Un gouvernement qui interdit arbitrairement des organisations ne rendra pas notre société plus sûre

Nina Henkens (Kif Kif), Jens Van Lathem (Labo vzw), Gitte Cattoir (Hart Boven Hard) et Lichen Ullman (Vredesactie) réagissent au plan gouvernemental prévoyant de dissoudre des « organisations radicales ».

« C’est une étape de plus vers une forme de gouvernance autoritaire. »

 

 

 

Dans l’une de ses dernières décisions d’avant les vacances d’été, le gouvernement fédéral a approuvé un projet de loi qui, une fois devenu loi, donnera unilatéralement la possibilité au gouvernement d’interdire des organisations qui

« constituent une menace grave et actuelle pour la société, en mettant en danger la sécurité nationale ou les fondements de l’État de droit ».

Samidoun, le réseau international de solidarité avec les prisonniers palestiniens, est l’une des cibles explicites. En tant qu’organisations de la société civile, nous soutenons la résistance à cette loi de Samidoun et d’autres organisations visées. À l’instar de la Ligue des Droits humains, nous voyons dans cette loi divers dangers et menaces pour l’État de droit.

Cette loi donne la possibilité au monde politique de criminaliser des organisations de façon arbitraire et c’est là une étape de plus vers une forme de gouvernance autoritaire. Elle place des organisations de citoyens indignés dans la position inverse de devoir prouver leur innocence, sans que le moindre fait ait été prouvé contre eux ou sans qu’un juge indépendant se soit exprimé sur leur cas.

Que soient précisément visés des activistes pro-palestiniens comme Samidoun, mais aussi des activistes du climat, n’a rien d’un hasard. Cela s’inscrit dans un climat politique dans lequel le pouvoir s’arroge le droit de mettre la loi de côté. En même temps, il met hors la loi des activistes qui sensibilisent à ces violations des droits humains. Pour contrecarrer cela, peu importe d’être d’accord ou non avec les discours, idées ou méthodes de Samidoun ou de Code Rouge. Ce dont il s’agit, ici, c’est que les moyens engagés contre eux sont antidémocratiques et qu’ils constituent une menace pour nos droits civils à tous.

Que l’attitude du gouvernement Arizona envers Israël constitue une violation du droit international et le rende complice du génocide mené contre les Palestiniens a déjà été explicité clairement par des experts. Même au moment où, au Royaume-Uni et aux Pays-Bas, deux alliés craintifs d’Israël, des mesures et des sanctions sont annoncées, le gouvernement belge ne va pas plus loin que des querelles ouvertes et une stagnation complice.

 

Pas de politique climatique

De même, autour de la politique climatique, il est clair que les États négligent leurs obligations internationales. La Cour internationale de Justice a statué récemment que les États étaient tenus de protéger le climat au profit des générations actuelles et à venir. Dans notre propre pays, l’État fédéral a déjà été condamné pour son manque de politique climatique sans qu’il donne la moindre suite à cette condamnation.

Que l’on réduise précisément au silence les organisations mêmes qui montent aux barricades à ce propos n’a rien d’un hasard. C’est une stratégie visant à pouvoir clouer le bec plus facilement au contre-pouvoir. L’arbitraire introduit par la loi ressort maintenant déjà du fait que Samidoun est l’exemple type que l’on a mis en exergue, alors que, tout récemment encore, le numéro un de l’OCAM (Organe de coordination pour l’analyse de la menace) déclarait que Samidoun n’était pas une organisation terroriste et qu’elle ne montrait aucune intention de commettre des attentats dans notre pays.

« Certaines organisations tiennent un discours extrémiste ou polarisant mais, tant que cela ne constitue pas une infraction au code pénal, bien des choses sont possibles dans le cadre de la liberté d’expression et de la liberté d’association. »

Le Premier ministre Bart De Wever (N-VA) a ensuite déclaré de Samidoun

« qu’ils font bien attention à ne jamais être pris en flagrant délit d’appel à la violence »

et que c’est donc pour cela qu’ils doivent être interdits. Voilà quelque chose de remarquable, parce que, plus tôt dans le débat sur la liberté d’expression, à l’occasion de la condamnation de l’organisation d’extrême droite Voorpost, De Wever avait déclaré :

« La haine en soit n’est pas punissable, c’est la violence qui est punissable. »

Dans le programme électoral de la N-VA, nous lisons en outre ceci :

« La N-VA part du principe qu’une société démocratique et sûre d’elle-même répond le mieux aux idées mauvaises en introduisant à leur place de meilleures idées dans le débat. Les idées mauvaises ou répréhensibles ne disparaissent d’ailleurs pas en les rendant punissables, bien au contraire. (…) Une opinion est libre tant qu’elle ne conduit pas à la violence. »

 

A la tête du client

Il y a donc tout lieu d’imaginer que le point de vue concernant les opinions divergentes est adapté à la tête du client et que cette nouvelle loi rend possible une attitude antidémocratique et autoritaire du pouvoir. C’est un danger pour tous les citoyens. Nous insistons ici sur le fait que le droit belge propose suffisamment de moyens de criminaliser les activités potentiellement dangereuses et nuisibles de certains organisations. La loi sur les milices privées et la loi antiracisme sont ici les plus importantes. L’arrêt récent dans l’affaire contre Schild en Vrienden le démontre.

La nouvelle loi n’est donc pas qu’antidémocratique, elle est également inutile. La seule différence, c’est que le pouvoir judiciaire est mis hors jeu afin de rendre possibles des décisions essentiellement politiques.

Le gouvernement Arizona a tendance, au nom de la sécurité, de réduire au silence les voix dissidentes. Mais on ne crée par la sécurité en démantelant l’État de droit ou en remettant en question les droits humains. Nous conseillons au gouvernement Arizona d’écouter également les voix qu’il préfère ne pas entendre. Afin d’agir selon ses obligations morales et juridiques, même lorsque la chose est malaisée.

Telle est la meilleure façon de vraiment œuvrer à cette société sûre dans laquelle nous voulons vivre tous. Un gouvernement qui interdit arbitrairement des organisations ne rend pas notre société plus sûre.

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Publié le 7 août 2025 sur De Morgen
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

 

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