Pas de trêve en vue alors que les enfants de Gaza succombent à la famine
La population la plus vulnérable de Gaza court le risque de mourir à cause de la famine organisée par Israël. 5 119 enfants entre 6 mois et 5 ans ont été admis pour des traitements contre la malnutrition aiguë, et ce, au cours du seul mois de mai.

26 juin. Une famille pleure le décès de son enfant en bas âge mort de malnutrition à l’extérieur du Complexe médical Nasser à Khan Younis, dans le sud de Gaza.
Maureen Clare Murphy, 27 juin 2025
Y aura-t-il bientôt une trêve à Gaza ? Telle est la grosse question que l’on se pose après que le président des EU a unilatéralement proclamé un cessez-le-feu entre l’Iran et Israël, lequel entrait en vigueur mardi, mettant ainsi fin à 12 jours de confrontation.
Tout en attaquant l’Iran, Israël poursuivait ses massacres quotidiens à Gaza, ciblant des personnes déplacées qui s’abritaient sous des tentes et des affamés qui tentaient d’accéder aux points de distribution de l’aide alimentaire.
Israël a tué près de 900 Palestiniens à Gaza au cours de son offensive non provoquée contre l’Iran, laquelle a également fait 600 victimes dans ce pays. Vingt-huit personnes ont perdu la vie lors des frappes de représailles iraniennes contre Israël.
Tel-Aviv était impatient de mettre un terme à son pari raté après avoir subi de lourdes pertes, y compris la mise à mal de la réputation de ses systèmes de défense pourtant si vantés.
Les autorités fiscales d’Israël ont expliqué que le coup des dommages provoqués par les frappes iraniennes au cours de ces 12 jours dépassait 1,3 milliard de USD, soit environ le double du montant des demandes d’indemnisation à compter du 7 octobre 2023.
La pression militaire peut également contribuer à faire tourner le vent, à Gaza, après que sept soldats israéliens ont été tués mardi par un combattant des Brigades Qassam, l’aile armée du Hamas, dans une embuscade à courte portée contre un véhicule militaire à Khan Younis.
Une vidéo de cette surprenante embuscade diffusée mercredi par les Brigades Qassam montre un combattant portant un fusil et qui court vers le transporteur de troupes blindé. Il grimpe dessus et lâche directement dans la cabine un engin explosif de type shawaz (flamme, en arabe – NdT). La vidéo montre ensuite le combattant qui se replie en sécurité juste avant que le véhicule ne soit la proie des flammes.
« Absurde »
La mère de Niv Radia, un sergent-chef tué dans l’embuscade, a déclaré que son fils et les autres soldats tués « n’étaient que des gosses qui avaient terminé leur dernière année et qui étaient allés directement au combat ».
« Cela semble si absurde, toutes ces familles qui ont perdu leurs enfants. Ça doit finir », a-t-elle dit dans les médias israéliens.
Il y a bien plus de familles palestiniennes qui portent le deuil de leurs enfants – plus de 17 000 garçons et filles font partie des 56 000 personnes et plus tuées à Gaza – que de familles israéliennes dont les fils adultes sont morts tout en perpétrant un génocide. L’armée israélienne dit qu’elle a perdu 878 soldats depuis le 7 octobre.
L’embuscade de Khan Younis a déclenché l’indignation parmi le public israélien qui, généralement, est indifférent aux incalculables pertes en vies humaines chez les Palestiniens à Gaza mais se demande pourquoi des soldats meurent au cours d’une campagne apparemment interminable – la plus longue de toute l’histoire d’Israël.
En sus de personnalités de l’opposition, même d’éminents membres du Likoud, le parti de Benjamin Netanyahou, et du gouvernement de coalition sont en désaccord avec la guerre à Gaza. Parmi ces gens figure Moshe Gafni, une personnalité de premier plan du parti ultra-orthodoxe Judaïsme unifié de la Torah, qui dit : « Je ne comprends pas pour quoi nous nous battons ni dans quel but », après les décès des sept soldats.
La phase la plus désespérée
Une pression accrue du public israélien peut être nécessaire pour catalyser un changement de politique de la part de Netanyahou, qui s’est fixé un objectif amorphe de « victoire totale » à Gaza.
La piste diplomatique vers un cessez-le-feu à Gaza reste au point mort, avec le Hamas qui se cantonne sur sa position disant que tout accord doit garantir une fin définitive de la guerre alors qu’Israël insiste sur son « droit » de reprendre l’offensive militaire.
Selon une évaluation interne du Hamas obtenue par Drop Site News, les seuls facteurs nouveaux de l’équation sont que Donald Trump a exprimé publiquement de l’intérêt à tirer parti du cessez-le-feu iranien pour en arriver à un arrangement à Gaza alors que la pression intérieure s’intensifie en Israël au lendemain de l’embuscade de Khan Younis.
Le Hamas est sous pression lui aussi alors que les Palestiniens de Gaza subissent ce qui peut être la phase la plus désespérée de la campagne d’anéantissement israélienne.
Plus de 400 Palestiniens ont été tués en essayant d’atteindre le point de distribution de la Fondation humanitaire pour Gaza (GHF) depuis que le projet militarisé américano-israélien de distribution d’aide a commencé à opérer le 27 mars, selon le bureau des droits humains de l’ONU.
En outre, près de 100 autres ont perdu la vie en essayant d’approcher « les rares convois humanitaires de l’ONU et d’autres ONG humanitaires » autorisés par Israël, a ajouté le bureau de l’ONU. « Au moins 3 000 Palestiniens ont été blessés au cours de ces incidents. »
Dans un exposé publié vendredi, des officiers et des soldats israéliens ont admis dans Haaretz qu’on leur avait ordonné de tirer sur des foules de personnes rassemblées près des points de distribution de nourriture.
Un soldat resté anonyme a expliqué au journal que les gens en quête d’aide étaient
« traités comme une force hostile – pas de mesures de contrôle de foule, pas de gaz lacrymogène – uniquement des tirs réels avec tout ce qu’on pouvait imaginer : mitrailleuses lourdes, lance-grenades, mortiers… »
« Ensuite, une fois que le centre ouvre, les tirs cessent et ils savent qu’ils peuvent s’approcher », a ajouté le soldat. « Notre forme de communication, c’est de tirer. »
« C’est la politique de Vach », a expliqué un officier à Haaretz, en faisant allusion à Yehuda Vach, un commandant militaire israélien qui a joué un rôle clé dans la fabrication du consentement et de la mise en application de la destruction génocidaire à Gaza.
Avec l’aide de son frère, le colonel Golan Vach, Yehuda a transformé le fameux corridor de Netzarim « en zone de tuerie où les civils palestiniens se faisaient massacrer sans pitié », comme l’a raconté David Sheen pour The Electronic Intifada tout en citant le reportage de Haaretz.
Le nom Yehuda Vach est « devenu synonyme de brutalité sans retenue, de sadisme et de corruption », selon la Fondation Hind Rajab Foundation, qui a constitué tout un dossier d’accusations pour crimes de guerre autour de ce même commandant militaire.
Le projet d’aide de la GHF a fourni pendant ce temps une légitimité internationale à Israël afin de continuer de se livrer à sa campagne d’extermination.
« Nos meilleurs amis dans le monde – des sénateurs dont je sais qu’ils sont de fervents supporters d’Israël – ont prévenu qu’ils ne pouvaient nous soutenir si des images d’affamement de masse apparaissaient »,
a déclaré Netanyahou le mois dernier.
Bezalel Smotrich, le ministre israélien des Finances, d’extrême droite, a de même proposé son répugnant soutien à ce projet d’aide en disant qu’il allait éluder le demande de comptes sur le plan international.
Il a encore dit qu’il allait permettre
« à nos amis dans le monde de continuer de fournir un parapluie de protection contre le Conseil de sécurité et le tribunal de La Haye, et à nous de continuer à nous battre, si Dieu le veut, jusqu’à la victoire ».
La malnutrition infantile à la hausse
Entre-temps, la population la plus vulnérable de Gaza court le risque de mourir à cause de la famine organisée par Israël.
Cette semaine, le Centre palestinien pour les droits humains (CPDH) a mis en garde contre le fait que des centaines d’enfants en bas âge et de bébés prématurés étaient confrontés à un « danger menaçant leur vie même », avec cette grave pénurie de lait thérapeutique.
Le lait fortifié est essentiel pour les bébés dans un certain état de santé mais les réserves sont épuisées dans les unités de soins intensifs néonatals de Gaza et ont pour ainsi dire disparu des marchés locaux en raison des sévères restrictions israéliennes sur ce qui peut entrer par les passages menant à Gaza.
Pendant ce temps, la malnutrition parmi les enfants de Gaza « grimpe à un taux alarmant », selon le fonds des enfants de l’ONU, l’UNICEF, qui a expliqué que
« 5 119 enfants entre 6 mois et 5 ans [ont été] admis pour des traitements contre la malnutrition aiguë, et ce, au cours du seul mois de mai. »
Près de 640 de ces enfants souffrent de malnutrition aiguë sévère, c’est-à-dire « la forme la plus létale de malnutrition », a déclaré l’UNICEF.
Des cas de malnutrition aiguë sont susceptibles d’atteindre leur plus haut niveau depuis octobre 2023 si Israël n’autorise pas « la livraison à grande échelle d’aide absolument vitale et ce, par tous les passages frontaliers », estime le directeur régional de l’UNICEF, Edouard Beigbeder.

Des Palestiniens sécurisent un camion humanitaire qui traverse Beit Lahiya, dans le nord de Gaza, le 25 juin. (Photo : Omar Ashtawy / APA images)
Israël continue de semer des obstacles supplémentaires en travers des véritables efforts en vue de fournir de l’aide à la population survivante de Gaza.
Mercredi dernier, Netanyahou et Israel Katz, le ministre israélien de la Défense, ont annoncé une suspension de l’aide à Gaza après avoir ordonné « à l’armée de proposer un plan dans les deux jours afin d’empêcher le Hamas de s’emparer du contrôle de l’aide », a rapporté Reuters.
La GHF, qui opère dans le sud et le centre de la bande de Gaza, mais pas dans le nord, a déclaré qu’elle était exemptée de l’interdiction de distribution de l’aide.
L’interdiction est venue après qu’une vidéo avait été publiée un peu plutôt le même jour, montrant des camions appartenant à Anera, une ONG américaine, en route vers un site de déchargement à Gaza, sous la protection de personnes dont on dit qu’elles étaient des dignitaires et des dirigeants de communautés, et ce, afin d’empêcher le pillage.
Anera a dit que l’opération « s’était déroulée en douceur » et « nous considérons que c’est une mission réussie ».
Naftali Bennett, l’ancien Premier ministre israélien et rival politique de Netanyahou, a posté une autre vidéo sur X, montrant des hommes armés et masqués debout sur les camions humanitaires.
Il a prétendu que la vidéo montrait « des hommes de main du Hamas » contrôlant les camions et a ajouté : « Voilà comment ils continuent d’alimenter le Hamas en argent et en pouvoir », faisant ici allusion à ses opposants politiques.
« Les ministres du gouvernement ont promis que ‘pas un seul grain n’entrerait’ et, comme d’habitude, la réalité est à l’opposé », a-t-il déclaré, faisant allusion aux promesses de Smotrich et autres fanatiques d’empêcher toute aide d’entrer à Gaza.
« Honteux », a ajouté Bennett.
Smotrich menace de quitter la coalition à propos de l’aide
La tentative de Bennet de planter un coin dans le gouvernement de coalition de Netanyahou a apparemment réussi.
Mercredi, lors d’une réunion de cabinet, Smotrich « a menacé de quitter la coalition si l’aide continuait de parvenir au Hamas », a fait savoir le quotidien de Tel-Aviv, Haaretz.
L’annonce par Netanyahou et Katz qu’ils suspendaient l’aide à Gaza est venue après cette réunion de cabinet.
Toutefois, contrairement aux affirmations de Bennett disant que l’aide était réquisitionnée par le Hamas, des clans influents à Gaza ont déclaré que le convoi avait été protégé « uniquement via des efforts tribaux », indépendants de toute façon politique, a rapporté Reuters.

Un homme porte un sac de farine pendant que d’autres font la file à un point de distribution d’aide à Gaza même, le 26 juin. (Photo : Omar Ashtawy / APA images)
L’armée israélienne a également dit qu’elle était « incapable de confirmer » si les hommes armés visibles dans la vidéo étaient des membres du Hamas, fait savoir Haaretz.
Quoi qu’il en soit, les camions humanitaires ont atteint leur destination.
Anera a dit que 207 palettes avaient été déchargées à leur arrivée après avoir franchi le passage de Zikim dans le nord de Gaza, réalisant ainsi « la première livraison sécurisée depuis des semaines, après une longue fermeture de tous les points d’entrée ».
Jeudi, Anera a posté des photos de gens qui recevaient des caisses d’aide contenant des denrées non périssables comme de l’huile de cuisine, des lentilles sèches, de la farine, des dattes, du thé et des haricots en conserve.
L’arrivée du chargement, sans avoir été pillé, était « un événement rare, vu la situation désespérée », a déclaré Anera.
Israël a armé une bande criminelle à Gaza, laquelle a pillé des camions humanitaires sous la protection de l’armée et ce, pendant plusieurs mois, dans le but de répandre le chaos et de fomenter la division interne parmi les Palestiniens.
C’est un autre moyen par lequel Israël a instrumentalisé l’aide de même qu’il recourt à l’affamement pour faire la guerre contre la population tout entière de la bande de Gaza – une guerre génocidaire qui n’est pas encore devenue suffisamment coûteuse pour forcer Israël à y mettre un terme.
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Publié le 27 juin 2025 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine