Israël bombarde et affame Gaza sans perspective d’arrêt

Israël a tué près de 650 Palestiniens et en a blessé environ 2 200 entre le 9 et le 16 juillet, selon des rapports émanant du ministère de la Santé à Gaza. Ces victimes sont le résultat de frappes aériennes, d’attaques de drones et de tirs sur les prétendus sites américano-israéliens de distribution d’aide

 

 

Des gens éplorés portent les corps d'enfants palestiniens qui viennent de perdre la vie lors d'une frappe de l'aviation israélienne sur le camp de réfugiés de Beach, à Gaza, le 12 juillet.

Des gens éplorés portent les corps d’enfants palestiniens qui viennent de perdre la vie lors d’une frappe de l’aviation israélienne sur le camp de réfugiés de Beach, à Gaza, le 12 juillet. (Photo : Hadi Daoud / APA images)

 

 

Nora Barrows-Friedman, 18 juillet 2025

 

Le texte qui suit est un condensé des informations communiquées lors du livestream du 17 juillet. Vous pouvez voir l’émission au complet ici.

 

Mardi 15 juillet, Israël a attaqué le camp de réfugiés Beach Camp, à l’ouest de la ville de Gaza, tuant 23 personnes, ainsi que le quartier d’al-Tuffah, à Gaza même, tuant 14 personnes, dont des enfants. Toutes les victimes faisaient partie de la même famille.

Une femme, Hala Arafat, a été prise en vidéo alors qu’elle suppliait les sauveteurs de la sauver, elle, ses enfants et les autres membres de sa famille.

Les unités de la défense civile ont tenté de dégager les personnes piégées sous les décombres, mais en ont été empêchées par l’armée israélienne.

Mahmoud Basal, le porte-parole de la défense civile, a déclaré que les sauveteurs

« avaient mis tout en œuvre pour coordonner leur accès à la zone de façon à pouvoir atteindre l’endroit où la femme se trouvait avant qu’elle ne succombe. Mais tous ces efforts ont échoué. Le lendemain seulement nous avons pu entrer dans la zone. Nos équipes ont découvert que la femme était morte. »

Basal a ajouté qu’ils avaient encore reçu des appels téléphoniques de personnes toujours coincées sous les décombres de leurs habitations et qui avaient réussi à se maintenir en vie. Mais elles étaient désormais présumées mortes.

« Est-il raisonnable de s’imaginer que la conscience humaine, jusqu’à présent, ne se soit pas émue au vu d’événements comme ceux qui ont lieu dans la bande de Gaza ? »,

se demandait Basal.

Il a déclaré dans un autre reportage vidéo qu’au cours des deux semaines écoulées, Israël avait violemment attaqué des zones spécifiquement situées dans le nord de la bande de Gaza, dont la ville même de Gaza et Jabaliya.

Il a fait remarquer que des centaines de bâtiments avaient été détruits au cours de cette dernière série d’attaques, dans le même temps que des immeubles à la population nombreuse avaient été rasés au cours de ces frappes. Il a déclaré qu’environ 300 Palestiniens étaient toujours coincés sous les décombres et qu’il n’y avait pas de répit dans l’intensité des attaques.

Ces frappes coïncident avec les nouveaux ordres de déplacement forcés israéliens adressés aux zones du nord de Gaza. L’agence humanitaire de l’ONU a dit le 15 juillet qu’Israël ordonnait aux gens de se réinstaller à al-Mawasi,

« une zone déjà surpeuplée, dénuée des moindres éléments de base censés assurer la survie ».

L’ordre le plus récent

« couvre approximativement 9 kilomètres carrés et englobe 11 quartiers dans les gouvernorats de Gaza et de Gaza-Nord, où l’on estime le nombre actuel de résidents à quelque 120 000 »,

a ajouté l’ONU.

 

Tués en tentant de récupérer de l’eau

Dimanche 13 juillet, Israël a ciblé et tué sept enfants et quatre adultes au cours d’une frappe de drone alors que des gens tentaient de récupérer de l’eau potable d’un camion-citerne.

La pénurie d’eau a sévèrement empiré à Gaza, ces dernières semaines, avec la pénurie de carburant qui a obligé les sites de désalinisation et d’assainissement à fermer, rendant ainsi les gens dépendants des centres de distribution où ils peuvent remplir leurs divers récipients en plastique, a rapporté Reuters.

Il ne s’agissait que d’un massacre parmi tant d’autres qui se sont étalés dans tout Gaza sur une période de 24 heures, entre le 12 et le 13 juillet.

Le ministère palestinien de la santé à Gaza a rapporté que 139 corps avaient été amenés aux hôpitaux, durant cette même période.

Lundi 14 juillet, Israël a bombardé un autre camion-citerne d’eau dans le centre de Gaza, tuant le conducteur.

Asem Alnabih, le porte-parole de la Municipalité de Gaza qui est venu nous rejoindre lors du livestream du 17 juillet, a écrit pour The Electronic Intifada cette semaine :

« Au cours des 21 mois écoulés de l’agression israélienne, 75 pour 100 des puits de la ville de Gaza ont été détruits par Israël alors que les puits restants ont cessé de fonctionner ou ne le font plus que partiellement, durant un nombre d’heures limité, et ne suffisent donc pas à couvrir les besoins de la population. »

Entre-temps, le Groupe mondial des clusters de protection des Nations unies a fait savoir que, depuis le début de ce génocide, plus de 134 000 Palestiniens, dont plus de 40 000 enfants, présentaient actuellement des blessures découlant de la guerre.

On estime qu’un quart de ces personnes présentent de nouveaux handicaps nécessitant une réadaptation aiguë et continue et l’on croit que plus de 35 000 Palestiniens « souffrent d’importantes lésions auditives dues aux explosions », fait encore savoir le groupe.

En moyenne, 10 enfants par jour perdent une jambe, ou les deux, ajoute le rapport – une statistique sinistre qui se maintient depuis janvier 2024, selon ce qu’a déclaré Save the Children trois mois déjà après le début du génocide.

Les Nations unies ont dit que Gaza présentait le nombre d’amputés par habitant le plus élevé au monde.

 

900 personnes tuées aux sites « humanitaires »

Israël continue de tuer et de blesser des Palestiniens qui tentent d’obtenir de faibles quantités d’aide alimentaire aux prétendus centres de distribution gérés par la Gaza Humanitarian Foundation (GHF), une entreprise mercenaire privée dans laquelle les EU et Israël sont associés.

Jusqu’à présent, environ 900 personnes ont été tuées et plus de 5 700 blessées depuis que la GHF a entamé ses opérations sous le prétexte de distribuer de l’aide, voici sept semaines, en mai dernier.

Le 16 juillet, au moins 21 Palestiniens ont été tués par des tirs directs ou par étouffement lors d’une bousculade sur un site de la GHF à Khan Younis, dans le sud de Gaza.

L’office gouvernemental des médias de Gaza a déclaré que l’organisation mercenaire avait dit à ces centaines de Palestiniens de se rendre à un centre d’aide appelé « SDS3 ».

« Elle a alors procédé à la fermeture des barrières métalliques après avoir rassemblé des milliers de personnes affamées dans des passages étroits délibérément destinés à les étouffer »,

a déclaré le bureau des médias.

« Les employés de l’organisation criminelle et les soldats israéliens de l’occupation ont lancé du gaz au poivre et ont ouvert directement le feu sur les affamés qui avaient répondu à leur appel à l »aide’, ce qui avait provoqué des étouffements massifs et la mort immédiate d’un grand nombre de personnes sur les lieux mêmes.» 

« Il y a eu des dizaines de blessés à la suite d’une bousculade en un espace fermé dénué de la moindre sortie et donc destiné à tuer », a encore ajouté le bureau des médias.

Le journaliste Samer al-Boji a enregistré des personnes qui se lamentaient sur les corps de leurs êtres chers tués mercredi sur ce prétendu site d’aide.

Samedi 12 juillet, à un site de distribution situé à Rafah, une vidéo a montré des forces israéliennes ouvrant le feu très rapidement sur une foule énorme de Palestiniens. Certains ont été forcés de ramper par terre sur le ventre pour éviter d’être abattus.

Des images captées par des témoins ont également montré un soldat américain qui lançait vers la foule un objet dont Euro-Med Human Rights Monitor affirme qu’il s’agissait d’une grenade incapacitante.

Un témoin a expliqué à Euro-Med Monitor :

« Il y a un large trou juste avant l’entrée d’un point d’aide et où les gens se planquent habituellement avant l’ouverture des portes. Aujourd’hui, nous avons été surpris de voir trois monticules de sable en face du trou. Une fois celui-ci saturé de monde, trois chars ont escaladé les monticules, chacun portant des mitrailleuses lourdes. Une trentaine de soldats et de snipers les accompagnaient, armés jusqu’aux dents. Ils ont lancé des bombes incapacitantes par-dessus la foule. Toute personne qui tentait de s’extraire du trou était abattue séance tenante. »

Plus de 30 Palestiniens ont ainsi été tués.

Tareq Hajjaj a écrit pour Mondoweiss sur le massacre du 12 juillet. Il a échangé des propos avec un survivant de l’attaque, qui lui a parlé depuis son lit d’hôpital pour raconter les événements de la journée.

« La seule nourriture que nous pouvons obtenir, c’est via l’aide qu’ils nous jettent », a-t-il dit.

« Mais, quand nous y sommes allés aujourd’hui, les soldats se sont amenés avec leurs fusils et les chars avec leurs mitrailleuses. Nous avons vu les soldats pointer de tout près leurs armes vers nos têtes et nous descendre comme des oiseaux, comme si nous n’avions aucune valeur, comme s’ils s’amusaient à verser notre sang et à nous tuer par dizaines. »

Haddad dit que les chars israéliens tiraient au hasard dans la foule, pendant que les soldats cherchaient du regard ceux qui se relevaient pour les abattre d’une balle dans la tête.

« Nous étions couchés au sol, craignant les balles et tentant de sauver nos vies », dit-il. « Mais les soldats nous attendaient, installés en embuscade. Quiconque se redressait retombait, mort. »

Ceux qui parviennent à obtenir un carton d’aide de la firme mercenaire de tueurs américano-israéliens disent que ce qui se trouve à l’intérieur des cartons ne suffit pas à nourrir une famille affamée.

La journaliste d’Al Jazeera, Hind Khoudary, a déclaré lundi 14 juillet que les seules denrées distribuées par la GHF sont

« de la farine, du riz, de l’huile et deux ou trois autres denrées alimentaires, qui ne suffisent pas pour les familles palestiniennes. Il n’y a pas d’éléments pour s’abriter, pas de médicaments, pas d’eau potable. Les camions n’entrent pas à Gaza et les Palestiniens attendent jour après jour d’en savoir plus sur d’autres camions. Quoi qu’il entre à Gaza, cela ne suffit pas. »

Entre-temps, l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens, l’UNRWA, a déclaré qu’un enfant sur dix qu’elle examine dans ses cliniques souffre de malnutrition.

La situation était « sans précédent dans l’enclave », avant octobre 2023, mais, entre mars et juin, les chiffres ont plus que doublé, pour les enfants de moins de cinq ans, au milieu de ce siège quasi total »,

a déclaré l’ONU.

La haute responsable des urgences de l’agence, Louise Wateridge, a déclaré le 16 juillet :

« Il devient de plus en plus malaisé pour nous de continuer de fournir des services. »

Au moins 188 installations de l’UNRWA, c’est-à-dire, d’après elle, plus de la moitié de toutes les installations de l’agence dans la bande de Gaza,

« sont situées au sein de la zone militarisée ‘israélienne’, placée sous ordonnances de déplacement ou se trouvant là où chevauchent ces ordonnances ».

Près de 60 pour 100 des fournitures médicales essentielles sont désormais hors de stock, selon l’agence de l’ONU. « Des enfants meurent sous nos yeux, parce que nous ne disposons pas des fournitures médicales ou d’une alimentation soutenue pour les traiter », a déclaré l’UNRWA.

Et, cette semaine, Israël a émis une ordonnance menaçant d’affamer les Palestiniens qui tentent d’aller pêcher en mer afin de se nourrir.

Le 12 juillet, l’armée a déclaré qu’elle avait imposé des restrictions le long du littoral de Gaza et qu’elle empêchait toute entrée en mer. L’armée a dit qu’elle « s’occuperait de toute violation de ces restrictions ».

 

Un médecin assassiné

Israël continue de cibler les travailleurs des soins de santé alors que les hôpitaux et les services d’ambulance restent au bord de l’effondrement total.

Le directeur général de la défense civile de la bande de Gaza a annoncé le 10 juillet que tous ses véhicules avaient dû cesser de fournir des services de secours aux gens de la ville de Gaza et des zones du nord de la bande du fait que tous avaient besoin de réparations et qu’ils étaient complètement dépourvus de pièces de rechange, ne serait-ce que pour un entretien rudimentaire.

Un camion de pompiers est tout ce qu’il reste pour desservir toute la zone du nord de Gaza.

Dans le sud de Gaza, la défense civile dit que trois de ses six camions de pompiers et quatre de ses six ambulances sont totalement hors service aussi.

Cette semaine, les forces israéliennes ont assassiné le Dr Ahmed Atallah Hamed Qandil, l’un des plus éminents médecins de Gaza, consultant expérimenté en médecine générale. Il a été tué d’une frappe de drone qui l’a ciblé alors qu’il rentrait chez lui d’avoir travaillé à l’hôpital arabe Al Ahli à Gaza même.

Cette semaine aussi, l’avocat du Dr Hussam Abu Safiya, qui venait de lui avoir rendu visite à la prison israélienne d’Ofer, de triste renommée, a mis en garde contre le fait que la santé du médecin se détériore après plus de six mois d’incarcération et de traitements particulièrement brutaux de la part de ses geôliers israéliens.

Ghaid Qassem, l’avocate du médecin, a déclaré que le pédiatre et directeur de l’hôpital Kamal Adwan, qui avait été enlevé par les troupes israéliennes fin décembre dernier, a perdu aux alentours de 40 kilos en détention.

« Le Dr Hussam Abu Safiya n’est pas bien »,

a-t-elle écrit dans un post sur Facebook.

« Ma dernière visite date d’il y a quelques jours, le 9 juillet. Il a perdu plus de 40 kg – plus d’un tiers – de son poids. »

Qassem a ajouté qu’il avait été battu par les gardiens de prison le 24 juin, le lendemain de la fin de la guerre contre l’Iran. Sa cellule avait été perquisitionnée par les gardiens et il avait été violemment battu, entre autres dans les côtes.

Il souffrait en outre de vilaines contusions au visage, à la tête, au dos et au cou également. Le tabassage avait duré une trentaine de minutes.

Qassem a ajouté qu’Abu Safiya avait demandé des soins médicaux mais que sa demande avait été rejetée. Il souffre de pulsations cardiaques irrégulières, non traitées, et dernièrement on lui a brisé ses lunettes.

Elle a encore dit qu’Abu Safiya

« portait toujours des vêtements d’hiver et qu’il devait subir la faim, la torture et l’isolement (…) restant au sous-sol sans la moindre exposition à la lumière du soleil. Le Dr Hussam Abu Safiya et le reste des prisonniers palestiniens ne vont vraiment pas bien. »

 

Les pogroms des colons en Cisjordanie

En Cisjordanie occupée, les colons israéliens continuent d’intensifier leurs attaques contre les Palestiniens.

Le 11 juillet, Sayfollah Musallet, 20 ans, a été battu à mort par une foule de colons juifs à Sinjil, près de Ramallah. Les colons ont également abattu et tué un autre jeune homme de 23 ans, Muhammad al-Shalabi, au cours de cette attaque.

La famille de Musallet a dit que les colons l’avaient entouré pendant trois heures, au cours de l’attaque, et qu’ils s’en étaient pris aux paramédicaux qui tentaient de l’atteindre.

Le Comité américano-arabe contre la discrimination a dit que les États-Unis

« devaient cesser de traiter les vies des Palestino-Américains comme étant négligeables ».

« Les colons israéliens ont lynché le Palestino-Américain Sayfollah Musallet, 20 ans, alors que les responsables américains sont restés silencieux »,

a expliqué le groupe de défense dans une déclaration.

« Sayfollah était né et avait grandi en Floride. Il rendait visite cet été à sa famille en Cisjordanie quand des colons l’ont battu à mort alors qu’il protestait contre les saisies illégales de terres. »

Le cousin de Musallet a déclaré :

« Nous sommes effondrés après que notre bien-aimé Sayfollah Musallet, surnommé Saif, a été bestialement battu à mort sur la terre de notre famille par des colons israéliens illégaux qui tentaient de la voler. Après que la foule des colons israéliens s’est retirée quelques heures plus tard, le jeune frère de Saif s’est hâté de le transporter vers l’ambulance. Mais Saif est mort avant d’avoir atteint l’hôpital. »

D’autres pogroms de colons ont été rapportés ailleurs en Cisjordanie cette semaine. Le 14 juillet, des colons et des soldats israéliens ont lancé plusieurs autres attaques, y compris à Bethléem, où des colons ont déraciné des centaines d’oliviers au village d’al-Maniya, dans le même temps que les autorités israéliennes démolissaient un immeuble résidentiel de quatre étages, a rapporté Al Jazeera.

Le chef du conseil villageois d’al-Maniya a déclaré à l’agende de presse Wafa qu’un groupe de colons avaient fait irruption dans le centre d’al-Maniya, qu’ils avaient dressé quatre tentes et qu’ils avaient déraciné environ 1 500 jeunes oliviers appartenant à des familles palestiniennes.

Le 11 juillet, des colons israéliens ont attaqué et blessé une fillette palestinienne de 3 ans, lui jetant des pierres à la tête lors d’un raid contre le village de Sair, dans les environs de Hébron. Les colons ont attaqué les résidents alors qu’ils se rassemblaient pour célébrer un mariage.

Les Nations unies ont rapporté qu’entre le 8 et le 14 juillet, son bureau humanitaire a répertorié au moins 30 agressions de colons israéliens à l’encontre de Palestiniens, lesquelles agressions se sont traduites par des pertes en vies humaines et des déprédations de biens, ou par les deux en même temps.

Ces attaques se sont soldées par la mort de deux Palestiniens, l’un du chef des colons et l’autre dont on ne sait s’il a été tué par les colons ou par les forces israéliennes, a déclaré l’ONU. Quelque 92 autres Palestiniens ont également été blessés durant ces attaques : 14 par les forces israéliennes et 78 par les colons.

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Publié le 18 juillet 2025 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

 

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