’organisation israélienne pour les droits humains, B’Tselem.

« Il y a très longtemps que les Palestiniens utilisent le mot ‘apartheid’ pour décrire le système israélien de gouvernance, et ce, depuis la création du pays suite à la guerre arabo-israélienne de 1948, au cours de laquelle quelque 700 000 Palestiniens ont fui ou ont été chassés de leurs foyers, et depuis l’occupation militaire de la Cisjordanie, de Jérusalem-Est et de la bande de Gaza en 1967 »,

a écrit Miriam Berger.

Bien qu’Israël et ses partisans ripostent avec fermeté, leurs calomnies et leurs déviations sont incapables de cacher le fait qu’Israël est bel et bien un régime d’apartheid.

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Michael F. Brown est un journaliste indépendant. Ses travaux et ses opinions ont été publiés dans The International Herald Tribune, TheNation.com, The San Diego Union-Tribune, The News & Observer, The Atlanta Journal-Constitution, The Washington Post et dans d’autres publications encore.

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Publié le 2 février 2022 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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