Bayan Faroun rappelle les jours de pandémie dans sa prison israélienne
Les autorités israéliennes ont relâché la jeune Palestinienne, Bayan Faroun, après qu’elle a passé 40 mois à la prison de Damon, près de Haïfa.
Salam Abu Sharar, 28 août 2020
RAMALLAH – Depuis cinq ans, la jeune Palestinienne Bayan Faroun, 26 ans, espère contre toute attente qu’un jour, son fiancé Ahmed, sortira des portes cadenassées de sa prison israélienne pour nouer les liens nuptiaux.
Neuf mois après leurs fiançailles officielles, en mars 2015, au moment où les familles se préparaient à leur mariage, les troupes israéliennes faisaient irruption au domicile d’Ahmed et arrêtaient le jeune homme.
« Il a été condamné à six ans de prison. En mars 2017, l’armée a fait irruption dans ma maison aussi et m’a arrêtée. J’ai passé 40 mois dans une prison israélienne »,
explique Faroun, originaire d’Al-Ezarieh, une ville située à proximité de Jérusalem-Est.
Elle avait été accusée de participer à des activités pro-Hamas en Cisjordanie occupée.
Bayan Faroun avait été élue porte-parole des prisonnières palestiniennes à la prison de Damon, près de Haïfa, en 2018. Elle a gardé cette fonction jusqu’à sa libération, en juillet 2020.
Rappelant ses longues journées de captivité, elle a déclaré qu’en avril, elles avaient organisé une manifestation pacifique dans la cour de la prison pour demander qu’il leur soit permis d’appeler leurs familles, après que les visites de ces dernières avaient été suspendues en raison de la pandémie de Covid-19.
Suite à la pandémie, pas moins de quarante prisonnières, dont onze mères, n’avaient plus aucune information à propos de leur famille et de leurs enfants.
« Après 10 heures passées dans la cour, les forces israéliennes qui nous entouraient ont quitté le département et l’administration a approuvé notre requête en vue d’appeler nos familles, sauf dans le cas de trois détenues, pour des raisons sécuritaires »,
dit-elle, ajoutant que les prisonnières étaient passablement inquiètes pour leurs familles, après le déclenchement de la pandémie.
Bien que les autorités carcérales aient permis aux prisonnières de contacter une unique fois leurs familles, elles avaient continué à leur refuser la fourniture de produits hygiéniques et autre matériel en suffisance.
« Elles nous ont donné des masques en tissu. Médicalement, ces masques ne convenaient pas. Quand je leur ai demandé de nous donner des masques convenables, elles nous ont répondu qu’elles ne disposaient pas de tels masques et que nous devions laver nos masques en tissu et les réutiliser »,
ajoute-t-elle.
Refus de tout check-up de santé
Faroun explique que sept détenues, grièvement blessées au moment de leur arrestation, se sont vu refuser des check-up périodiques de santé. Tout ce que les médecins leur ont donné, ce sont des antidouleurs. Le corps d’Israa Jaabis, 34 ans, était brûlé à 60 pour 100, au moment de son arrestation. Mais elle n’a pas été admise à l’hôpital afin de se faire opérer.
« L’administration a affirmé que Jabees n’avait pas besoin cde ces opérations. D’autres détenues, qui avaient demandé d’être hospitalisées pour des maladies chroniques n’ont pas eu non plus l’autorisation d’aller à l’hôpital »,
ajoute-t-elle.
L’hiver dernier, les forces israéliennes ont confisqué tous les appareils électriques et ont tabassé les détenues.
« L’administration a décidé de transférer une détenue à la cellule d’isolement malgré son état de santé critique. Quand nous avons protesté, les militaires nous ont tabassé avec une agressivité extrême. Puis ils ont fermé les cellules et nous ont empêchées de sortir dans la cour pendant de nombreuses journées »,
raconte Faroun.
En sa qualité de porte-parole des détenues, elle a dû intervenir à plusieurs reprises pour protéger les filles contre les gardiens de la prison.
« Quand Ashraf Nalawah a été assassiné, sa mère était en prison et j’ai dû l’informer que son fils était devenu un martyr. C’a la mise en état de choc, elle hurlait dans la cour et elle a demandé de pouvoir rentrer chez elle afin de voir son fils. L’administration a refusé. Toutes les prisonnières se sont mises à pleurer, à ce moment »,
dit-elle.
Au lieu de la consoler, les responsables de la prison ont tenté de la provoquer en se réjouissant et en lui adressant des sourires en coin.
Les autorités suppriment les livres et le matériel destiné aux travaux manuels
Les autorités pénitentiaires israéliennes ont récemment interdit au Comité international de la Croix-Rouge (CICR) de distribuer des livres aux prisonnières. Auparavant, elles recevaient des livres de leurs familles au moment des visites. La pratique avait été interrompue en raison de la pandémie.
« Les autorités administratives ont fait preuve d’entêtement et ont refusé d’ouvrir la bibliothèque du département. Après maintes sessions, le tribunal central de Haïfa a rendu un jugement favorable à la réouverture de la bibliothèque, mais celle-ci continue à avoir besoin de nouveaux livres »,
explique Bayan Faroun.
Alors que le temps fuit dans le monde libre, il connaît un arrêt sinistre à l’intérieur de la prison. Dans ce cas, que font les détenus pour passer le temps et se distraire l’esprit de tout ce qui les perturbe ?
Faroun rappelle que les prisonniers investissaient leur temps dans l’apprentissage de la calligraphie arabe, des langues et d’occupations manuelles. Mais, à certains moments, ces activités étaient interrompues elles aussi.
« Récemment, les autorités ont interdit les fils et perles de couleur destinés à fabriquer de l’artisanat. L’administration n’a pas approuvé notre requête de les acheter à la cantine »,
dit-elle, ajoutant que les détenues avaient l’intention d’introduire dans la cour une réclamation contre cette ordonnance, et ce, par le biais de leur représentante.
Publié le 28 août 2020 sur Anadolu Agency
Traduction : Jean-Marie Flémal