L’après-midi de ce vendredi (9 juillet 2010) de soldes n’a pas été des plus productifs pour le magasin de vêtements H&M, situé dans la rue de la Montagne (une des principales artères commerçantes du centre de la ville) à Charleroi. Il a en effet été la cible d’une “action BDS” menée par une quinzaine de membres de la “Plate-forme Charleroi-Palestine” à l’occasion du 5ème anniversaire de l’appel émanant de la société civile palestinienne en faveur d’une campagne mondiale qui s’est développée sous le nom de « B.D.S. – Boycott, Desinvestissements, Sanctions« .
Pourquoi avoir “ciblé” H&M pour cette action des plus pacifiques ?
En mars 2009, quelques semaines à peine après l’agression israélienne sauvage contre la population de Gaza, en décembre 2008-janvier 2009, le groupe suédois de prêt-à-porter Hennes & Maurits (H & M) a décidé de s’implanter en Israël. Qu’importent les crimes de guerre, qu’importent les crimes contre l’humanité, qu’importent les violations du droit international et des droits humains. Les affaires sont les affaires.
Qui plus est, au printemps de cette année, H&M a ouvert un magasin à Jérusalem-Est, qui aux yeux du monde entier (sauf évidemment Israël) et de l’ONU fait partie de la Palestine occupée. Ce magasin a été installé sur les lieux mêmes de l’ancien village palestinien de Malha, détruit en 1948 comme des centaines d’autres par les terroristes sionistes, et dont les habitants ont été soit massacrés soit chassés.
On sait que Jérusalem-Est fait, chaque jour un peu plus, l’objet d’une épuration ethnique rampante, les habitants arabes étant chassés progressivement par tous les moyens.
Ce processus – la chose est reconnue par la quasi-totalité des pays du monde – est un obstacle évident à tout accord de paix juste et durable, et témoigne de façon éclatante de la volonté des gouvernements israéliens successifs (et de celui actuellement en place plus que tout autre) de refuser une telle paix.
Voilà à quoi H&M prête activement la main sous couvert de ne faire “que” du commerce…
Pendant deux bonnes heures, nous avons donc informé les clients de H&M et les chalands à la recherche de bonnes affaires dans les boutiques du centre de la ville de la réalité de cette situation.
Plus de 750 personnes ont été individuellement contactées – parfois cela a donné lieu à de longs échanges de vues -, et leurs réactions ont été pratiquement unanimement positives par rapport à cette action (il y a bien entendu des « on n’y peut rien« , et des « je ne fais pas de politique« , mais AUCUNE réaction favorable à la politique d’Israël !). Beaucoup de consommateurs ignoraient tout de cette situation, et se sont montrés surpris, voire indignés de l’attitude de H&M. Plus d’un(e) a assuré que la chaîne se passera désormais de sa clientèle.
H&M places espoirs dans la police : grosse déception
La direction du magasin, elle, était évidemment beaucoup moins ravie !
Nous avons rapidement appris, par une cliente qui sortait du magasin, qu’elle avait alerté la police.
Sans grand succès, apparemment, puisqu’une patrouille de deux policiers qui passait par là a tranquillement poursuivi son chemin.
Mais les deux pandores sont repassé un peu plus tard, et à ce moment la gérante du magasin est sortie pour les apostropher. Dialogue :
– La gérante : rendez-vous compte, Monsieur l’agent, à l’intérieur du magasin les gens ne parlent plus que de ça et ils n’achètent plus rien !
– Le policier : mais madame, je vois que tout se passe très calmement, vos clients ne sont pas empêchés d’entrer et de sortir comme ils veulent…
– La gérante : oui, d’accord. Cinq minutes ça va, mais ils ne vont quand même pas rester jusqu’à la fermeture !
Il se fait, justement, que c’était bien l’intention !
Le policier, très courtoisement, nous fit alors savoir qu’il devait demander des instructions par radio, puis un peu plus tard que “des collègues plus compétents” allaient arriver, parce que lui (à pied) ne s’occupait que de la circulation.
De fait, nous n’avons pas été privés de “collègues plus compétents”. Parfois aussi plus arrogants, plus agressifs, gueulards et aussi plus cons (et obsédés par le besoin de savoir “qui est le chef”, cela va ensemble). On a eu droit successivement à :
- une première voiture avec deux agents à bord, munis de gilets pare-balles (on n’est jamais trop prudent quand il y a des arabes dans le coin, hein !)
- suivie de deux agents cyclistes
- suivis de deux agents circulant avec des scooters
- suivis de deux autres agents à pied
- suivis d’une deuxième voiture avec deux agents à bord
Au total, donc une douzaine d’agents – qui ont passé en moyenne environ 30 minutes sur cette douloureuse “affaire”, soit donc 6 heures de main d’œuvre (sans compter les rapports qui, on le suppose, suivront telle un chemin de croix la voie hiérarchique qui débouche sur une grosse poubelle !) – pour arriver à la conclusion qu’aucune infraction d’aucune sorte ne pouvait être relevée (pour autant que nous prenions soin de ramasser les tracts éventuellement jetés au sol par ceux à qui nous les avions distribués, mais on n’en a trouvé que 2 !).
Au moment, où nous nous préparions à plier bagage, un des riants porteurs de gilet pare-balles tint, histoire de terminer ce bel après-midi estival sur une note joyeuse, à nous montrer que ses cordes vocales et son taux de testostérone étaient au zénith, tandis que son activité cérébrale était au contraire nettement atténuée par la chaleur (explication bienveillante, car on ne peut exclure qu’il s’agisse d’un problème structurel et non conjoncturel).
Il a donc tenu à nous faire savoir que c’est par un effet de sa bonté qu’on nous avait “laissé notre liberté d’expression”, dont ce pauvre d’esprit se croit semble-t-il propriétaire.
L’accueil de la direction de H&M a été à ce point émouvant (voir le dialogue plus haut) que nous donnerons certainement l’occasion à la police de Charleroi de peaufiner cette intéressante théorie. On reviendra !