Les Palestiniens forcés de choisir : se faire tuer ou mourir de faim, dit l’ONU

Au moins 70 personnes ont été tuées et 200 blessées le 17 juin, lorsque l’armée israélienne a tiré des obus de char sur une foule de Palestiniens qui attendaient des camions de vivres de l’ONU à Khan Younis.

 

Les Palestiniens forcés de choisir : se faire tuer ou mourir de faim, dit l'ONU. Photo : 17 juin. Des victimes sont transférées au Complexe médical Nasser après que l'armée israélienne a attaqué les gens qui attendaient de l'aide alimentaire à Khan Younis, dans le sud de Gaza. (Photo : Moaz Abu Taha / APA images)

17 juin. Des victimes sont transférées au Complexe médical Nasser après que l’armée israélienne a attaqué les gens qui attendaient de l’aide alimentaire à Khan Younis, dans le sud de Gaza. (Photo : Moaz Abu Taha / APA images)

 

Maureen Clare Murphy, 19 juin 202

 

Au moins 140 personnes ont été tuées lors d’attaques israéliennes au cours des dernières 24 heures, lorsque la confrontation entre Israël et l’Iran vacillait au bord du précipice d’une conflagration encore plus dangereuse.

Parmi les victimes figuraient des gens qui essayaient d’avoir accès à l’aide apportée par des camions de l’ONU dans la partie centrale de Gaza.

Quelque 400 personnes ont également été tuées alors qu’elles tentaient d’accéder à l’aide, depuis que la prétendue Fondation humanitaire pour Gaza (GHF) s’est mise à distribuer des vivres, le 27 mai, et plus de 3 000 ont été blessées, selon les autorités de Gaza.

Plus de 55 600 personnes ont été tuées à Gaza et près de 130 000 blessées depuis le début de l’offensive de l’armée israélienne en octobre 2023, estime le ministère palestinien de la Santé à Gaza. Plus de 5 330 personnes ont été tuées et près de 18 000 blessées depuis qu’Israël a rompu le cessez-le-feu au bout de deux mois, le 18 mars.

Le bureau de l’ONU pour les droits humains a demandé à l’armée israélienne

« de mettre un terme immédiatement au recours à la force létale autour des points de distribution de vivres à Gaza, après des exemples répétés de fusillades et de tueries de Palestiniens en quête d’accès à la nourriture en ces endroits ».

Des personnes grièvement blessées n’ont pas accès à un traitement médical en raison de

« la destruction quasi totale par Israël du système de santé sur toute l’étendue de Gaza »,

a ajouté le bureau de l’ONU pour les droits humains.

« Elles sont la proie de douleurs atroces et sont exposées à une mort potentielle »,

a encore dit le bureau.

L’ordre civil à Gaza s’est gravement détérioré en raison des attaques israéliennes, du blocus total et du ciblage des forces de police civiles.

« Il en résulte que les Palestiniens sont de plus en plus confrontés au choix inhumain de mourir carrément de faim ou de risquer d’être tués en tentant d’accéder au peu de vivres disponibles »,

a déclaré le bureau de l’ONU pour les droits humains.

 

Des dizaines de personnes tuées en attendant de l’aide

Au moins 70 personnes ont été tuées et 200 blessées le 17 juin, lorsque l’armée israélienne a tiré des obus de char sur une foule de Palestiniens qui attendaient des camions de vivres de l’ONU à Khan Younis, dans le sud de Gaza. Ç’a été l’incident le plus meurtrier qui ait eu lieu à un site de distribution d’aide après que ce genre de situation est devenue pour ainsi dire quotidienne, et ce, depuis qu’un projet américano-israélien d’aide militarisée a commencé à opérer à Gaza en mai dernier.

Le personnel soignant du Complexe médical Nasser à Khan Younis

« a dû libérer la section maternité pour pouvoir accueillir les blessés, transformant ainsi les salles d’accouchement en salles d’opération d’urgence »,

a fait savoir Médecins sans frontières.

« Un grand nombre de blessures ont nécessité des amputations afin de sauver la vie des patients »,

a ajouté l’ONG.

Euro-Med Monitor, une organisation de défense des droits humains basée à Genève a déclaré que son équipe sur le terrain à Gaza avait fait état de l’implication d’un gang local armé collaborant avec l’armée israélienne dans des attaques meurtrières contre les gens qui tentaient de rallier les points de distribution d’aide.

L’organisation a déclaré qu’

« elle avait également reçu des informations crédibles selon lesquelles, le 9 juin, un mercenaire étranger employé par la société de sécurité américaine supervisant le centre de distribution d’aide avait abattu et tué un civil »

près de Rafah, dans le sud de Gaza.

Israël facilite également le pillage de l’aide humanitaire, ce qui fait le jeu de la famine et du chaos à Gaza, a déclaré l’organisation palestinienne de défense des droits humains, Al Mezan, dans un rapport publié le 14 juin.

L’escalade du pillage en mai et au début juin indique

« une politique systématique d’Israël qui instrumentalise l’affamement, les privations et le chaos afin de faire progresser sa campagne génocidaire »,

estime Al Mezan.

L’aide est très vulnérable au pillage de groupes armés

« en raison de l’absence de corridors protégés et d’un contrôle efficace de la distribution »,

a ajouté l’organisation de défense des droits.

« Les convois sont fréquemment attirés dans des embuscades, les marchandises saisies et les entrepôts appartenant aux agences de l’ONU, dont l’UNRWA et le Programme alimentaire mondial, pris d’assaut soit par des groupes armés, soit par des civils désespérés. »

L’armée israélienne

« décide des routes que doivent suivre les camions humanitaires », forçant les conducteurs à traverser « des zones surpeuplées et à haut risque, à forte densité de familles déplacées », ce qui accroît la possibilité de pillage.

Les marchandises pillées sont revendues sur les marchés de Gaza à des prix inabordables, transformant ainsi l’aide humanitaire « en un outil d’exploitation économique et de coercition », a déclaré Al Mezan.

La pénurie sévère de vivres et de médicaments essentiels à Gaza a eu

« un impact dévastateur sur les femmes enceintes, sur les mères qui allaitent et sur les enfants en général »,

a expliqué un médecin de l’hôpital Al-Awda, dans le centre de Gaza, à l’UNFPA, l’agence des Nations unies chargée de la santé sexuelle et reproductive.

« Nous assistons à une augmentation significative des cas de bébés de faible poids à la naissance, et cette augmentation est directement liée à la malnutrition et à l’anémie de la mère au cours de la grossesse »,

a ajouté le médecin.

 

L’aide de l’ONU arrive au compte-gouttes dans le nord affamé

Lundi, l’aide humanitaire est arrivée au compte-gouttes dans le nord de Gaza, lorsque des milliers de personnes ont convergé vers un point de distribution situé à Gaza même afin de recevoir des boîtes de rations alimentaires de la part du Programme alimentaire mondial de l’ONU, a rapporté le New York Times.

La quantité extrêmement limitée d’aide qu’Israël laisse actuellement entrer à Gaza représente une infirme fraction de ce qui est entré lors du bref cessez-le-feu qui avait débité en janvier dernier.

Un demi-million de Palestiniens – environ une personne sur cinq à Gaza, estime-t-on – sont confrontés à la faim permanente, selon une organisation internationale de contrôle de la famine.

 

16 juin. Des gens transportent des boîtes de rations alimentaires de l'ONU à Gaza même. (Photo : Omar Ashtawy / APA images)

16 juin. Des gens transportent des boîtes de rations alimentaires de l’ONU à Gaza même. (Photo : Omar Ashtawy / APA images)

 

L’UNFPA a déclaré que près de 11 000 femmes enceintes à Gaza risquent la famine et que

« près de 17 000 femmes enceintes et femmes qui allaitent vont avoir besoin d’un traitement urgent contre la malnutrition aiguë au cours des mois à venir ».

On estime que,

« désormais, une grossesse sur trois est à haut risque et un nouveau-né sur cinq est né avant terme ou avec une insuffisance pondérale, ce qui requiert des soins spécialisés, lesquels sont de moins en moins disponibles »,

a ajouté l’agence.

Plus de 190 camions chargés de marchandises de nécessité urgente – dont des maternités mobiles, du matériel pour échographie et des incubateurs portables pour bébés prématurés – se sont vu refuser l’entrée à Gaza, selon l’UNFPA.

Entre-temps, Israël empêche les organisations internationales et celles de l’ONU d’accéder aux sites de stockage de carburant à Gaza en prétendant qu’ils se situent dans des zones de combat, ce qui laisse aux hôpitaux à peine assez de carburant pour alimenter les générateurs d’électricité pendant trois jours de plus, a fait savoir le ministère palestinien de la Santé à Gaza.

 

L’hôpital Nasser au bord de l’effondrement

Le Dr Yousef Abu al-Rish, le vice-ministre de la Santé à Gaza, a prévenu mardi que le Complexe médical Nasser – le plus grand hôpital du sud de Gaza – était sur le point de s’effondrer à la suite d’un nouveau massacre de Palestiniens qui tentaient d’accéder à l’aide ce matin-là.

L’hôpital manquait de fournitures et d’autres articles nécessaires pour prodiguer des traitements médicaux d’urgence et, pendant ce temps, le personnel devait travailler l’estomac vide en raison d’un manque de vivres et de gaz de cuisine.

En raison de la malnutrition répandue, les gens ne sont plus en mesure de donner du sang à Gaza, a-t-il dit.

Il n’y aura pas de place pour les patients devant recevoir des soins spécialisés, si l’hôpital Nasser est forcé de fermer en raison des attaques israéliennes et des ordres d’évacuation, a mis en garde le Comité international de la Croix-Rouge le 14 juin.

Outre les soins spécialisés, le Complexe médical Nasser « fournit des services de banque du sang » qui permettent d’effectuer des transfusions sanguines à l’hôpital de campagne de la Croix-Rouge, à Rafah, et dans « les services médico-légaux et de gestion des décès », a déclaré la Croix-Rouge.

L’organisation humanitaire a ajouté que son hôpital de campagne de Rafah avait reçu « un afflux massif de patients blessés par balles » sur les lieux de distribution d’aide.

Le 12 juin, la Croix-Rouge a déclaré que le nombre de patients accueillis au cours des deux semaines précédentes

« était plus élevé que la somme de tous les incidents ayant fait de nombreuses victimes au cours des 12 mois précédents ».

Une majorité de patients ont rapporté qu’ils tentaient d’accéder aux points d’aide quand ils avaient subi des blessures par balles et par éclats d’obus.

Les ordres de l’armée israélienne forçant les gens à quitter leurs maisons et refuges empiètent progressivement sur la zone de Khan Younis.

Des images satellitaires analysées par Amnesty International révèlent la destruction et le nivellement délibéré et total, au cours des deux dernières semaines de mai, de ce qui restait de Khuzaa, une ville située près de Khan Younis et qui comptait naguère 11 000 habitants.

Dor Yoetz, un commandant de l’armée israélienne, a déclaré le 25 mai que les troupes s’étaient lancées dans

« l’élimination du nid de terroristes » de Khuzaa, qui « n’existe plus ».

Erika Guevara Rosas, une directrice d’enquête à Amnesty International, qui a analysé l’imagerie satellitaire documentant la destruction de Khuzaa, a réclamé « une enquête indépendante et impartiale » sur la disparition de la ville.

Rosas a ajouté que

« cet acte manifeste de destruction gratuite » prouvait « le plan prémédité d’Israël en vue de transformer Gaza en une vaste friche, de détruire son tissu social et de continuer d’infliger aux Palestiniens des conditions censées aboutir à leur destruction physique ».

« C’est un génocide et il doit cesser maintenant »,

a encore dit Rosas.

 

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Publié le 19 juin 2025 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

 

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